J’ai  récemment pris conscience d’un problème chez moi : je suis une stressée de la vie. Il y a mille et une raisons à ça. Il y a mille et une personnes concernées. Alors mes amis, anxieux, angoissés, stressés, cet article c’est pour moi, c’est pour vous. Vous n’êtes pas seuls. Ceux qui se sentent comme des artistes déchus, des incompris vraiment pas compréhensibles, des phénomènes du “et si?”. C’est pour nous, les stressés de la vie.

À fleur de peau, moi ? Non. À fleur de nerfs, directement. J’allais commencer ce récit dans le vif du sujet. Mais juste après cette accroche, je me suis arrêtée et j’ai commencé (ou plutôt continué) à stresser.

Il y a peu de temps, j’ai réalisé que j’étais une stressée de la vie. Et là je vois mes proches me dire “ah ouais? Après plus d’un quart de siècle?”. J’ai l’impression de vivre comme sous adrénaline. J’explose intérieurement à peu près toutes les trente secondes. Au moindre bruit, je sursaute et mon cœur s’emballe. Je me mets une pression dans tout ce que je fais. Je m’investis émotionnellement à 100 000%, mais comme pour un pneu, bien trop surgonflé, j’augmente mon risque d’accident, que je n’espère pas cardio-vasculaire.

J’ai l’impression d’être dans une balance constante qui alterne entre emmagasiner, être paralysée et exploser. Vous voyez Aggretsuko ? Je me dis qu’on se ressemble un peu. Un jour on m’a demandé de faire des pâtes. J’ai jamais eu de problème avec ça dans ma vie. Sauf que j’ai paniqué et je les ai ratées. Mais vraiment, ça ressemblait à une purée de gluten, ultra acide, avec le concentré de tomate. Absolument dégueulasse, de quoi ravir toute la famille. Ma mère m’ a toujours dit que j’étais pas normale. Véridique.


Et si le secret contre le stress ne résidait pas dans le karaoké de dark metal ? Pour le personnage Aggretsuko c’est le cas. 

Est-ce que c’est moi qui provoque ça ?

Des fois il y a des situations, j’ai l’impression de les provoquer. Comme la fois où je suis allée dans un laboratoire à la Défense. J’arrive déjà tendue. Je préviens la préleveuse que j’ai peur des aiguilles. Comme par hasard, elle m’a massacrée. Elle m’a fait un bleu de chaque côté. “Ah la veine a explosé…”. Ah bah super. Je tourne le regard vers mon bras. Je vois le liquide rouge couler et l’aiguille dans ma peau. Normalement, j’étais tellement sous pression que le sang aurait dû jaillir.

En plus, à un moment, elle me demande de lui tenir son matériel, pour piquer le deuxième bras qu’elle m’a tué. Et elle ne portait pas de gants. Alors ça, ça m’a rendu malade. Bah non, soi-disant elle ne touchait pas mon sang. À la fin de la séance , je portais des flacons, du sang avait taché sur le siège, et elle a eu le culot de me dire “Vous êtes trop stressée, ça ne coule pas. Regardez ça fait du goutte à goutte”. Non, non, il fallait juste serrer un peu plus fort le garrot. Je sors de là vite fait bien fait.

Et pour finir l’histoire en beauté, quelques jours plus tard, je reçois un message vocal. “Oui, il faudra revenir, il y a une partie des tubes qui a coagulé”. Mais mon Dieu, pourquoi ?! Pourquoooooooooooooooi? Nande? Why? Warum? Porque? Waalach? Peut-être pour un enseignement que je n’ai pas encore assimilé.

Plein d’idées pour R(ien)

Blague à part, ça ne fait pas que des anecdotes marrantes à raconter. J’ai pléthore d’idées de projets, je les pense, je les vis intérieurement, je prévois tout, j’organise des détails insignifiants… Sauf qu’une fois qu’il faut passer à l’action, j’angoisse. Ça peut durer des jours,  des mois. Un instant, j’étais déjà en train de relire ce que j’ai écrit au début. Taper la suite retient mon attention.

Je vous disais, que oui, ça peut durer des mois, des fois des jours, et puis il y a des choses qui me travaillent pendant des années. Ceux qui me connaissent bien me disent “Tu te casses trop la tête. Arrête de penser et vas-y”. Je suis comme un gosse sur le plongeoir le plus haut de la piscine. À la une, à la deux, à la… Non attends, et si je faisais un salto ? À la une, à la deux… Non, peut-être pas, plutôt comme ça. À la une, bon j’y vais, à la deux… Sauf que le temps que je me décide à sauter, l’eau s’est carrément évaporée.

Est-ce qu’ils s’imaginent que je me paye leur tête ?

Dans le travail, c’est pas facile. La première conférence de rédaction du BB, par exemple, j’ai dû me présenter. Premier essai : je bégaye et j’oublie des mots dans ma phrase. Ça va, j’ai recommencé. Il faut dire qu’ils sont plutôt sympas. Et je suis pas payée pour dire ça, enfin si, un peu pour mes articles, mais bon, bref. J’essaye de me concentrer mais je ne suis jamais satisfaite de ce que je produis.

Je reviens toujours sur ce que je fais, je rajoute, je retire, je re-crée un plan, je perds du temps, je dépasse la deadline que je me suis fixée, et cela crée -vous l’aurez bien compris- du stress. Parce que ça ce n’est qu’un seul stress, je stresse car je pense à mon retard. Je me demande si les chefs vont penser que je me fous d’eux, parce qu’ils ont été compatissants avec moi. Est-ce qu’ils s’imaginent que je me paye leur tête ?

C’est vrai qu’on pourrait penser que j’exagère, mais je me dis que je trahis peut-être leur confiance en voulant la préserver autant. On m’a toujours dit que la confiance c’est sacré. Parce qu’en vrai, ça me réveille la nuit. Ça m’arrive de faire des cauchemars. J’ai souvent la boule au ventre. Des fois je fais nuit blanche pour avancer. Des fois j’avance même pas. Et j’ai honte. Un jour, à un stage, je n’ai pas réussi à rendre un article, j’étais angoissée pendant 6 mois, jour et nuit. La honte.

Essaye de te détendre

Parfois, je me dis : “Tiens, pense à autre chose avant de t’y mettre, essaye de te détendre.” Sauf que ça ne marche pas vraiment. J’essaye de m’occuper l’esprit, mais mon attention reste fixée sur ce que je dois faire. J’ai l’impression de perdre du temps, ça m’inquiète. Tic, tac, tic, tac. A force de stresser et de plein d’autres choses, j’ai mal au ventre, aux épaules, au dos. Je suis allée voir un ostéo, il m’a recommandé d’essayer de me détendre avec des exercices de respiration : la cohérence cardiaque, tout ça…

Mon ami, tu ne sais pas à qui tu as affaire. De temps en temps ça marche quand même. J’ai essayé la méditation un moment mais j’ai vite abandonné. Alors les gens me disent de ne “penser à rien, de faire le vide”. Mais comment c’est possible? Je n’arrive pas à gérer toutes ces pensées qui m’attaquent. Il me faudrait un sensei qui prenne ça en charge pour moi. Mais j’ai trouvé tout de même quelques exutoires. Ça me permet d’avoir des conversations avec moi-même, je me sers la main, je pactise avec moi pour me dire “Go, go, go!”.

Oui mais moi, c’est pas pareil.

Vous les stressés de la vie, il vous arrive peut-être d’encourager des personnes quand elles échouent. Mais quand c’est vous, vous avez  du mal à agir comme si vous étiez votre propre ami. L’autre jour, je suis tombée sur un Tulipe, la bande dessinée de Sophie Guerrive. Tulipe l’ours réconforte son ami Narcisse après un échec. Il lui dit, mais ça arrive à tout le monde. Et là Narcisse répond, quelque chose comme : justement, je ne suis pas tout le monde.

Une planche de Tulipe, la bande dessinée de Sophie Guerrive.

Ça m’a fait réfléchir. Bien sûr, on a tous nos traumatismes. Alors peut-être qu’au lieu de placer notre esprit dans l’essentiel, on met maladroitement notre égo dans l’addition. Comme si c’était là notre unique valeur. Peut-être aussi qu’on ne connaît pas la nôtre. Ça met du temps à se dompter.Nous les stressés, les passifs-agressifs, les seulement agressifs, les implosifs, les explosifs, on doit trouver nos armes, notre source.

Un parent, un ami, des médecins, des sages, des écrits sacrés ou profanes, des préceptes, des observations. Il y a des réponses, mais ça restera à nous de cheminer. Des fois parler comme des poètes torturés ça aide. En attendant mes Narcisses, respirons. Parce que, ça fait mal à l’égo, mais oui on est comme le reste de l’humanité. Inspirer, expirer. Cultivons la force du souffle. Aimons-nous pour de vrai.

Une dora-maqueen l’exploratrice

Je me souviens qu’une fois, on faisait du bricolage. Arrive le moment où je me coupe avec un morceau de métal rouillé. Ça a réveillé la dramaqueen en moi. C’était fini. Micro-coupure ou pas, j’ai tout lâché, et j’ai disparu pendant 30 minutes, à fouiller tous les sites pour savoir si j’avais pas le tétanos. La santé, ça me fait gamberger. À force d’être stressée, je sais que j’augmente mes risques de maladie. Vous aussi, mes camarades. Ça fait baisser les défenses immunitaires, et ne parlons pas de la tension.

Il faut que je m’applique à trouver et forger la chose qui me permettra de me libérer. La dernière fois, je rendais visite à ma tante aux soins pallatifs. Elle a un cancer. Elle me racontait comme elle était maniaque quand elle était en forme. “J’avais une femme de ménage pour m’aider, mais moi je renettoyais derrière elle à chaque fois.  Mais, avec le recul, je me dis que je me cassais trop la tête. À quoi bon, c’est vrai quoi.” Finalement, quand tu t’es détaché de toutes les contraintes, tu arrives à relativiser. C’est vrai que la mort, ça fait réfléchir. Mais moi pour l’instant, moi je vis, alors en attendant, je suis une stressée de la vie.

Myriam Moussaoui

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