Elodie Placide a déjà réussi son pari. En quelques semaines, la jeune entrepreneuse de 25 ans d’origine martiniquaise, a réuni les fonds nécessaires après une campagne Ullule rondement menée, pour continuer à mener à bien son projet de protections hygiénique lavable, sans perturbateurs endocriniens.

Mais avant d’être l’entrepreneuse de choc, Elodie Placide s’est fait connaître sur les réseaux, notamment Youtube, où elle partage ses prises de positions, ses habitudes capillaires, ou encore la déconstruction de clichés. Un contenu pour permettre à d’autres femmes de se reconnaître et de sortir des canons de beauté blancs notamment.

Née à l’été 2021, Clitty est une initiative saluée sur ses réseaux et que la jeune femme entend bien mener à Lyon, là ou elle a terminé ses études. Une marque 100% française et féminine de la conception à la production.

 

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Des protections lavables, réutilisables, et sans perturbateur endocrinien : c’est ce que propose Clitty. 

BB : Peux-tu nous expliquer en quoi consiste Clitty, concrètement ?

Elodie Placide : Clitty est une marque de protections menstruelles réutilisables ainsi qu’un e-shop dédié aux menstruations et au bien-être des personnes menstruées.

J’ai découvert que les perturbateurs endocriniens se trouvaient jusque dans mes protections menstruelles classiques ! Je me suis alors tournée vers les culottes menstruelles mais celles que j’ai testées fuitaient.

Comment as-tu eu l’idée de cette marque ?

J’ai été diagnostiquée atteinte d’endométriose il y a quelques années. En cherchant des solutions pour soulager les symptômes, j’ai compris qu’il fallait que bannisse les perturbateurs endocriniens. Etant donné que, dans mon quotidien, j’étais dans une démarche écologique, je pensais que ce serait simple à faire. Eh bien pas du tout ! J’ai découvert que les perturbateurs endocriniens se trouvaient jusque dans mes protections menstruelles classiques ! Je me suis alors tournée vers les culottes menstruelles mais celles que j’ai testées fuitaient. J’ai aussi essayé les serviettes menstruelles mais elles n’étaient pas assez absorbantes. Alors que je cherchais comment régler ce souci, j’ai eu, dans le cadre de mon master, à monter un projet entrepreneurial. Je me suis alors lancée dans ce projet, en gardant en tête de vendre ce dont j’avais moi-même besoin.

Donc ton moteur c’est vraiment de soulager les personnes atteintes d’endométriose ?

C’est ça ! Je souhaite apporter du bien-être, de l’information, des protections menstruelles confortables… Je suis consciente que c’est égoïste de vouloir aider les autres, parce que ça gonfle l’égo, mais je veux aider les femmes, les personnes menstruées, les minorités. Que les personnes qui n’ont pas la place qu’elles devraient avoir dans la société l’aient d’une manière ou d’une autre. Je crois à la sororité, c’est faux de dire que les femmes ne peuvent pas être copines.

 

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Avec une campagne de communication bien rodée, Élodie Placide veut imposer sa marque comme une alternative aux protections classiques. 

Que souhaites-tu qu’on mette en place pour les personnes atteintes d’endométriose ?

Il faut tout d’abord qu’on les écoute. Ensuite, j’aimerais qu’on forme tout le corps médical à la question. Il faut qu’on parle partout de la maladie et qu’on apprenne à la diagnostiquer. Il y a trop de retard de diagnostic, il faut le réduire.

Pour l’instant trop de gens pensent que c’est normal de vomir ses tripes pendant ses règles. 

Il est aussi temps que les personnes menstruées et leur entourage démantèlent la croyance que les règles puissent être douloureuses au point de devenir handicapantes. Pour l’instant trop de gens pensent que c’est normal de vomir ses tripes pendant ses règles. Normalisons le fait que ce n’est pas la règle. On a besoin des médias, du corps médical, des campagnes du corps médical ! Il y a autant de personnes atteintes de l’endométriose que de personnes atteintes du diabète. En France, c’est 1 femme sur 10. On met bien le budget ailleurs, mettons-le ici aussi !

Des boutiques qui proposent ce type de produits, il y en a un certain nombre depuis quelques années. Comment te démarques-tu avec Clitty ?

J’ai conçu mon produit de sorte qu’il soit vraiment confortable, absorbant et doux. Et beau (rires) ! Chez Clitty, il y a un côté onirique dans le design : on voit des constellations, des astres… je voulais aller au-delà de la praticité. Mais à ce niveau-là, tout va bien aussi. J’ai fait tester mes serviettes à 5 ou 6 ami·es ainsi qu’à des influenceuses pour en être sûre.

Pour te dire : au moment où je te parle, j’ai mes règles et c’est la première fois que j’utilise mon produit en bonne et due forme. Eh bien il change complètement la donne ! J’ai investi du temps et de l’énergie pour arriver à ce résultat : avec l’atelier lyonnais 100% féminin avec qui je travaille, on a commencé à prototyper en février dernier et la marque a été lancée en juin de cette année, mais ça fait deux ans que je pense le projet.

 

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En 2020, 1,7 millions de femmes étaient en situation de précarité menstruelle en France. 

L’inclusivité et la solidarité ont l’air d’être des valeurs importantes à tes yeux, même dans une démarche commerciale… 

C’est dû à mon vécu… Je me suis toujours sentie exclue. Que ce soit vis-à-vis de ma sexualité, ma tenue vestimentaire, ma manière de pensée. Après tout ça, la sensation de sentir qu’on est à sa place est incroyable. J’ai pu la connaître grâce aux communautés nappy (contraction de natural et happy-heureux- le mouvement nappy entend permettre aux femmes noires d’accepter leurs cheveux et leur corps au naturel, NDLR), elles m’ont beaucoup aidée.

Je crée ce que j’aurais aimé avoir en grandissant.

J’ai vécu toute ma vie en Martinique où il y avait beaucoup de colorisme et ça a beaucoup obstrué dans la construction de moi-même. Avec YouTube, Instagram, j’ai rencontré des gens et je me suis rendue compte qu’on vivait tous·tes la même chose. Plus largement, je remercie la communauté afro-féministe aussi. Elle permet de sentir que nos vécus sont reconnus et similaires, ce qui permet de trouver des solutions ensemble. J’ai compris que se sentir inclus·e, ça devrait être la base. Donc si je peux créer un safe space ne serait-ce que pour une personne, je serais très contente. Je crée ce que j’aurais aimé avoir en grandissant.

D’ailleurs, le nom de ta marque fait explicitement référence au clitoris. Peux-tu nous raconter l’histoire de ce choix ? 

Pour les personnes qui ne sauraient pas, « Clitty » c’est la contraction du mot clitoris. Je l’aime bien car dès qu’on l’entend, ça fait sourire ! Ça crée du lien entre nous, c’est court, c’est impactant. On n’est pas obligé·e d’avoir un clitoris pour comprendre. Ce nom a un côté humoristique, il s’agit plus de comprendre la blague plus que d’avoir un clitoris. C’est un système de private joke, finalement, peu importe le genre. Selon les retours que je reçois, les gens trouvent ça mignon et cool. Ils apprécient aussi que le clitoris prenne de la place dans l’espace public, ça lance des conversations autour du sujet.

Dans le climat actuel, certaines personnes pourraient trouver à redire sur des projets comme les tiens. Aurais-tu quelque chose à leur dire ?

Franchement ? Non. Je ne comprends pas comment tu peux être en désaccord avec l’inclusivité. De toute façon, ce ne sont pas ces personnes-là que je vise. Une fois que tu crois en tes valeurs et en ce que tu fais, rien ne peut t’arrêter. Mais c’est vrai que ce qui se passe est effrayant. Je pense qu’il y a encore plus besoin d’un refuge, d’un endroit où l’on se sent valorisé·e. Tant qu’iels seront là, il y aura un besoin pour les initiatives comme Clitty. J’ai envie de dire : plus iels seront nombreux·ses, plus on sera nombreux·ses.


En 2019, Elodie Placide évoquait déjà sur Youtube les questions de protections périodiques. Deux plus tard, elle fonde sa propre marque Clitty. 

Tu communiques beaucoup sur les réseaux, et n’hésites pas à t’afficher aussi, pourquoi ce choix-là ? 

En termes de communication, tout s’articule autour de mon vécu et de ma personne. Ce qui n’est pas le cas des autres marques. Je parle beaucoup avec les abonné·e·s et les clientes. Je crois que, sur le compte Instagram de la marque, on voit mon visage toutes les trois photos (rires). On sensibilise mieux lorsqu’on incarne le sujet car les gens s’identifient, ça change des infographies. Ça montre aussi qu’il ne faut pas hésiter à prendre la parole. Ni à la donner d’ailleurs. Je ne maîtrise pas tous les sujets donc j’ai aussi envie de collaborer avec d’autres marques, j’ai envie de donner la parole aux gens qui ne l’ont pas.

Qu’est-ce qu’on peut-on te souhaiter pour la suite ?

Que beaucoup de monde connaisse l’initiative et qu’à la fin de ma campagne Ulule, le lancement des serviettes plaise. Que la marque arrive à se développer au niveau des produits et des sujets abordés : j’aimerais faire des choses autour de la sexualité, du post-partum. J’aimerais un jour embaucher aussi. Et un événement comme celui qu’organisait tous les ans la Natural Hair Academy  ! Ce serait l’apothéose ! Le goal ! Ce serait royal !

Propos recueillis par Sylsphée Bertili 

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