Point de rendez-vous, la gare de Garges-lès-Gonesse dans le 95. La ville est à l’image du temps de ce vendredi 26 février, grise, pas un coin de verdure dans ce monde de béton. Alain Dolium, tête de liste du Modem en Ile-de-France, est en campagne. « Rien n’a changé dans cette ville depuis la dernière fois que je suis venu », dit-il. Le candidat nous explique où il se situe politiquement : « Socialement je suis de gauche. » Il reconnaît avoir voté pour Jospin en 2002. Mais il estime que le PS est un peu timoré dans le domaine économique.

Alain Dolium est entrepreneur et souhaite le rester s’il est élu. « Je veux garder les contacts avec la société civile. Si M. Sarkozy était en phase avec les réalités de la société, il ne se serait pas engagé à ce qu’il n’y ait plus de SDF, car c’était une proposition peu crédible. » Il demande aussi que les politiques prennent des engagements fermes. « S’ils ne les tiennent pas dans les délais impartis, les élus devraient être contraints d’abandonner leur mandat. »

Direction le marché de Garges. Il n’y a pas foule autour de l’équipe de campagne. La distribution de tracts commence, une mère interpelle le candidat sur la situation de son fils : bac +5 en droit et ne trouve pas de travail dans son domaine. Il occupe un poste de manutentionnaire. « Il se sent victime de discrimination », ajoute la mère qui note les coordonnées d’Alain Dolium. Elle espère que ce dernier pourra aider son fils. Et le candidat d’en profiter pour lui énumérer quelques-unes de ses propositions pour les jeunes : création d’un « capital jeune de 10 000 euros » pour les inciter à créer leur entreprise dans leur département, plan emploi-projet qui leur permettrait de se réinsérer…

Selon un sondage publié dans le Journal du Dimanche, le Modem, parti de François Bayrou, ferait un score de 5% en Ile-de-France. Mais Sophie Jacquest, conseillère régionale sortante et tête de cette formation dans le Val-d’Oise, dit ne pas accorder d’importance aux sondages. Elle espère pour le Modem la même destinée que celle qu’avait connue le parti de Daniel Cohn-Bendit. « Qui avait pronostiqué les résultats d’Europe Ecologie aux élections européennes l’an dernier ? » A propos de l’affaire Ali Soumaré, elle regrette que le PS n’ait pas joué dès le début de la campagne la transparence en reconnaissant son passé judiciaire : « Il y a eu un bug dans la communication. »

Que fera le Modem à l’issue du premier tout des régionales ? Guy Messager, maire de Louvre (95), candidat de ce parti dans le Val d’Oise, ne veut pas d’alliance, « ni avec le PS, ni avec l’UMP. Il faut sortir de cette bipolarité UMP-PS ».

Autre passant, autre problème. Un homme de 38 ans se plaint auprès d’Alain Dolium de ce que l’administration lui ait demandé de prouver, certificats scolaires à l’appui, sa nationalité lors du renouvellement de sa carte d’identité. « Je suis né en France ! », proteste-t-il. « C’est une orientation politique. Il y a de la part de l’administration un abus de pouvoir », tranche l’homme en campagne, et de sous-entendre que le gouvernement actuel y est pour quelque chose.

Changement de lieu : voici les locaux d’une association où Alain Doluim écoutera « les doléances de jeunes ». Six jeunes, plus adultes qu’ados, sont présents pour accueillir le candidat. Celui-ci, détendu et ravi par la chaleur ambiante, prend place dans le cercle. Les participants se présentent timidement. Une femme parle des difficultés rencontrées par son petit frère dans son parcours scolaire. Mais elle a l’air gênée.

Aain Dolium prend la parole pour détendre l’atmosphère. Il ne la lâche plus. Il présente ses projets, explique son parcours de jeune de banlieue qui n’a connu qu’à 21 ans l’existence de grandes écoles de commerces. Tout y passe : son amour pour le modèle entrepreneurial anglo-saxon, son étonnement face à la stagnation voire à la dégradation du système décrit par les jeunes depuis une trentaine d’années… Et c’est Sophie Jacquest qui, amusée des yeux fatigués et inattentifs des participants, reprend le flambeau et demande : « Et vous, qu’attendez-vous de cette discussion, quelles sont les choses concrètes sur lesquelles vous aimeriez connaître une évolution rapide ? »

Tout le monde sourit, et louche sur son voisin. Finalement c’est le porte-drapeau du groupe, une étudiante qui souhaite devenir éducatrice spécialisée, qui prend son courage à deux mains. Elle est venue ici car elle se sent évoluer dans une société qui « stigmatise ». Elle veut être actrice de son avenir en changeant les choses, notamment à travers le vote. Cette intervention délie les langues.

Son voisin se lance. Il estime que c’est la formation qui n’est pas adaptée. Le jeune homme et la tête de liste s’accordent à dire qu’il y a un problème d’adaptation de la formation au tissu social. L’étudiant insiste sur un point : les profils qui sont en difficultés scolaires, sont très différents. Il faudrait, dit-il, pouvoir les traiter individuellement et attentivement.

Un autre participant se glisse dans cette discussion en forme de thérapie de groupe : « Je suis venu ici car j’attends plus d’action et moins de blabla de la part des politiciens. Dans l’origine du terme démocratie, il y a peuple et ici, cela fait bien longtemps que le peuple n’a plus le pouvoir. Plus les élus montent en grade, plus ils s’éloignent de la réalité, s’en déconnectent. » Une jeune femme reprend : « On veut et on doit voter, c’est important, c’est notre seule perspective d’avenir. Il faut retrouver confiance dans le vote, ça se fera petit à petit. Il faut s’intéresser à ces choses-là, on ne peut pas laisser faire. » Tout le monde la félicite.

Mais Sophie Jacquest veut entendre un mot de toutes les personnes assises dans le cercle. Une jeune femme déclare que la grande priorité serait de lier les enjeux du logement, de l’emploi et du transport. La totale. Alain Dolium la félicite pour cette remarque, et de préciser à l’attention des journalistes : « Beaucoup d’experts n’ont toujours pas compris ce qu’elle vient de synthétiser. C’est exactement là que se situe le rôle de la région. Faire le lien, trouver les justes corrélations entre les préoccupations des Franciliens. »

Il est 13h30 : pause-déjeuner. La visite reprendra après manger. Ce petit tour de campagne, c’est « une façon de se faire connaître, de rappeler que le Modem est là, confie Alain Dolium. Je dois accroître ma notoriété mais surtout me faire un nom sur la concrétisation de mes projets. »

Sarah Battik et Latifa Zahi

Sur les photos, Alain Dolium porte une écharpe orange.

Sarah Battikh

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