Les arbres verdoyants bruissent. Gisements des feuilles fleuries à travers le vent qui tourne. Beaucoup de vent. Un vent froid et sec qui balaie le faubourg. Les bourrasques bousculent ce bout de trottoir. Quelques motos stagnent. Et les affiches du Front de Gauche sont scarifiées. Le visage de Mélenchon, incrusté sur un poteau, se décolle.

C’est au croisement de la rue Crozatier et du Faubourg Saint-Antoine, dans le 12e arrondissement. Un bout de rue qui s’entend sur deux numéros pairs. C’est une parcelle de terrain en plein Paris, perdue dans un enchevêtrement urbain. Les voitures glissent sur le bitume. Quelques klaxons. Rien de plus.

Il n’y a pas d’agitation. Ni cri. Ni sifflet. Ni journaliste. Ni rien. Le vide sidéral. Et pourtant, ce carré de bitume est un point stratégique de cette journée de campagne. Pendant que les deux candidats se battent à l’épée avec 9,2 kilomètres d’écart, ce croisement est à égale distance (4,6 kilomètres) du Château de Vincennes et de la Concorde. Au milieu, tout simplement.

Pendant que les grands jouent à se défier, pendant qu’ils se défoncent à coups de milliers de militants, le 83 de la rue Crozatier a la place de l’arbitre. La place de Bayrou, qui lui, est à Marseille. Et étrangement, l’adresse-du-milieu avait choisit son camp. Parce qu’au 83, la devanture est bordeaux, le rideau baissé et le magasin s’appelle « Nicolas ». Le milieu penche à droite.

Un homme, tristement débraillé, s’arrête et demande :  » Vous n’auriez pas 50 centimes pour m’acheter un sandwich?  » En face, dans la boulangerie, la boulangère gère les fournées. «  Là, on est au milieu, mais moi, je choisis la gauche. » Le milieu penche à gauche. Elle poursuit :  » C’est des lieux très contrastés. Entre la Concorde vraiment chic et Vincennes un peu plus populaire…  »

Un retraité, dépassé par le choc des titans, glisse, en déposant ses mains sur nos épaules :  » J’ai 80 ans, je suis saturé. Des journées comme ça, j’en ai connu beaucoup.  » Des journées où les combats ne sont pas tendres. Il s’évapore. Du coté gauche du milieu.

Les échos n’arrivent pas jusque là. Au guichet de la station Ledru-Rollin, prise en sandwich entre les deux, deux agents RATP témoignent :  » Depuis ce matin, on voit des gens avec des drapeaux français, mais on sait pas s’ils vont à Vincennes ou à la Concorde. » Mystère de l’itinéraire. L’un reprend :  » De toute façon, la gauche ou la droite, c’est pareil. Je ne vais pas voter  » L’autre achève :  » C’est pour ça que Marine est une bonne option. » Marine, quant à elle, casse « l’UMPS » depuis une salle d’Henin-Beaumont. À 210 kilomètres de là.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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