François Fillon et les quartiers

Fin 2009, François Fillon disait ceci : « On parle beaucoup des banlieues et des quartiers quand ça va mal, on en parle beaucoup moins lorsque la réussite et le civisme sont au rendez-vous ». Sept ans plus tard, de ces banlieues, l’ancien Premier ministre n’en parle plus du tout, au sujet desquelles il souhaitait pourtant « casser les clichés ».

Les quartiers populaires ont été notoirement absents de la campagne menée par François Fillon depuis 2013. Interrogé à ce sujet lors du débat d’entre-deux tours, le député de Paris s’est montré aussi vague que lapidaire, parlant d’abord d’économie nationale avant de citer, pêle-mêle, « la destruction des barres », « le retour des forces de police » et la poursuite « de ce qui est fait » comme autant de pistes d’avenir. Service plus que minimum donc.

Lorsqu’il dirigeait le gouvernement, François Fillon a pourtant signé, en 2008, le « Plan Espoir Banlieues » de Fadela Amara, à l’époque secrétaire d’État en charge de la politique de la Ville. Avant d’en couper drastiquement les financements dans les mois et les années qui ont suivi. La suite ? Pas grand-chose, sinon quelques épisodes de tensions avec les acteurs locaux (élus, associatifs, militants…)

François Fillon ne semble pas avoir pris la mesure de l’urgence de la situation sociale

En mai 2010, l’Association des maires de grandes villes de France, devenue depuis France Urbaine, s’en prend ouvertement au Premier ministre accusé de reporter aux calendes grecques la réforme de la politique de la ville. François Fillon « ne semble pas avoir pris la mesure de l’urgence de la situation sociale, expliquait Emmanuel Heyraud, en charge de ces questions à l’AMGVF. On a le sentiment d’être abandonnés, la politique de la ville n’est pas une priorité alors qu’elle concerne 8 millions de personnes ».

De fait, les difficultés spécifiques des quartiers populaires (pauvreté, chômage, éducation, insécurité…) ne semblent pas accaparer l’esprit du vainqueur de la primaire de droite. En 2005, déjà, lorsque des révoltes urbaines frappaient les banlieues de France, François Fillon dénonçait sur son blog « cette explosion de violence ». Et refusait d’en rendre responsables « l’insuffisance de la politique de la ville », les baisses « marginales » des aides aux associations ou l’action de la police « contre les caïds » des quartiers.

Au vu de l’indigence de ses propositions de jeudi soir, son analyse n’a pas franchement évolué. Pour le provincial François Fillon devenu élu des beaux quartiers de Paris, la situation des  banlieues est loin d’être une priorité. Et elle ne devrait pas subitement en devenir une dans la campagne présidentielle que s’apprête à mener, à compter de ce lundi, l’ancien Premier ministre.

Quand on entre dans la maison d’autrui, on n’y impose pas ses lois !

D’abord sur l’islam, qui semble être une obsession. Le 29 septembre dernier, il sort son livre « Vaincre le totalitarisme islamique », un sujet porteur chez les militants. Le lendemain, il déclare au Figaro qu' »il n’y a pas de problème religieux en France« , mais qu' »il y a un problème lié à l’islam », soulignant que « l’ennemi, c’est le totalitarisme islamique« . Le problème, selon lui, « c’est l’intégration de la religion musulmane dans la République« . Une intégration qui passe, selon lui par l’interdiction des signes religieux à l’école. Il avait ainsi soutenu la loi interdisant le port du voile intégral en 2010.

Lors de son meeting parisien du 25 novembre, il a dénoncé « le repli communautaire«  et le danger islamiste. « Seul l’intégrisme musulman menace notre société ». On comprend que l’islam est la seule religion qui lui pose problème, c’est pourquoi « [il veut] un strict contrôle administratif du culte musulman ». La solution pour rassembler le peuple ? « Le patriotisme », selon lui, « seule façon de transcender nos origines, nos races et nos religions ». D’ailleurs, cette phrase, mot pour mot, François Fillon l’avait déjà prononcée le 26 février 2013 dans un discours à la Mutualité lors d’un rassemblement avec ses partisans qui apparaissait comme le premier pas vers sa candidature pour 2017.

Autre thématique préférée de Fillon : l’immigration. « Les étrangers ont des devoirs avant de réclamer des droits, a-t-il déclaré, toujours lors de son ultime meeting. « C’est une question d’unité nationale, poursuit-il. Mais c’est aussi une question de courtoisie. Quand on entre dans la maison d’autrui, on n’y impose pas ses lois ! » Une formule assez proche de celle déjà utilisée une première fois lors du dernier débat de la primaire jeudi 24 novembre. « Quand on vient dans la maison d’un autre, par courtoisie, on ne prend pas le pouvoir ». François Fillon voit donc les immigrés et enfants d’immigrés comme d’éternels invités sur le territoire français.

L’éducation prioritaire, pas une priorité

Le premier portefeuille ministériel de François Fillon était celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de 1993 à 1995. En 2004, il revient rue de Grenelle avec un titre en plus, celui de l’Éducation nationale. Entre 2004 et 2005, l’apprentissage des fondamentaux en primaire, la lutte contre l’échec scolaire et la réussite des élèves en zones défavorisées figurent dans ses priorités. Aujourd’hui, le premier point de son programme éducation concerne (encore) les « fondamentaux« . Il propose également un renforcement de l’apprentissage de l’anglais, notamment « avec des semaines intensives de pratiques orales ». En 2004, il parlait déjà du renforcement de l’apprentissage des langues étrangères avec un projet d’enseignement des langues vivantes dès le CE2.

Lors de son mandat au ministère de l’Éducation nationale, il avait mis l’Éducation prioritaire au cœur… de ses priorités. À l’occasion d’un discours prononcé en avril 2005, il déclarait ceci : « L’État met, dès à présent, davantage de moyens là où les handicaps sont les plus prégnants (de l’ordre de 15% pour les établissements situés en ZEP) ».

Dans son programme actuel, François Fillon ne parle plus de cette politique prioritaire. Pourtant, les chiffres sont tout aussi alarmants. D’après ceux du ministère de l’Éducation nationale, en 2016, 77% des enfants de cadres obtiennent un baccalauréat général contre 35% parmi les enfants d’ouvriers et d’employés. En d’autres termes, un enfant d’ouvrier et d’employé a deux fois moins de chances qu’un enfant de cadre d’obtenir un baccalauréat général. En 2016.

Sarah ICHOU, Leïla KHOUIEL, Ilyes RAMDANI

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