Le 19 septembre dernier, le Sénat a adopté le projet de loi interdisant le cumul des mandats électifs tout en s’en excluant. Au Parti socialiste, l’idée ne fait pas l’unanimité, et la Seine-Saint-Denis n’est pas exempt de cette contradiction que voulait pourtant combattre François Hollande.

En Seine-Saint Denis, il semblerait que la traditionnelle union de la gauche ne soit plus vraiment d’actualité pour les prochaines municipales. En effet, cette époque apparaît révolue pour Stéphane Troussel qui a annoncé il y a une semaine sa volonté d’être candidat à la mairie de La Courneuve qui lui avait échappé en 2008. Même son de cloche du côté de Montreuil, ou Razzye Hammadi, devançant tout le monde, commençait déjà à se placer en tant que candidat à la mairie depuis décembre dernier.

Tous deux se présentent donc contre des maires sortants et de gauche faisant fi de l’union prônée depuis toujours par le parti socialiste. Union qui a pourtant permis à Razzy Hammadi de se faire élire député en 2012 avec 100% des suffrages suite au retrait du candidat du Front de Gauche. Mais passons, cet esprit «révolutionnaire» n’est pas la seule chose qui unit ces deux candidats. La passion du travail, le cumul des responsabilités et le goût du pouvoir semblent les animer de la même manière. En effet, être maire, viendrait s’ajouter à une longue liste de responsabilités qui incombent déjà à Messieurs Troussel et Hammadi.

Razzy Hammadi d’abord, il est député de la 7e circonscription de Seine Saint-Denis. En tant que député, il est membre de la commission des affaires économiques mais aussi de celle des affaires européennes. Enfin, depuis février 2013, il préside la Commission d’examen des pratiques commerciales. Son agenda est donc bien rempli. Mais il semblerait qu’il reste un peu de place pour mener la campagne de la mairie de Montreuil. Mais s’il est élu maire de Montreuil, Razzy Hammadi assure qu’il abandonnera son mandat de député. La raison pour laquelle il s’est présenté à la députation m’échappe alors. Le cumul est certes, incompréhensible, mais quel intérêt porte-t-on à sa circonscription ou à sa ville lorsque l’on saute ainsi de mandat en mandat, d’une ambition à l’autre ? La 7e circonscription de Seine Saint-Denis ? – Ok mais jusqu’à ce que je décroche Montreuil a dû t-il dire, loin d’oreilles de ses électeurs. Et puis, la 7e circonscription c’est Bagnolet, mais aussi Montreuil Est, Nord et Ouest alors Montreuil, Razzy Hammadi s’en occupe déjà un peu normalement.

Stéphane Troussel, lui, n’a pas annoncé renoncer à un de ses mandats en cas d’élection à la Courneuve. Pourtant, il est Président du conseil général de Seine-Saint Denis mais aussi conseiller général du canton de la Courneuve, conseiller municipal de La Courneuve, conseiller délégué de la communauté d’agglomération Plaine Commune, président de l’Office Public de l’habitat de la Seine-Saint Denis, président de la Société Publique d’aménagement Deltaville et donc candidat à la mairie de la Courneuve. Un couteau suisse. Qui a dit que les hommes n’étaient pas multitâches? Comment mener la campagne et, peut-être, remplir des fonctions de maire lorsque l’on a déjà un département et tant de dossiers à gérer ?

«C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Montesquieu propose une solution depuis bien longtemps déjà. Il n’est pas difficile de comprendre à quel point ces situations sont aberrantes, pourtant Stéphane Troussel n’est pas l’un des plus cumulards. Pour autant, le bon sens ne semble pas être arrivé jusqu’au palais du Luxembourg, le Sénat ayant rejeté la loi anti-cumul en commission. Sans surprise. De la même manière que les députés avaient refusé de voter une quelconque baisse de leurs indemnités il y a quelque temps. Chacun s’arc-boute donc sur ce qu’il possède, comment alors reprocher aux Français de défendre eux aussi ce qu’ils possèdent, qu’il s’agisse de leur retraite ou de leurs services publics.

Reste que la règle du non-cumul entrera sûrement davantage dans les «mœurs parlementaires» lorsqu’il sera plus facile de défendre son département ou sa région de sa circonscription que de Paris après un échange entre deux portes avec le ministre concerné. Parce que si certains parlementaires semblent manquer de discipline c’est peut-être parce qu’une réforme de nos collectivités apparaît nécessaire à la place d’une simple règle d’interdiction. En attendant, certains sautent sur tous les mandats, car si l’homme est un animal politique, les hommes politiques sont les prédateurs.

 Latifa Oulkhouir

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