Un air de clarinette se brouille avec un tonnerre de piano. Et la musique s’emballe. La salle est immense. Johnny n’hésiterait pas à y allumer le feu. Les gens portent des chemises aux cols blancs, contents de se retrouver. Un peu comme une réunion géante d’habitués. « Alors, c’était comment Genève? » lance un gars à son collègue globe-trotter. Le palais des Congrès se remplit tranquillement. Il finira à moitié vide.

L’organisation frôle la perfection. Accroché à son téléphone, une nana prévoit : « Et à 15h32, il y aura une question ». Le temps est compté. Et la musique s’estompe. Le palais s’obscurcit. Un léger bruissement prévoit l’arrivée imminente de Claude Guéant. Le discours qu’il déclamera est gentiment posé sur son siège par ses sbires de l’ombre. Le ministre est comme à la télé, étouffé dans son smoking, caché derrière des lunettes transparentes. Jean Louis Borloo est à ses trousses.  Et déjà, l’ex numéro deux du gouvernement emploie le « si je suis.. » présidentiel.

« Moi, je suis venu voir ce qui se passe sept ans après » nous déclare-t-il. Avant de nous demander, souriant et rassasié par le repas gastronomique qui vient de s’achever : « Vous vous souvenez de l’état des ghettos, en 2003? ». Et le même Jean Louis de se laisser aller à quelques envolées sociales : « Je veux une France plus juste, des mains tendues … ». La gauche est dans sa bouche, et il nous envoie sa droite : « Oh, gauche ou droite, on me la fait plus ! ».

Et voilà que tout le monde enfonce gentiment son fessier dans les jolis sièges. C’est au tour de Guéant de lire son discours. « Un ministre de l’intérieur est concerné par cette question du logement ». Mais, soudain, ses mots créent le trouble : « Il y a un lien entre la résidence et la tranquillité ». Peu à peu, Guéant reprend son rôle de premier flic entre les mains : « Je veux, avec Luc Chatel , ouvrir des écoles aux parents dans les quartiers et enseigner le français dès la crèche ».

Le ministre, qui pense sûrement qu’on parle le chinois à la crèche, semble s’être trompé d’endroit. Mais il précise : « Je veux poser le problème et pas stigmatiser ». Avant qu’il ne fuit pour se frotter aux piquantes questions de l’Assemblée Nationale (questions au gouvernement), on l’interpelle. On lui demande de nous parler de son « chez-lui », de son logement. Et Guéant nous lâche, frontalement : « J’occupe un deux pièces au ministère de l’Intérieur. Mais c’est un peu plus grand qu’un F1 ». On en est à le plaindre.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah.

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