« Je suis arrivée enthousiaste, positive. Je me suis dit ‘le plan Borloo, ils ne vont pas nous le faire deux fois’. Résultat, je suis déçue. » Sylvine Thomassin, la maire (PS) de Bondy résume le sentiment partagé par bon nombre d’élus, ce jeudi à Bobigny. « On ne sent pas une vraie volonté de changer les choses dans ce département. » Pour elle, les moyens alloués ne sont pas au rendez-vous. Face à un plan qui privilégie une approche localisée et spécifique, elle rappelle qu’il faut du structurel en Seine-Saint-Denis. A l’annonce des 150 policiers supplémentaires pour un département d’au moins 1,6 million d’âmes, l’édile se marre : « Je me suis dit qu’il manquait un zéro ».

C’est tout l’objet de la démarche que la maire de Bondy et d’autres élus du département ont porté en déposant plainte contre l’Etat pour rupture d’égalité. Contrairement à ce que peut laisser croire les multiples « plans banlieues » déployés depuis des décennies, le 93 ne bénéficie pas de plus de moyens que d’autres départements. C’est même tout le contraire. Le rapport des députés François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (LREM) sur l’action de l’Etat dans le département indique notamment que le moins bien doté des établissements parisiens est mieux doté que le plus doté des établissements de la Seine-Saint-Denis.

Le maire (PCF) de Stains, Azzédine Taibi, était lui aussi du recours contre l’Etat. Il dénonce ce jeudi des « mesurettes qui ne correspondent pas à l’ampleur et à la réalité des difficultés » et entend « continuer la bataille pour demander l’égalité républicaine en Seine-Saint-Denis. » Stéphane Troussel (PS), le président du conseil départemental, salue la reconnaissance par l’Etat de la situation (« c’est bon à prendre ») mais prévient : « Il faudra aller bien plus loin. Les inégalités se cumulent entre elles, il faut revoir la dotation aux collectivités locales, l’allocation des ressources. »

On a mis un pied dans la porte

En matière d’éducation, les 20 millions d’euros supplémentaires annoncés sur 10 ans pour aider les villes à dédoubler les classes de CP et CE1 paraissent, pour beaucoup, dérisoires. « Pour vous donner un ordre d’idée, un collège coûte 26 millions d’euros » rappelle Alexis Corbière, député LFI, qui regrette également que rien ne soit fait dans les domaines de l’écologie et des violences faites aux femmes.

Sa collègue Clémentine Autain fait partie de ceux qui voient le verre à moitié plein. « On a mis un pied dans la porte, salue la députée insoumise. Au moins, le rapport n’est pas resté dans une armoire à prendre la poussière. Mais ce n’est qu’un début. Je suis contente qu’il y ait un intérêt et des premières mesures. Tout ce qu’on a fait n’a pas été vain. Mais ce n’est qu’un début. »  La députée implantée à Sevran n’en reste pas moins critique à l’égard de l’exécutif. « On demandait un plan de rééquilibrage dans la durée, rappelle-t-elle. Ce qu’on a, ce sont des annonces pour maintenant. Il n’y a pas d’installation dans la durée d’un plan de rattrapage. Quand on regarde dans le détail, on se rend compte que des mesures avaient déjà été annoncés, que certains chiffres ne sont pas aussi ambitieux qu’on pourrait l’imaginer… »

Dans un communiqué, le maire (PCF) de La Courneuve, Gilles Poux, parle d’un « premier succès » mais regarde déjà vers la suite : « Il faut aller plus loin », dit-il tout en soulignant le « besoin de poursuivre le dialogue avec les ministères. » Clémentine Autain, elle, reprend sa métaphore du pied dans la porte et parle désormais… de la « pousser » : « Il ne faut pas que l’Etat prenne ça pour un solde de tout compte. »

Soraya BOUBAYA (avec Héléna BERKAOUI et Ilyes RAMDANI)

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