C’était donc le débat tant attendu. Depuis plusieurs jours, les médias avaient épuisé tous les angles inimaginables pour teaser sur l’événement. Sur le papier, les Français devaient, à la suite de ces presque trois heures de débat, se faire une idée des propositions des deux candidats finalistes. En savoir plus sur ce que Nicolas Sarkozy et François Hollande envisageaient pour sortir la France du chômage, de la baisse du pouvoir d’achat, des inégalités sociales. Finalement, le duel n’a été que l’opportunité pour l’un et l’autre de bomber le torse, de sortir les petites formules, et surtout de conforter chacun des électeurs dans ses positions. Certes, la discussion a été intense, les deux personnalités se sont encore plus affirmées, deux visions se sont farouchement opposées. Mais les propositions concrètes, elles, celles ayant trait au quotidien des Français, peuvent toujours attendre.

Beaucoup ne donnaient pas cher de la peau de François Hollande face à un Nicolas Sarkozy connu pour sa combattivité. En réalité, le candidat sortant a franchi un niveau, plus agressif, souvent sur la défensive, agité, recherchant à plusieurs reprises le regard approbateur des deux journalistes animateurs. Son adversaire, lui, n’a eu de cesse de le regarder dans les yeux, comme pour mieux prouver qu’il ne le redoutait pas. Dès le départ, les attaques personnelles ont fusé. D’un côté, Nicolas Sarkozy opposant sa « vérité » et son « bon bilan » aux « mensonges » et « calomnies » d’un candidat aux « formules creuses ». François Hollande rappelant une énième fois à son adversaire les « cadeaux faits aux riches », sa réunion avec les donateurs de l’UMP dans un chic hôtel parisien ou le piquant de son : « Avec vous c’est simple, c’est jamais de votre faute ! »

Car Nicolas Sarkozy a été pris dans son propre piège. Devoir répondre de son bilan, au risque de s’engluer dans une justification sans fin, laissant toute la place à son adversaire de répondre et d’expliquer ses propres propositions : contrats de génération, banque publique d’investissement, nucléaire, droit de vote aux étrangers. Conséquences : celles de Nicolas Sarkozy ont été très peu abordées, condamné à commenter, critiquer, accuser celles de son adversaire. Au final, Nicolas Sarkozy a presque théorisé l’anti-hollandisme, installant son adversaire dans une posture de quasi président.

Sur le contenu, difficile de se satisfaire des échanges entre les deux. Chacun a assommé le téléspectateur de chiffres en tout genre, souvent sans comparaison, accusant l’autre de manipuler les siens. Bataille de numéraires sur le chômage, le déficit public, les impôts. Une discussion d’experts censée élever le niveau, mais qui, en réalité a inondé par sa technicité.

Les grandes problématiques sociales, elles, ont été balayées. Quid du logement, de la santé. Elles ont été réduites aux enjeux liés à l’immigration, aux éventuelles conséquences du droit de vote des étrangers aux élections locales, à la place de l’islam en France. Des thèmes sur lesquels Nicolas Sarkozy apparaissait le plus à l’aise mais où François Hollande ne s’est pas complètement dérobé, malgré le malaise lorsque Nicolas Sarkozy a brandi une lettre comme énième preuve, selon lui, de ses ambiguïtés; celle qu’il a adressée au président de l’association France-Terre d’Asile sur les centres de rétention.

Nicolas Sarkozy ne s’attendait sûrement pas à un François Hollande aussi combattif, n’hésitant pas à l’interrompre, à lui demander des précisions ou à s’expliquer sur tel ou tel propos. C’était l’objectif principal du candidat socialiste, favori des sondages. Montrer qu’il maîtrise les dossiers, qu’il a la stature du chef de l’État, qu’il ne se laisse pas impressionner. Et surtout qu’il souhaite proposer une présidence en opposition frontale à celle du candidat sortant. D’ailleurs, à la fin de l’émission, lorsque François Hollande a énuméré sa longue litanie de ses engagements en tant que futur président de la République, à aucun moment Nicolas Sarkozy ne l’a interrompu. Comme s’il signifiait qu’il avait déjà perdu. Son dernier appel, en guise de conclusion, à l’adresse des électeurs du Front national et du MoDem en dit long sur son état d’esprit à quatre jours du jour J.

Nassira El Moaddem

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