En premier lieu le Rouge, parce que c’est la couleur du sang. Et du sang versé, il y en a eu au Rwanda, qui, dans l’actualité, montre le paradoxe des branches du droit. D’un côté, la reprise des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda. Le droit international public est avant tout un droit de relations. De l’autre, une plainte déposée en France contre un exilé accusé d’avoir participé au génocide rwandais. Le droit pénal est avant tout un droit de sanctions. Dans les deux cas, finalement, le droit ne tente t-il pas de soigner les plaies ?

Le génocide est un crime contre l’humanité, la plus grave des infractions. Que l’on se rappelle ici le procès de Nuremberg de 1946, qui a donné naissance à ce crime, dont le mot clé est l’imprescriptibilité, qui permet de poursuivre les auteurs de ces actes abominables bien après leur commission. D’imprescriptibilité, il est d’ailleurs question dans l’ouverture à Munich du procès de John Demjanjuk, accusé de faits remontant à 1943 : la complicité dans la mort de 27 900 juifs dans le camp d’extermination de Sobibor en Pologne, où John Demjanjuk aurait été gardien. L’imprescriptibilité suscite par ailleurs une belle polémique, lorsqu’elle est reconnue par les Etats-Unis à propos des crimes sexuels, autorisant ainsi l’arrestation de Roman Polanski plus de trente ans après les faits.

Entre le Rouge et le Noir, il n’y a qu’un pas que Stendhal nous permet de franchir d’un roman. Le Noir donc. Ce Noir, couleur de toiles de maître, magnifiée en ce moment à Beaubourg par Pierre Soulages. Ce Noir, également couleur de peau, ridiculisé sur une autre toile, l’Internet. Où l’on a vu le visage de Michelle Obama transformé pour lui donner une apparence simiesque, sur le moteur de recherche Google image. Une telle caricature relève de la provocation à la haine raciale, acte prévu et réprimé par le Code pénal français (art. R. 625-7).

Mais, en matière de criminalité via le monde virtuel, comment retrouver le responsable ? On se souvient qu’il y a quelques années, un juge français avait condamné Yahoo pour qu’il empêche l’accès à des sites pronazis. Dans ces conditions, une procédure identique n’aurait-elle pas pu être engagée contre Google. A ce jour, l’image litigieuse a disparu.

Mélangez du Noir avec du Blanc et vous obtiendrez du Gris. Le Blanc et le Gris, deux couleurs qui servent aujourd’hui à qualifier les mariages. On connaissait le mariage blanc. Celui qui est contracté par des époux qui sont de mèche pour détourner l’institution du mariage et en obtenir seulement certains avantages : comme la nationalité de l’un des conjoints. Voilà que le ministre de l’immigration, vient d’initier l’expression de « mariage gris ». Dans ce cas, l’un des époux est « blanc comme neige », de bonne foi dira-t-on juridiquement. Il est victime d’une séduction dolosive. Et l’on apprend que de tels mariages devraient être annulés.

Pourtant, on se souvient de la célèbre formule de Loysel qui siffle sur nos têtes depuis la première année de droit : « En mariage trompe qui peut. » L’objectif recherché par le ministre de l’immigration est-il de remédier à ce que des playboys séduisent de riches héritières pour profiter de leur argent ? Rien n’est moins sûr. On sent davantage flotter le drapeau de l’identité nationale au dessus de nos têtes.

Un drapeau qui, pour l’Union européenne, est tout de bleu vêtu. Le 1er décembre est entré en vigueur le Traité de Lisbonne. Cela ne nous laisse pas indifférents, nous juristes. Avec Lisbonne, c’est la Charte des droits fondamentaux qui devient juridiquement contraignante. Dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, autant de droits fondamentaux qui s’imposent désormais aux institutions de l’Union comme aux États membres. Des principes qui valent bien le coup d’être rappelés, tant ils sont chaque jour menacés : suivez nos regards vers la votation populaire de nos voisins suisses pour l’interdiction des minarets.

Laurent Bonnefoy et Béatrice Morin
Juristes, enseignants dans une faculté de droit de la banlieue parisienne

Laurent Bonnefoy

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