MUNICIPALES 2014 – UNE SEMAINE A MARSEILLE. Le stade Vélodrome et son club de l’Olympique de Marseille défraient la chronique et sont en permanence au cœur des débats de la deuxième ville de France. Les clubs de supporters chargés de la vente des places bénéficient d’une grande influence. Le foot pourrait bien avoir un rôle à jouer dans cette campagne municipale.

« On ne parle pas politique », assure le président des Dodger’s avant de raccrocher. La politique semble taboue chez les clubs de supporters de l’OM. S’il n’est pas la thématique centrale des programmes électoraux à Marseille, le Stade Vélodrome est tout de même une question importante de la campagne municipale. Les deux principaux candidats se sont positionnés sur le futur statut du stade. Le maire actuel, l’UMP Jean-Claude Gaudin souhaite qu’il reste municipal, quant au candidat PS, Patrick Mennucci, il a fait de sa privatisation son cheval de bataille. Trop coûteux, il grève le budget des sports de la ville selon le socialiste qui, s’il est élu, souhaite développer l’offre municipale des piscines.

L’histoire du Vélodrome est une vraie saga. Débutés en juin 2011, des travaux colossaux ont été entrepris en vue de l’Euro 2016: augmentation du nombre de places de 60 000 à 67 000, couverture des tribunes et programme immobilier parallèle (hôtels, bureaux, centre de soins…) Un coût total de 268 millions d’euros sur la base d’un partenariat public-privé entre la mairie et l’entreprise AREMA du constructeur Martin Bouygues. Cette dernière va exploiter le Vélodrome pour les 35 prochaines années, une aubaine.

Des travaux et une gestion qui ont été critiqués par la Chambre régionale des comptes dans un rapport publié en octobre dernier. Il y dénonce un « agrandissement [qui] excède largement les besoins habituels de la ville », même pour les impératifs du championnat, « les contributions publiques [qui] atteignent près de 50 % du coût de l’investissement », ainsi que des conditions de location du stade à l’OM très déséquilibrées en faveur du club. « La convention de 2011 en vigueur jusqu’au 30 juin 2014, date de la livraison du stade, ne prévoit plus qu’une redevance forfaitaire de 50 000 euros par an », y est-il précisé. La CRC préconise une redevance d’au moins 8 millions d’euros.

Les clubs sollicités par les candidats

11 rue Venture, près du Vieux port, à la boutique officielle et QG des Yankees. Vous pouvez y acheter ballon, tee-shirt et autres objets à l’effigie de l’OM. Surtout c’est ici que vous pouvez vous procurer un abonnement ou des places dans le virage Sud, chez les supporters des Yankees. Hakim, membre actif, affirme que la politique n’a pas sa place ici, « le foot est notre seule préoccupation ». Malgré tout, le jeune homme a son avis sur la question. « La meilleure solution serait que l’OM soit vendue avec le stade », affirme-t-il. Derrière la boutique, le bar est en travaux. Dans la poussière du chantier, Hakim regarde la télévision qui diffuse en continue matches et analyses sportives. Le chauffeur des Yankees se met du côté de Hakim. « Chacun fait ce qu’il veut. De toute façon lui ou un autre », souffle-t-il.

Malgré tout, on sent une petite préférence pour le candidat Gaudin. « Quand vous êtes marié à quelqu’un depuis vingt ans, vous avez envie d’aller voir ailleurs si c’est mieux ? Non, et bien là c’est pareil » explique Michel Tonini Président de ce club de supporters, il affirme qu’il n’a pas d’influence sur les votes de ses supporters. Pourtant il admet bien volontiers qu’il a été sollicité par tous les politiques en campagne. « Entre celui qui dit qu’il veut vendre le stade et l’autre qui l’a déjà vendu, je ne vois pas la différence, ironise-t-il. La seule chose qui risque de changer, c’est le prix des billets », prévient-il.

« On pourrait laisser le stade vide »

En tout, l’OM compte environ 40 000 abonnés dont plus de la moitié sont gérés par les clubs de supporters des virages Nord et Sud. Ces clubs de supporters ont donc la charge d’une partie des billets qu’ils achètent à la mairie, un privilège obtenu sous l’ère Tapie. Les tarifs des abonnements annuels varient entre 200 et 700 euros. Une opération sur laquelle les clubs font un bénéfice, plus ou moins grand, mais non négligeable. La privatisation du Vélodrome pourrait entraîner la perte de cet avantage financier. Hakim, dans son jogging siglé OM ricane, « bon courage à l’acheteur qui voudrait vendre les places sans nous ».

« On a un trop grand pouvoir de décision, assure Paul Atmadjian, supporter invétéré. On peut envoyer du lourd. Si on tentait de nous retirer la vente des billets, on pourrait laisser le stade vide » menace-t-il. Même si pour lui aussi la politique reste en dehors du stade, il admet qu’il y a des tendances. Le virage Nord est plus populaire et voterait à gauche tandis que le virage Sud composé de supporters plus aisés voterait plutôt à droite voire à l’extrême-droite. Cette politisation historique chez certains groupes est encore bien visible quand les supporters brandissent des symboles comme Che Guevara ou Bob Marley. Paul Atmadjian est partisan de la vente du Vélodrome, « pour qu’il y ait de l’argent qui rentre dans les caisses. Pas à un Qatari mais peut-être à un Russe comme l’AS Monaco FC, ça nous permettrait de revenir au niveau du PSG. » Du côté de Mennucci donc ? « Non ! Je vote Gaudin ! »

Aujourd’hui, la mairie est endettée à plus de 1,8 milliards d’euros. Beaucoup de Marseillais se posent la question du Vélodrome et des sommes investies dans le stade. Des parents d’élèves réunis samedi matin devant la mairie pour critiquer la gestion des cantines s’interrogent, comme Kader : « Pourquoi on investit autant dans le stade et pas dans l’éducation de nos enfants ? » Si aucune consigne de vote n’est donnée dans les rangs des supporters, qui représentent près de 5% de la population, ils pourraient tout de même bien avoir un impact, surtout avec l’arrivée de Pape Diouf dans la course.

Charlotte Cosset

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