Ils déambulent dans les bronches du métro. Telles des fourmis grappillant les souterrains. Tels des rats silencieux voulant s’indigner. Tels des anonymes dont on ne parle pas et qui en ont assez. Des autocollants de la tête jusqu’aux pieds. Des ballons dans les cheveux et des étoiles retrouvées dans les yeux.

Leur espoir est un homme à la cravate rouge. Un homme qui a commencé à taper du poing. Un homme qui crie « les cris du peuple ». Jean-Luc Mélenchon est un espoir devenu un danger dans l’élection. Un espoir devenu une bombe dans les sondages. Un espoir qui, en septembre, était un amuseur.

Le ciel est lourd. Encombré par les nuages noirâtres. La pluie menace de mouiller la Bastille. Et pourtant, la foule se déverse. Les milliers s’infiltrent depuis chaque avenue et prennent la Bastille d’un seul poing. Dans la marée noire, une dame porte une pancarte : « Le vote utile, c’est Mélenchon ». Parce qu’un peu partout, c’est de ça, dont il est question.

Deux hommes, pancartes aux quatre poings, avouent : « C’est ce qui est important, c’est le vote de conscience. Votons pour celui qui défend les mêmes idées que nous« . Et de glisser, convaincus : « De toute façon, il n’y a pas de vote utile au premier tour« . Parce que l’expression reprise de tous, ici, agace. « Le vote Mélenchon, c’est ça, le vrai vote utile » tranche une dame.

La Bastille se délecte peu à peu du peuple. Mélenchon les a fait vibrer. « Moi, je vote pour lui, parce que j’ai envie qu’il soit élu. Le vote utile, c’est un déni de démocratie » analyse un sympathisant sympathique. Il ajoute, Et en haussant le ton et bombant le torse : « Et puis voter utile pour voter Hollande, non. Hollande, c’est Sarkozy« .

Un autre tente la rime : « Le vote utile, c’est très inutile et très futile. Il faut s’avoir s’unir derrière des idées, pas derrière un homme, c’est tout« . Malgré l’ultime glaive du 21 avril 2002, le peuple de Mélenchon préfère « voter pour ses convictions« . « Même si autour de nous, on voit des amis qui se posent vraiment la question du vote utile depuis la remontée de Sarkozy dans les sondages » témoigne un couple, d’une même voix.

Deux amuseurs font un spectacle improvisé sur le pavé de la place. Une fille, intermittente, souffre :  » En 2002, j’ai voté utile pour Chirac et j’ai encore mal au cul« . Elle promet qu’elle ne « recommencera pas« . Un autre porte la blouse blanche des hôpitaux de Paris. Il est externe. « Le PS n’est pas utile. Contrairement à Mélenchon qui propose, notamment, la suppression des dépassements d’honoraires« .

Tous les probables sont possibles. Et si Mélenchon ne franchit le premier cap -« faut pas rêver » réplique un militant-, le peuple rouge est quasi-unanime. « Même si Hollande est notre concurrent, la droite et l’extrême-droite restent nos ennemis » résume une dame. Et puis, le ciel se brouille à nouveau. Le sombre gravite. Jusqu’au 22 avril prochain, où tout sera plus clair.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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