Une pluie fine ruisselle sur les carreaux du « Séverac », un petit café en face de la gare d’Arnouville (Val-d’Oise), dans lequel Mohamed Hakkou serre quelques mains.  Le  large sourire qu’il arbore masque à peine sa mine fatiguée. Le rythme fou d’une campagne. Le terrain la journée et les séances de travail la nuit. « Je dors peu ». Mais il aime ça.

Et puis, il n’est pas novice. Aux municipales de 2008, il avait obtenu 7,5% des suffrages chez lui, dans sa ville de Gonesse et un peu moins de 5% aux Cantonales trois ans plus tard : « Je suis fier de ce parcours et de dire que je suis un enfant de la circonscription. Ce que mes concitoyens vivent, je le vis aussi.  Je suis là, avec eux. »

Les mots sont quasiment les mêmes qu’il y a quelques mois, quand je le rencontrai pour la première fois : « Un élu n’a pas le droit de tricher. L’une des grandes aberrations du système politique est de permettre le cumul des mandats. S’occuper des français est une responsabilité immense. Un député a le devoir de se consacrer à eux à plein temps.»

Il jette un coup d’œil sur son tract de campagne, dans lequel il joue avec les mots – « Hakkou sûr »– pour égrainer ses reproches à ses rivaux et fustiger leurs appels au vote utile. Une manière pour lui de se démarquer. Il sourit : « Je maintiens : « Hakkou sûr », pour eux, ce n’est qu’un mandat comme un autre.»

Un coup d’œil aussi sur sa profession de foi et ses propositions, avant de dresser le bilan de sa présence au conseil municipal de Gonesse. Dans la peau d’un opposant: « La majorité reprend tes idées à son compte. Comme le métro automatique à Gonesse, que j’ai fait ressortir des cartons. Tu habites à 10 min de Roissy, mais pour t’y rendre, tu dois faire un détour  à Paris.  Ça, ce sont des problèmes concrets pour nos populations, auxquels un élu se doit de répondre concrètement. Je ne fixe jamais d’objectifs impossibles. »

Dans le programme de Mohamed Hakkou,  les chantiers habituels : emploi, éducation, logement, sécurité. Il dit avoir tiré les leçons de l’échec des différentes politiques de la ville : « Une mesure n’est efficace que lorsque l’on tient compte les réalités du terrain et les priorités des populations. Or, ça n’a jamais été le cas. On oublie trop souvent l’humain. »

Il enchaîne longuement  sur l’éducation et la formation : « Pas une dépense, un investissement. Pour de meilleurs élèves, de meilleures élites, de meilleurs employés et bien-sûr, de meilleurs citoyens. On en a cruellement besoin pour relancer la France ». Refuse le fatalisme pour les jeunes des quartiers défavorisés : « Si tu banalises la drogue et les armes, les jeunes deviendront dealers ou braqueurs. Mais si tu banalises au contraire le savoir, les livres, tu auras des professeurs et des écrivains. Tout ne sera pas parfait, mais tu amorceras une nouvelle dynamique, positive cette fois-ci.»

Il ne s’appesantit pas non plus sur son CV de chef d’entreprise. Ni sur son statut d’auditeur à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, ses conversations avec l’émir du Qatar ou encore les sollicitations de l’ambassade américaine de Paris pour évoquer la situation des banlieues françaises: « Le bricolage, le colmatage ne suffisent plus. Il faut une vision sur le long terme et je ne parle pas seulement des quartiers. Les Français ont besoin d’être au centre d’un vrai projet de société »

Il parle de son engagement en politique comme quelque chose de naturel.  « Quinze ans d’activisme sur le terrain, mais ça date de plus loin encore, quand je lisais tous les matins Liberté, Egalité, Fratérnité sur le fronton de la Mairie. Je veux redonner du sens à ça.  On ne peut plus faire comme si tout allait bien de ce côté-là et nier l’évidence : le climat entre les Français est devenu délétère. »

« J’ai toujours aimé donner mon avis en public » renchérit-il, sans faire le choix de rejoindre un grand parti : « J’ai flirté avec ces grosses structures, mais je me suis rendu compte du peu de considération qu’il y avait pour le militant, alors que c’est de lui qu’émane souvent les meilleures solutions. »

Quand il rencontre « ses concitoyens », il leur rappelle souvent que la démocratie ne s’arrête pas à un bulletin de vote : « Le PS, l’UMP, on ne les voit qu’avant les échéances électorales. Ce n’est pas comme ça que l’on forme des citoyens. Il y a une vie entre les différentes élections. »

Alors, Mohamed Hakkou a préféré l’indépendance. « Pour montrer qu’il y a une autre voie en politique et qu’un citoyen, issu de la société civile, peut porter à l’hémicycle les préoccupations des Français ». Cela signifie néanmoins financer soi-même sa campagne, gérer les coups durs « sans grosse machine derrière », en plus de composer avec les attaques de ses rivaux : « On cherche à faire de moi un candidat communautaire. Le cliché par excellence, mais qui déjà, ne fonctionne plus. Les gens me connaissent et savent que je m’adresse à tous les Français. »

Avant de partir, il dit attendre François Hollande au tournant.  Un peu sceptique. « Les socialistes ont tellement promis, certaines mesures semblent tellement difficiles à mettre en place…mais on demande à voir. On doit laisser une chance, avant de tirer des conclusions ». Il finit quand-même par égratigner le nouveau président : « Il a demandé aux français de le juger sur l’éducation et la sécurité. Ce n’est pas à lui de fixer le seuil d’exigence des Français. »

Ramses kefi

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