Le plan banlieue devait être le plan Marshall pour la banlieue. Pour ceux qui ne s’en rappellent pas, au lendemain de la guerre, le plan Marshall avait pour but de relancer l’économie de pays entiers, dont la France. Mais Bondy, ce n’est pas Le Havre bombardé. Le plan banlieue ne doit pas reconstruire une infrastructure cassée par des années de conflit. Il doit reconstruire des gens abimés par des années de vie ghettoïsée.

A la sortie du discours du président de la République, j’entends ici et là des messages de déception : « C’est tout ? », regrette un jeune homme à un autre ; « on attendait des chiffres », disent des hommes plus âgés. Je rencontre Mohamed Abdi, le bras droit de Fadela Amara depuis une vingtaine d’année.

Un personnage ambigu, certains affirment qu’il est le côté sombre de Fadela Amara car il a été condamné récemment par la justice. Néanmoins, la secrétaire d’Etat à la ville lui a gardé toute sa confiance : il est donc toujours son conseiller spécial. Je lui demande son sentiment sur le discours du chef de l’Etat. Contrairement aux autres, il arbore immédiatement un grand sourire : « Ça reflète à 100% notre travail », affirme-t-il.

Mohamed Abdi assure que tout était joué lorsqu’il a appris que le plan serait intitulé « Plan espoir banlieue », dénomination que le cabinet de Fadela Amara avait donné à ce projet, « tandis que les autres ministères titraient Respect égalité des chances ». L’annonce de ce plan peut en partie « être attribuée à Fadela Amara » : entre le président et sa secrétaire d’Etat, c’est donc le parfait amour.

Pendant qu’il me parle, je me dis que si ce dernier ne s’était pas remarié avec Carla Bruni, il aurait pu épouser Fadela Amara, qui se serait appelée Fadela Sarkozy. Imaginez-ça, un mariage entre une beurette à l’accent des cités et un gars de Neuilly, avec les youyous des femmes d’usage. Mais il n’y a qu’à la télé qu’on voit ça. L’Elysée, ce n’est pas « plus belle la vie ».

Je demande à Mohamed Abdi de m’en dire plus sur le plan banlieue, notamment sur son financement. Pendant la conversation, une femme intervient et acquiesce au propos du conseiller mais ne souhaite pas dire à quel titre elle se trouve à l’Elysée en ce jour. Est-ce une fidèle de Ni putes, ni soumises ?

Les réponses de Mohamed Abdi ne me permettent pas de comprendre de quelle manière seront financés les « internats d’excellence » qui doivent accueillir « la crème » des élèves des quartiers. Tout à la charge de l’Etat ? Kif-kif avec les régions ? Même interrogation avec le financement des fonctionnaires affectés à cette mission. Je vois bien que je suis bête et que je ne comprends rien à ce qu’il me dit. J’insiste en lui demandant de détailler le coût financier du dispositif de la deuxième chance : « Le président a donné la feuille de route, répond-il, moi à partir de lundi, je vais travailler à remplir ces objectifs. »

Je persévère et lui fais remarquer qu’on aurait pu s’attendre à un volet logement dans le cadre d’un plan annoncé comme « Marshall » par Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle, et que les 15 milliards d’euros d’allègements fiscaux octroyés en début de quinquennat auraient pu servir dans ce cadre. « Votre question est bête, on ne pose pas des questions quand on n’a pas de chiffres, rétorque-t-il, courroucé.

Il change de sujet. « Il y a une espèce de peur par rapport à la banlieue (…) Fadela Amara représente une vraie solution. Le gouvernement l’a bien compris. Comme l’a montré un sondage du Figaro, sur la banlieue, Fadela représente la 4e personnalité plébiscitée par les Français pour résoudre les problèmes de banlieue. »

Quoi qu’il en soit, Nicolas Sarkozy s’est trompé de référence en promettant un plan Marshall pour la banlieue. Il aurait pu l’appeler plan Marche-Mal, plan Chabada ou plan Marcel, ou même, peut-être, plan chamalow, du nom de ces gros bonbons remplis de couleurs chatoyantes.

Axel Ardes

Axel Ardes

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