Dans le XIXème arrondissement de Paris, c’est un ras-le-bol collectif de la campagne présidentielle qui a prédominé les bureaux de vote dimanche 24 avril. Le premier tour des élections avait été marqué par la victoire de Jean-Luc-Mélenchon. Le candidat de la France Insoumise avait réussi à mobiliser 46,51% des votes dans l’arrondissement. Quinze jours plus tard, c’est toujours une déception de voir Jean-Luc Mélenchon échouer pour ses électeurs convaincus « Mélenchon avait toutes ses chances et pouvait y arriver », déclare Marianne, 71 ans.

Le report de voix de gauche qui fonctionne

Pour beaucoup de ceux qui ont mis un bulletin Macron, c’est à contre cœur que le geste s’est fait. « Je vote douloureusement pour Macron. J’ai voté pour Jean Luc Melenchon au premier tour, j’ai donc pensé à voter blanc au second tour mais compte tenu des sondages notamment dans les DOM-TOM en faveur de Marine Lepen j’ai décidé de voter Macron », continue la retraitée.

Je ne voterai jamais Le Pen.

Un mot ressort majoritairement : le fameux barrage qu’Emmanuel Macron qualifiait de terminé. Lui qui a combattu la candidate « projet contre projet ». « Marine Le Pen veut imposer un totalitarisme , c’est un danger », résume de son côté Eric, 73 ans, rencontré devant l’un des bureaux de vote, rue de Tanger. Une rue déserte, et pour cause : l’autre grand gagnant de ce second tour c’est l’abstention. Près de 34% des inscrits ne se sont pas rendus aux urnes.

Se résoudre à un vote utile c’est ce que certains déplorent, ne laissant plus place à aucun choix « du coeur » comme le confie Harry, 73 ans qui se profile déjà dans l’après de l’élection présidentielle. « Je ne voterai jamais Le Pen, l’extrême droite au pouvoir c’est hors de question. Il faudra se battre après l’élection d’Emmanuel Macron pour se faire entendre ».

Macron : entre stabilité et conviction

Pour d’autres électeurs d’Emmanuel Macron croisés ce dimanche, c’est un choix de conviction et de valeurs communes qui a fait pencher vers le président actuel. « Un choix de coeur » qualifie Laila, 66 ans. « C’est un homme que j’apprécie, ce vote est fait par pure conviction. J’avais aussi voté pour lui au premier tour. C’est un homme correct et un bon président. Pour ce qui est de Le Pen elle veut réaliser le rêve de son père , rien de plus et si elle passe c’est la guerre civile ».

 La situation de l’Ukraine est critique. Macron a su agir en conséquence.

L’argument de la stabilité face à la guerre en Ukraine est aussi beaucoup revenu dans les discussions. Comme pour Tony, 38 ans, qui partage les mêmes idées que le candidat au second tour : « la situation de l’Ukraine est critique. Macron a su agir en conséquence. La présence de la France est importante en Europe dans des cas comme celui de l’Ukraine ».

Bien que Jean Luc Melenchon avait donné le Dimanche 10 Avril comme consigne , depuis son QG, de « ne donnez aucune voix à Marine Le Pen », la tentation est trop forte pour certains qui penchent vers le vote de l’extrême droite,malgré le racisme et la xénophobie. L’opération de dédiabolisation liée a opéré.

Pour les fervents supporters de Marine Le Pen, ce n’est qu’un aboutissement de toute l’histoire du Front National devenu Rassemblement National, explique Lise âgée de 60 ans : « C’est un choix mûrement réfléchi , il n’y a ni contre- cœur ni barrage. Je les suis depuis des années et je vais continuer ». Dans le XIXème arrondissement, 9435 personnes ont voté pour Marine Le Pen.

Aujourd’hui je vote Macron mais à contre cœur et je compte participer aux manifestations post élections.

Cap sur les législatives

Adel 35 ans, a décidé de se mobiliser pour Emmanuel Macron : « c’est important pour nous mais aussi pour mon quartier ». Malgré un quinquennat fait de polémique et de stigmatisation pour les habitants des quartiers populaires, notamment de confession musulmane, Leila a elle aussi choisi de faire barrage à l’extrême droite.

« Aujourd’hui je vote Macron mais à contre cœur et je compte participer aux manifestations post élections. Je n’ai pas le privilège qu’ont d’autres pour m’abstenir. Mon avenir et celui de ma famille sont en jeu », explique la supportrice de la France Insoumise de 24 ans qui comme beaucoup attendent les législatives.

Kamelia Ouaissa 

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