En août dernier, le gouvernement avait annoncé que près de 28 000 auxiliaires de vie scolaire, AVS, travaillant auprès d’enfants handicapés, se verraient proposer dès la rentrée 2014 un Cdi. Jusqu’alors les Avs, ne pouvaient pas enchaîner plus de 6 ans en CDD. John*, travaille dans une école primaire et il attend beaucoup de cette promesse.

Je me présente je m’appelle John*, j’ai une vingtaine d’années. Cela va bientôt faire un an que je travaille dans une classe avec des enfants qui ont certains handicaps. Je ne veux pas de votre pitié, mais juste vous raconter mon histoire. Ma vie, comme la plupart des français, rime avec un combat perpétuel pour voir le bout du tunnel.

On connaît tous les ravages du chômage et ces situations précaires. J’étais prêt à prendre n’importe quel travail du moment que je pouvais payer mes factures. Je me suis retrouvé dans des déménagements à porter des meubles, des entrepôts à remplir des conteneurs, des chambres froides à confectionner des paniers-repas, des hypermarchés à ranger des rayons… Je n’ai que 26 ans et le poids de mon CV n’est pas sur ma feuille, mais sur mon corps !

Avec le temps j’ai pu constater que la recherche d’emploi est une ruée vers l’or, vitale pour ne pas être hors-jeu d’un système. On revoit constamment ses conditions à la baisse pour ne pas rester sur la touche. Malgré toutes ces concessions, je n’ai jamais eu de CDI ! Je ne demande pas la lune, mais juste un travail décent.

J’avais passé le Bafa (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) donc j’avais un choix simple à faire, continuer à me casser le dos pour pas grand-chose ou apporter ma vision de la vie à des enfants. Je suis arrivé dans l’animation. Après quelques années j’ai eu la chance d’obtenir un poste d’Auxiliaire de vie scolaire (Avs). J’étais content même si je ne savais pas où je mettais les pieds ! Mais j’étais paré à toutes éventualités. J’étais tout simplement un couteau suisse. Enfin, c’est ce que je croyais. Vous savez, l’inconnu est une porte plus attirante que le chômage, d’autant plus qu’il n’y a pas d’âge pour les reconversions.

J’ai découvert tous les enfants dont le système scolaire ne voulait pas dans une seule et même classe ! C’est triste à dire, mais il y a des enfants qui n’ont rien à faire dans cette classe : « la Clis » ( Classe pour l’inclusion scolaire). Certains ne savent pas lire, d’autres pas écrire, parfois c’est les deux ! On y trouve des troubles du langage, autistiques, physiques, moteurs et même du comportement… Ces enfants sont montrés du doigt depuis leur plus jeune âge, leur différence est un fardeau lourd à porter au quotidien.

Et moi, je suis là, au milieu de tout ça. J’essaye d’éteindre des brasiers avec la maîtresse, des brasiers liés à leurs frustrations, leurs colères, leurs angoisses. Comment redonner goût à la vie à des enfants brisés par des querelles familiales, des violences, des séparations douloureuses… Mon quotidien ce sont des cris, des pleurs à l’unisson, des bagarres, des insultes. Cette phrase biblique : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », prend ici tout son sens. Il y a des moments difficiles, mais il faut savoir faire bonne figure. Je vois, j’entends des choses qui m’émeuvent aux larmes, mais si je craque, qui va prendre ma place… Je dois rester impassible pour montrer le chemin.

Il faut être plus qu’un modèle. Il faut être un phare dans l’océan pour que ces enfants ne se perdent pas dans leurs sillages. Je suis humain et ce travail nécessite du coeur, de la patience et de l’écoute, ce sont des vertus que je ne connaissais pas forcément sur les bouts des doigts, mais cela s’apprend. La réussite de ces élèves dépend de la bonne volonté des encadrants. Je ne vois pas l’handicap, je ne le combat pas non plus, mais je fais avec ! Quoi qu’il arrive, il faut toujours prendre en considération que ce sont des enfants et que nous sommes des adultes.

Je sais que mon travail est utile et surtout humain, c’est ce qui me donne de la force ! Je passe quand même de bons moments, c’est une joie de pouvoir faire comprendre des notions de maths ou de français à des enfants en déficit scolaire. Il y a des hauts, des bas, comme dans tout boulot, j’ai appris avec ce travail où étaient mes limites. L’État parle de réforme pour titulariser des postes, j’ai envie de vous dire, qu’attendez-vous monsieur le Ministre ? Ce travail n’est pas de l’esbroufe, on donne de sa personne en remettant sur la route des enfants qui ont eu d’entrée de jeu les pneus crevés.

John

 

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