Il est 7 heures, je file à 300 kilomètres/heure chez un client à l’autre bout de la France. Après le livre de Besson, je suis en train de finir celui de Begag. Azouz vient de me tirer quelques larmes. Il est touchant. On m’a rabâché les oreilles de son altercation avec Sarkozy mais finalement c’est la partie la moins intéressante de son ouvrage. C’est même ironique, l’essentiel du livre nous explique comment l’homme doit disparaître derrière la mascarade politique, ce billard à trois bande qui se joue entre le politicien, les médias et le citoyen-spectateur, et finalement tout ce que l’on a retenu de son livre c’est justement… le spectacle.

Le « Gone du Chaâba » et le « Pieds-noirs » du Maroc, ces deux hommes aux parcours à la fois si différents et si semblables, se livrent chacun à leur façon. Besson dans un entretien enlevé nous racontent sa révolte devant l’incurie de la campagne socialiste et le manque d’élégance de ceux qu’ils croyaient ses amis. Azouz Begag, l’auteur émérite, nous fait entrer dans le petit monde d’un romancier propulsé ministre presque par hasard et sûrement un peu trop vite. Leur élan de sincérité est émouvant. Là où la politique devrait être la préoccupation du bien commun, les auteurs mettent en scène devant nous la duperie dont nous sommes devenus les complices : jeux de pouvoir et d’image, l’essentiel n’est plus dans les convictions mais dans le regard que le citoyen porte sur l’homme politique, une sorte de Star Academy dont Nikos aurait de quoi être jaloux. D’aucuns riront en lisant mes propos pour la simple raison « qu’on le savait déjà, que cela ne nous apprend rien de nouveau ». C’est peut-être vrai, mais à voir défiler à chaque page les scènes grotesques de la farce politicienne, des jeux de pouvoirs et des mots d’esprit, on se dit que le film « Ridicule » n’est plus très loin. 

Alors que reste-t-il après tout cela ? Peut-être la conviction de deux hommes entrés en politique alors qu’ils avaient déjà accompli leur carrière ailleurs. Deux hommes qui pensent encore que la politique devrait être autre chose. Deux hommes qui par leur sincérité vous donnent envie d’espérer. Oui certainement, la politique pourrait être autre chose et cela serait sûrement possible sans notre complicité : Que Ségolène plaisante sur la Corse et elle sera vilipendée. Que Rachida place une pointe d’humour sur le « karcher » et on la traitera de vendue. Que les députés fassent preuve de solidarité entre eux et on les accusera de se servir au détriment du peuple. Alors, notre démocratie ne se résume-t-elle qu’à cela, le superficiel et les impressions ? Un monde de démagogie dont Dailymotion serait devenu le supermarché ? Les idées et les débats de fond n’ont-ils plus d’importance ? Excusez ma candeur, mais je voudrais encore pouvoir espérer autre chose pour mon pays.

Cédric Roussel

Cédric Roussel

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