À peine arrivé, aussitôt reparti. Pendant cinq mois, Mehdi Debbrah a arpenté les sentiers, de Melun jusqu’à Alger. Suivi par plusieurs milliers de personnes sur Instagram et Tik Tok, il a ainsi avalé plus de 4 000 kilomètres en 157 jours pour retrouver son grand-père.

Après seulement quelques semaines de pause, il est temps pour Mehdi Debbrah de se remettre en mouvement. Son retour a été annoncé dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, le 30 octobre dernier. Mehdi y jubile. Plus de 4 700 kilomètres, prévus sur 229 jours, le mèneront cette fois-ci à travers le Maroc, l’Espagne et le Portugal, avant d’enfin rallier Paris par la côte atlantique.

Une odyssée hivernale très attendue par sa communauté. Si ses chaussures se sont usées sur les routes d’Europe et d’Afrique du Nord, sa motivation, elle, reste inébranlable. Et pour cause, à 27 ans seulement, il n’en est pas à son coup d’essai.

Mehdi Debbrah sur le Vésuve (Italie), été 2022. ©debbraahworld

La marche comme voyage initiatique

Tout commence en 2015. Alors âgé de 19 ans, Mehdi se décide à rallier Marseille à pied depuis Paris. « Je n’étais pas en dépression mais je n’étais pas spécialement bien. J’étais comme on se sent à 19 ans. Tu te demandes pourquoi tu es là, ce que tu veux faire, ce que tu aimes, ce qui te motive. Je me cherchais », se rappelle-t-il.

Il quitte ainsi le bitume de son quartier du 19e arrondissement de Paris, sans préparation, sans même prévenir ses proches. C’est le début de son voyage initiatique et la découverte d’une passion.

Sur ces longues routes, il va enfin se trouver. Après Marseille, c’est Venise qu’il rejoint à pied. Un voyage qu’il partagera sur les réseaux sociaux pour la première fois. Dès lors, la machine est lancée et le voilà en route pour San Sebastian, puis Copenhague.

Des rencontres et un lien fort avec ses abonnés

Au gré des paysages, le jeune parisien se métamorphose en un randonneur confirmé et apprend à se connaître. « J’ai compris que j’étais quelqu’un d’assez extrême. Quand je me lance dans quelque chose, j’y vais à fond », assure le marcheur.  

Humainement aussi, ces voyages le transforment : « J’ai aussi réalisé que j’étais très sensible et j’ai appris à être reconnaissant de l’aide que l’on m’apportait ». Reconnaissant d’une douche après une longue journée, d’un panorama ou d’un sourire sur un chemin.

À chaque trajet, Mehdi rencontre des abonnés ou de simples passants : « Il y a des gens que je ne reverrai peut-être jamais, mais avec qui j’ai des discussions profondes. On s’ouvre l’un à l’autre. Ça reste ici, et là », confie Mehdi en pointant du doigt sa tête et son cœur.

Le Mehdi d’avant préférait avoir soif que de demander de l’eau à quelqu’un 

Si on le voit diablement sociable dans ses stories, le contact avec l’autre n’a pas toujours été naturel : « Il y a une grosse différence entre le Mehdi de maintenant et le Mehdi d’avant la marche. Le Mehdi d’avant préférait avoir soif que de demander de l’eau à quelqu’un ».

Ces gens, il les accueille désormais à bras ouverts. Et la réciproque se vérifie : en tout, ce sont plus d’1,6 million de personnes de tous âges et de tous horizons qui le suivent dans son quotidien. De quoi donner le tournis.

La clef du succès : rester soi-même

Mehdi affirme pourtant ne pas céder au trac quand il s’adresse à ses milliers de personnes ou quand il répond aux sollicitations des médias : « Lors de mes premiers lives, j’étais stressé, se rappelle-t-il. J’en avais parlé à un ami qui m’a juste dit “Mehdi, reste comme tu es tous les jours et ne te pose pas de questions”. C’est ça la formule magique. »

À tous ses amis, le jeune marcheur du 19e arrondissement offre deux conseils avisés. Le premier : « Ne pas avoir peur de l’inconnu, de l’autre. Des gens bien, il y en a partout. La personne avec qui tu peux t’embrouiller au Franprix peut être la même que celle qui va t’ouvrir sa porte ». Le second : « Voyagez ! Voyagez ! Les voyages ça fait grandir ». Le modèle de voyage qu’il pratique reste d’ailleurs accessible financièrement, en plus d’être éco-responsable.

Paris-Alger, à la gloire de son père

Si marcher autant peut être vu comme une performance, Mehdi Debbrah ne voit pas les choses ainsi : « On peut dire que c’est un exploit, mais pour moi, ça reste assez simple, je me fais plaisir ».

Un plaisir, mais aussi une quête spirituelle. « Sur la route, je prie. C’est quelque chose de nouveau pour moi, ça me fait du bien et me permet de faire le vide. Je prie, je médite, les deux sont liés. » Une démarche sans doute nécessaire pour faire face au deuil de son père, un sujet sur lequel il reste pudique.

La marche Melun-Alger est d’ailleurs dédiée à son père. « Cette marche, c’était pour lui avant tout », dévoilait-il au micro de Merwane Mehadji, journaliste au Parisien.

Un influenceur vertueux

Contrairement à de nombreux influenceurs, Mehdi Debbrah assure ne pas accepter de partenariats avec des grandes marques, bien qu’il songe à le faire pour son équipement.

Dans une démarche philanthropique, il a récolté près de 60 000 euros auprès de sa communauté d’abonnés, en partenariat avec l’ONG Life. De quoi financer la construction de deux châteaux d’eau au Togo et au Niger ou la distribution de colis alimentaires pour des mères isolées dans plusieurs villes de Tunisie et d’Algérie.

Ces dons témoignent de la confiance portée par ses abonnés. Un lien qui transparaît lors de ses lives. Dans les commentaires, on s’inquiète pour lui, on l’encourage, on le soutient.

C’est la fierté de l’Algérie. La fierté de la France aussi 

« C’est la fierté de l’Algérie. La fierté de la France aussi. » Sa tante prononce ces mots lorsque celui qu’on surnomme « Paris-Alger » arrive chez son grand père, le 8 octobre dernier. Captées par les caméras, les retrouvailles avec sa famille ont ému au-delà de sa communauté. « Vous êtes fier de lui ? », demande un journaliste. « Bien sûr », répond sobrement le grand-père.

Les larmes débordent en silence des yeux du jeune homme, la pression retombe. « Ça fait plaisir », expriment-ils tous les deux. Une formule typiquement algérienne qui résume la retenue des deux hommes. Tout est dans les gestes, les mains qui s’agrippent aux épaules, les regards.

Une personnalité qui fédère et donne à voir une France ouverte

L’émotion relie les deux rives de la Méditerranée et même des France qui semblent ne plus se parler. Au cours de son périple dans la partie hexagonale, Mehdi rencontre et fédère des personnes de tous les horizons.

De la ville ou de la campagne, ses abonnés viennent régulièrement à sa rencontre. Des familles entières lui apportent de l’eau, des jeunes adolescents le rejoignent le temps d’un selfie, des grand-mères lui offrent des produits du terroir dans les marchés. Une mosaïque de visages révélant une France bien plus apaisée que l’image donnée par certains médias.

Sa communauté d’abonnés le suit dans les bons comme dans les mauvais moments. Pour leur plaisir, Mehdi Debbrah met en scène ses « popote-time » et ses « tea-time », des rendez-vous attendus comme les épisodes d’une série Netflix. Et la saison 2 arrive dans quelques jours. Le soleil méditerranéen laissera cette fois la place aux rigueurs de l’hiver. Un nouveau périple qu’il aborde avec sourire et détermination.

Ramdan Bezine

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