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Sous l’imposante tour Rodin, haute de 30 étages, un petit rassemblement se forme. À bonne distance, quelques policiers l’observent. Lundi 29 juillet, dans le quartier du Bois l’Abbé à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), ces habitants se sont donnés rendez-vous devant la direction territoriale du bailleur social, Paris Habitat. Ils réclament la suppression du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS) à Villiers-sur-Marne, la ville voisine.

En cause, les violences de ces agents qui ont lieu jeudi dernier. Deux jeunes hommes du quartier des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne ont été blessés et l’un d’eux a été placé dans le coma après avoir été frappé par ces agents du GPIS.

Ils l’ont emmené au commissariat alors qu’il était inconscient 

T-shirt de l’AC Milan sur les épaules, le frère du jeune homme rassure : « Il va mieux, il s’est réveillé vendredi ». Les agents du GPIS ont engagé des poursuites et son « frère a été auditionné par la police ». Sur la vidéo qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, on voit un jeune homme prendre plusieurs coups de la part des agents du GPIS avant d’être amené et maintenu au sol, puis menotté.

Inconscient, il est ensuite transporté, fastidieusement, sur les épaules des agents jusqu’à leur véhicule. « Ils ont déplacé le blessé n’importe comment et l’ont emmené au commissariat alors qu’il était inconscient », hallucine encore Mamadou Sy, conseiller municipal d’opposition à Champigny-sur-Marne. L’usage de gaz lacrymogène à proximité de mères de famille a également beaucoup choqué.

Deux enquêtes ouvertes

Lunettes sur le nez, Bamba, retrace la soirée de jeudi dernier. « On était posés tranquillement, certains sortaient du travail, d’autres de la mosquée et ils nous sont rentrés dedans gratuitement », assure le jeune homme de 22 ans. Sans la vidéo, cette affaire n’aurait sans doute pas eu le même écho. Un des jeunes la montre sur son téléphone : « Regardez, là, c’est moi, j’essaie de m’approcher ». 

« Il aurait même fallu filmer plus tôt », soupire-t-il. Et de fait, le GPIS affirme de son côté avoir été pris à partie verbalement par un groupe d’individus et soutient qu’un de leurs agents « a été victime d’une agression physique ». Faux, rétorquent les jeunes. Eux décrivent des agents qui se comportent « comme des cowboys » et qui ce soir-là sont arrivés « avec des chiens, matraques et gaz lacrymogènes ».

Même la police ne se comporte pas comme ça 

« Quand il y a plus le premier coup, on n’a même pas bougé. Ils se sont mis sous tension tout seul. Même la police ne se comporte pas comme ça », soulève Samba.

C’est justement la police nationale qui est intervenue pour faire redescendre la pression. Quatre agents du GPIS ont été placés en garde à vue pour « violences volontaires en réunion par personne chargée d’une mission de service public suivies d’ITT supérieure à huit jours » et relâché depuis. Une enquête a été ouverte par le parquet de Créteil. Une autre enquête a été ouverte pour outrages et violences sur personne chargée d’une mission de service public envers les agents du GPIS.

« Il semble que ces agents aient agi en dehors de toute procédure légale de légitime défense », reconnaît le GPIS dans les colonnes d’AEF. La direction du groupement fait profil bas, elle « condamne ces faits avec la plus grande fermeté » et informe avoir ouvert « une enquête interne pour établir les responsabilités de chacun ».

« Il y a un jeune qui a failli mourir, ça ne peut pas être banalisé »

Devant les locaux du bailleur social, Adel Amara, élu de l’opposition à Villiers-sur-Marne et candidat NFP aux législatives, prend la parole. « Il y a un jeune qui a failli mourir, ça ne peut pas être banalisé. Si on ne fait rien, si on ne marque le coup, ça devient une anecdote », prévient-il. « Il n’y a pas eu un appel à la famille, pas un officiel ne se soit déplacé », assure-t-il, dépité.

À ses côtés, Mamadou Sy, conseiller municipal d’opposition à Champigny-sur-Marne, dénonce d’une même voix « les manquements » et « le comportement très agressif » des agents du GPIS. Le collectif d’habitants du quartier de Hautes-Noues demandent « réparation et justice » pour ces jeunes et leurs familles et la « suppression du GPIS à Villiers-sur-Marne ».

Dans un communiqué, le maire de Villiers-sur-Marne explique avoir rencontré les acteurs concernés et demandé « la suspension des activités du GPIS sur le quartier ».

Lire aussi. Gardiens assermentés : quand la répression est déléguée à des citoyens

Ces agents de sécurité employés par le bailleur ont été déployés dans le quartier des Haute-Noues il y a environ deux ans. Mais c’est depuis 2004 que Paris Habitat a créé ces postes d’agents de sécurité, leur intervention en banlieue parisienne est encore récente. Depuis l’adoption de la loi Sécurité globale, ces employés bénéficient par ailleurs du statut d’« agent privé de sécurité assermenté » et sont habilités à verbaliser des contraventions.

C’est donc nous qui les finançons pour que nos enfants soient agressés !

À en croire, une élue de la ville, ces agents avaient été mobilisés en raison d’actes malveillants sur un parking du parc social. Mais aujourd’hui, les problèmes persistent et la présence de ces agents n’est plus la bienvenue. « C’est financé par le bailleur, par les loyers des locataires… C’est donc nous qui les finançons pour que nos enfants soient agressés !  Ça fait deux ans qu’ils sont là et on ne comprend pas à quoi ils servent. Il ferait mieux de refaire les logements », s’énerve une habitante. « La ville a validé et favorisé la présence de ces agents », renchérit Adel Amara qui plaide pour « de la concertation, du dialogue et de la prévention » pour régler « les problèmes ». 

Après ces violences, les habitants n’imaginent pas revoir ces agents de si tôt. « Peut-être qu’ils vont revenir plus nombreux », redoute une éducatrice du quartier.  Pour le moment, le flou demeure. « On attend certaines réponses. On aimerait avoir un débat encadré avec les responsables GPIS », fait valoir Ibrahim, un jeune du quartier des Hautes-Noues. De son côté, Adel Amara va solliciter une rencontre avec le bailleur.

Héléna Berkaoui

Edit : nous avions écrit dans un premier que temps qu’un jeune était tombé dans le coma. Il a en réalité était placé dans le coma par les secours

 

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