Les portes de la Maison de la Citoyenneté de l’Île-Saint-Denis s’ouvrent sur des visages anxieux. La réunion collective entre le bailleur et les habitants vient de s’achever, ce jeudi 31 août. Après l’incendie meurtrier du bâtiment 1 de la cité Maurice Thorez, le 19 août, les locataires sont toujours sous le choc et attendent des réponses quant à leur relogement.

Sur le parvis, une mère de famille hausse le ton. « Ce n’est pas possible, on ne peut pas nous traiter comme ça », s’écrie-t-elle. D’autres habitants tentent de tempérer sa colère. La réunion avec le bailleur social, Seine-Saint-Denis Habitat, n’a vraisemblablement pas apaisé la situation.

À quelques rues de là, se tient la tour numéro 1 de la cité Maurice Thorez. L’endroit déserté et les fenêtres noircies sur plusieurs étages rappellent le drame qui a eu lieu quelques semaines plus tôt. L’incendie s’est déclaré dans les étages supérieurs. L’enquête s’orienterait vers une piste criminelle, selon l’AFP. Trois personnes sont décédées et 19 autres ont été blessées. L’immeuble entier a été évacué et les habitants ont été redirigés dans des hébergements provisoires, qu’ils vont devoir quitter sous peu.

Les habitants n’ont pas de visibilité sur ce qu’il va se passer dans les jours à venir

« Les habitants n’ont pas de visibilité sur ce qu’il va se passer dans les jours à venir, déplore Marie Huiban, de l’association Droit au Logement (DAL). Nous avons eu énormément de mal à avoir des réponses du bailleur et quand nous en avons enfin eues, elles n’ont pas été à la hauteur des enjeux. » Le DAL apporte son soutien au collectif d’habitants de la cité, formé suite à l’incendie.

Au cours de cette première réunion collective d’information, le bailleur a déclaré que l’hébergement à l’hôtel seront assurés jusqu’au 8 septembre. À l’issue de cette échéance, les familles devraient assurer elles-mêmes leur logement ou retourner vivre dans le bâtiment.

« Malgré les difficultés à trouver des disponibilités hôtelières à la veille de la Coupe du monde de Rugby, nous prenons en charge les hébergements en hôtel ou en structure d’hébergement », explique Seine-Saint-Denis Habitat. Contacté par le Bondy blog, ils affirment que les hébergements temporaires seront assurés jusqu’à ce que les habitants puissent réintégrer leur logement.

Des évènements traumatisants

Seuls les habitants logés entre le 8ᵉ et le 12ᵉ étage pourront bénéficier d’un relogement, explique Marie Huiban du DAL. Mais les habitants des étages inférieurs craignent que la solidité du bâtiment soit affectée. D’autant plus que l’immeuble a déjà connu un précédent incendie, il y a trois ans.

« Une famille a été victime du premier incendie, deux membres de la famille avaient été blessés. Là, ils ont revécu un incendie et on leur demande de revenir dans leur appartement, sans prendre en compte ce qu’ils veulent », soulève Marie Huiban.

Cynthia, habitante du 2ᵉ étage, se joint à la discussion. « Il y a beaucoup d’angoisse, beaucoup de stress, beaucoup de peur d’être obligé de retourner dans le bâtiment. On a l’impression qu’ils souhaitent se débarrasser de nous », témoigne la professeure des écoles de 26 ans.

Comment voulez-vous qu’on dorme la nuit, alors que cinq étages au-dessus de nous sont condamnés ?

Ilan, 14 ans, fait, lui aussi, part de son désarroi. « Comment voulez-vous qu’on dorme la nuit, alors que cinq étages au-dessus de nous sont condamnés ? On ne sait même pas s’ils sont stables, si c’est sécurisé, si ça ne va pas s’effondrer. Ils nous disent que l’enquête se termine fin octobre, mais qu’on devrait dès maintenant rentrer chez nous, c’est pas possible ! » 

Lui et sa famille étaient en vacances quand l’incendie s’est déclaré, ce sont des proches qui les ont informés. Ni le bailleur ni les autorités ne les ont contactés, assurent-ils. « Ils ne savaient même pas si on était là, si on était mort ou vivant, on ne compte même pas pour eux, ça fait vraiment mal au cœur », s’émeut le jeune garçon.

Des inquiétudes quant au relogement

Kawatar, sa mère, s’inquiète, elle, pour son emploi. Afin d’assister à cette réunion, elle et son mari ont dû prendre un congé sans solde, l’un des nombreux nécessaires à la gestion de leur problème de logement. Un manque à gagner important dans une situation déjà précaire par bien des aspects.

« Tous nos locataires ont été reçus individuellement et nous avons pu avec eux apprécier objectivement chacune des situations au cas par cas », répond Seine-Saint-Denis Habitat.

Le bailleur confirme qu’un certain nombre d’habitants devraient réinvestir leur logement. Ils affirment prendre des mesures techniques pour pouvoir réintégrer un certain nombre de familles (remise en état du gaz, de l’électricité et remise en service de l’ascenseur).

Un rapport préliminaire du bureau d’étude atteste que la structure de l’immeuble n’a pas été endommagée, assure-t-il. Et de préciser qu’une partie des escaliers des étages supérieurs ont été fragilisés, ainsi que le balcon du dernier étage.

La crise du logement n’épargne malheureusement pas le logement social, bien au contraire

Certains habitants se plaignent de ne pas avoir reçu de propositions de relogement. Le collectif Thorez Île-Saint-Denis et Seine-Saint-Denis habitat avancent différents chiffres. Quatre propositions auraient été faites pour le premier et 14 selon le bailleur.

Ammar et Annie, tous deux habitants du neuvième étage de la tour, n’ont reçu aucune proposition. Avec respectivement 4 et 3 enfants, tous scolarisés dans la commune et des logements de remplacement plus éloignés, ils s’inquiètent de la rentrée scolaire et de devoir rescolariser leurs enfants en cours d’année.

« Au vendredi 1ᵉʳ septembre, nous avions fait 14 propositions à 10 ménages au total. 4 d’entre eux ont accepté ces propositions », affirme le bailleur. « L’Île-de-France est touchée par la crise du logement qui n’épargne malheureusement pas le logement social, bien au contraire », explique encore Seine-Saint-Denis Habitat. Il serait ainsi contraint de faire appel à la mairie ainsi qu’à d’autres bailleurs sociaux pour trouver des solutions. Une autre réunion collective devrait se tenir ce mercredi 6 septembre.

Ambre Couvin

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