Ces dernières semaines, la zlabia a fait son grand retour en France. Boulangeries, étales de marchés ou même kebabs la proposent en grande quantité. Popularisée par les diasporas nord-africaines qui la consomment largement durant le mois de Ramadan, elle est également présente au Proche-Orient, en Afrique de l’Est et dans le sud de l’Asie sous différentes appellations : zulbia, jalebi ou encore zengoula.

Une origine énigmatique

Localisée aux quatre coins du monde, son origine reste mystérieuse, laissant place à de nombreuses légendes fantasques. L’une d’entre elles rapporte que la zlabia serait en réalité le résultat d’une erreur culinaire d’un pâtissier, turc ou andalou, selon les versions. Déçu de son exécution, le malheureux aurait tenté de sauver sa pâte à gâteau jugée trop liquide en la plongeant dans de l’huile de friture après avoir prononcé la phrase « Zella bia » qui peut être traduite par « Je l’ai ratée ». Une fois trempée dans du sirop de miel, elle serait alors devenue la friandise que nous connaissons aujourd’hui.

On la retrouve sous différentes formes (boules rondes, bâtonnets ou en spirales), mais les ingrédients nécessaires à sa préparation sont peu nombreux et restent sensiblement les mêmes : farine ou semoule, levure, eau de fleur d’oranger, huile, colorant et miel ou… sucre raffiné.

Parfois jaune ou marron, elle est le plus souvent d’un orange vif qui rappelle celui des cônes de signalisation, comme pour nous prévenir : « Attention ! Sucre élevé, diabète imminent  ! » Car en effet, c’est bien cet ingrédient qui marque les esprits et les papilles, créant une scission entre ses fidèles consommateurs et ses détracteurs.

Cette photo (hilarante) de zlabia accompagnant un McFlurry connaît une petite notoriété sur les réseaux sociaux

Du glucose en intraveineuse

Dans un communiqué de mars 2015, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande de réduire, pour un adulte, l’apport en sucres libres ou cachés à moins de 10 % de la ration énergétique journalière. Voire à 5 % dans la mesure du possible, ce qui représente environ 25 grammes par jour.

La naturopathe et nutrithérapeute, Sadia Taous, avance dans un post sur les réseaux sociaux de son compte Oumnaturel qu’une pièce de zlabia contiendrait 45 grammes de glucose, ce qui serait largement supérieur à l’apport journalier recommandé par l’OMS. Elle décrit cette pâtisserie comme étant une « intraveineuse de glucose », ne manquant pas de rappeler la friture d’huile raffinée nécessaire à sa préparation qui vient aggraver le cas de la zlabia. Difficile alors de défendre cette sucrerie qui, malgré tout, répond toujours présente aux veillées du Ramadan.

Une tradition très ancrée chez la diaspora algérienne

« Si ça ne tenait qu’à moi, j’en aurais à table tous les soirs du Ramadan », raconte Nacéra, 69 ans. Pour celle qui a grandi en Algérie, cette pâtisserie évoque des souvenirs d’enfance liés à ce mois béni. « Même si on était pauvres, la zlabia était toujours présente à table. Parfois, elle était apportée par des amis ou de la famille qui venaient nous rendre visite pour le café ou le thé, après le repas de rupture du jeûne. »

Une tradition qui a perduré jusqu’en France. Aujourd’hui encore, Nacéra pratique le combo café et zlabia en discutant avec des proches ou en regardant un feuilleton ou des sketchs de la télévision algérienne. Consciente des risques face à l’abus de cette sucrerie, Nacéra confesse : « C’est mon petit plaisir du Ramadan ».

Un plaisir partagé par Ferial, 29 ans, franco-algérienne originaire du Val-de-Marne. Habituée à voir sa mère acheter de la zlabia durant le Ramadan, au marché, à Belleville ou à Barbès, elle s’est vue transmettre cet amour pour cette pâtisserie. « Ma mère n’en mange quasiment plus avec l’âge. Elle fait attention à son taux de cholestérol et de sucre. Si elle en achète, c’est parce qu’elle sait que je kiffe ça. Autrement, c’est moi qui en apporte à la maison », raconte-t-elle.

Je pense que c’est un peu une drogue

Grande sportive, elle mesure tout de même sa consommation de zlabia à une pièce par semaine, découpée et dégustée sur 2 à 3 jours car « il faut rester raisonnable ». Sa préférée étant la orange en spirale, elle confie se voir fascinée par sa couleur vive « presque phosphorescente » et sa « forme intrigante ». Conquise par sa texture à la fois croquante à l’extérieur et fondante à l’intérieur, elle avoue : « Je pourrais tuer pour de la zlabia. C’est très très sucré. Je pense que c’est un peu une drogue. »

Entre tradition et réconfort durant ce mois de privation, la zlabia n’a pas fini de garnir les tables de Ramadan et de faire parler d’elle. Elle est très souvent évocatrice de souvenirs d’enfance, de récits d’exil et de transmission qui, eux, sont à partager sans modération.

Yasmine Mrida

Articles liés

  • Au Chameau Nix, la raclette se met au halal

    Grand classique de la saison hivernale, la raclette évolue et se revisite à travers les années. Le Bondy Blog est allé se renseigner sur la popularisation de la raclette halal dans le restaurant, bien nommé, le Chameau Nix. Reportage.

    Par Abdoulaye Diop
    Le 11/01/2024
  • « Bras de gitan » : le dessert espagnol révélateur d’une société fragmentée

    Dessert typique d'Espagne, le « bras de gitan » se veut un hommage à la plus grande minorité ethnique du pays. 750 000 Gitans d'Espagne vivent dans la péninsule ibérique et subissent encore aujourd'hui discriminations et stigmates. Hommage culinaire ou reprise de stéréotype dégradant, le dessert fait écho à une réalité dont le pays prend peu à peu conscience.

    Par Meline Escrihuela
    Le 10/05/2023
  • Mais où se cache la si sous-cotée Sauce Brazil ?

    De l’andalouse à l’algérienne, en passant par la samouraï, les sauces les plus connues ont désormais de la concurrence avec la sauce Brazil. Le Bondy Blog est allé en quête de ce bijou gastronomique encore méconnu en Île-de-France.

    Par Abdoulaye Diop
    Le 22/02/2023