Quand vous aurez terminé cet article, vos habitudes risquent bien de changer lorsque vous irez manger dans un snack. Si le choix du sandwich, du tacos, du burger que vous aimez est important, le choix de la sauce qui l’accompagnera l’est tout autant. La plus populaire d’entre elles est sans aucun doute l’algérienne.

Elle est suivie par d’autres best-sellers tels que l’andalouse et la Biggy Burger. Mais aujourd’hui, il est question de vous faire voyager, direction le Brésil avec une sauce éponyme. Si elle vous est inconnue, c’est parce qu’elle est confectionnée en Belgique par la marque Nawahl’s. Son nom, Brazil, est un clin d’œil à la coupe du monde 2014 qui y a été organisée.

2014, c’est d’ailleurs l’année de son invention. « La sauce Brazil, c’est l’audace d’avoir mis un goût fruité dans une sauce. On peut même retrouver des morceaux d’ananas », lance Isma, ambassadeur de la marque. Certains apprécieront, d’autres pas, à l’image probablement de la si clivante pizza hawaïenne, aussi composée d’ananas.

One, two, three, viva l’Algérie !

Mais où se cache alors la Brazil ? En Ile-de-France, rares sont ceux qui la connaissent. À Chelles, Saï, restaurateur à Crêpe Story n’en a jamais entendu parler. « Moi, la première fois que je suis venu en France et que j’ai goûté une sauce, c’était l’algérienne, je ne connais pas la Brazil, explique-t-il. Je ne prends pas trop de sauces personnellement quand je mange, mais si c’est le cas, c’est un mélange algérienne et harissa ». L’algérienne « passe partout », se réjouit le restaurateur de 25 ans.

Ce jour-là, Majid et ses trois enfants sont venus manger à Crêpes Story. Dans les quatre assiettes, la sauce algérienne fait justement l’unanimité : « Elle a un goût… », commence-t-il, assit à sa table sans parvenir à terminer sa phrase. Mais ses gestes de mains sont clairs : l’algérienne est excellente ! Sûrement la plus populaire.

Du côté de Bondy, Anas, un client du restaurant Le Mustang, en a fait une overdose : « J’ai tellement mangé la sauce algérienne que j’ai décidé de faire un break. Je continuerai d’en prendre parce qu’elle est trop bonne, mais pour le moment, je prends de la mayonnaise ».

« Ketchup, mayonnaise, c’est fini ! »

Le retour aux basiques d’Anas évoque le trio légendaire : ketchup, mayonnaise et sauce blanche. Elles tiennent toujours une place respectable dans les snacks et ont participé à la popularisation des grecs et des kebabs dans les banlieues. Ces sauces sont-elles démodées ou ont-elles encore la côte ?

Pour le savoir, nous avons trouvé nos réponses au marché d’Argenteuil. Daoud, qui y travaille, est catégorique : « Ketchup, mayonnaise, c’est fini ! Mes frères sont des anciens, ils continuent à en prendre, ils sont restés bloqués ! », assène-t-il. Quand il est l’heure de se ravitailler, il se rend Chez Aïcha et commande un burger « samouraï et barbecue », plutôt inédit. Ces deux sauces, le commerçant de 33 ans s’y tient.

« Il y a trop de choix maintenant. Moi, j’ai connu ketchup, mayonnaise, et sauce blanche, on n’avait pas trop le choix, c’était la base, relate Daoud. En réalité, on n’a pas le temps de tout goûter. Si tu prends une sauce que tu n’as pas l’habitude de goûter et que tu n’aimes pas, tu fais comment ? »

À l’inverse, Isma est un fervent défenseur de la diversité des sauces. « Les nouvelles venues sont toutes différentes et ont leur identité propre. La multitude de sauces a rendu heureux les particuliers et les professionnels. Et puisque c’est issu des quartiers, il y a un message derrière, on s’y reconnaît quand on les goûte », dit-il.

La difficile quête de la sauce Brazil

C’est finalement Chez Aïcha que nous avons déniché la perle rare. Au milieu de toutes ces sauces, elle est là, elle nous regarde, elle nous attend. C’est Ahmad qui va faire les présentations. Il l’a goûtée pour la première fois à Argenteuil et l’a ramenée dans ce snack où il travaille. « Je la trouve bonne, elle est un peu sucrée. Je l’ai découverte il y a cinq ou six mois. L’algérienne, la mayonnaise, la biggy, c’est connu, mais pas la sauce Brazil », indique-t-il.

Il explique qu’elle est de plus en plus demandée, même si l’algérienne reste encore la plus populaire. Lui ne saurait trancher entre les deux, ses favorites et désigner la meilleure. Quoi qu’il en soit, il aura fallu dépasser Chelles ou Bondy pour enfin trouver un aficionado de la sauce Brazil.

Une passion qu’il partage avec certains de ses clients. Nassiba a fait quelques achats au marché, avant de faire un crochet Chez Aïcha pour prendre trois hamburgers. « Je connais cette sauce. En travaillant avec une association, on l’a goûté et on a tous adoré ».

J’ai l’impression d’être en vacances au Brésil, à Rio de Janeiro

Nassiba n’était pas au courant que le snack la proposait : « Si j’avais su, je l’aurais prise ! Cette sauce est très à la mode », fait-elle savoir avant de demander à en avoir dans un ramequin. Ahmad est généreux, il a pensé à la faire goûter à ses collègues. Parmi eux, Maha la connaît bien. « Je ne la prends que si je mange des frites. Malheureusement, elle n’est pas souvent proposée dans les grecs, et dans les snacks près de mon université », déplore cette étudiante.

Vers 14h, l’affluence commence à diminuer, il est l’heure de se faire plaisir. Un sandwich bien garni de poulet, de crudités, des frites et bien sûr, la sauce Brazil ! Les frites se partagent, et Maha en profite pour tremper l’une d’elle dans cette délicieuse mixture jaune orangé. « J’ai l’impression d’être en vacances au Brésil, à Rio de Janeiro », s’émerveille celle dont l’ananas est le fruit préféré.

Victime de son succès, il ne restait plus une goutte dans le tube de sauce Brazil à l’issue de cette matinée. Finalement, le drapeau brésilien a bien réussi à s’incruster à côté de l’algérien et du marocain. Il reste maintenant à savoir quel sera le prochain pays à s’imposer au panthéon des sauces.

Abdoulaye Diop 

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