« Merci d’être là, je pensais qu’on serait un million », blague Agnès, la co-fondatrice du mouvement des mères isolées. Une note d’humour comme pour alléger l’atmosphère. Ce samedi 9 septembre, le collectif manifeste sur la place Gambetta (Paris, 20ᵉ) pour soutenir Samantha et ses deux filles. Cette mère est aujourd’hui contrainte de vivre dans la chambre étudiante de sa fille après avoir fui des violences conjugales.

« Mes filles et moi sommes françaises, mais nous étions expatriées au Maroc. Mon ex-mari était violent donc quand mon aînée est partie faire ses études en France, j’ai commencé à mettre en place un scenario pour fuir », retrace Samantha. Elle attendra deux ans, jusqu’à la majorité de sa cadette, pour quitter le Maroc. Arrivée en 2020, elle se trouve contrainte de s’installer dans la chambre CROUS de son aînée et ne trouve pas d’issue, malgré ses nombreuses demandes de logement social.

Les failles de l’hébergement des victimes de violences conjugales

Une situation intenable. « Depuis que nous avons fui mon père, on se cache au CROUS. On se cache même les weekends. Ça fait trois fois que je rate ma licence, on arrive un peu au bout », témoigne la fille de Samantha, la voix fébrile.

« Samantha et ses filles doivent être logées maintenant ! », scande Agathe, membre du collectif HBM (Habitat Bon Marché). « Il faut qu’on se batte, car aujourd’hui, il y a 230 000 demandeurs prioritaires de logements sociaux. Un habitat et un travail décent sont les deux piliers pour garder notre dignité », insiste-t-elle.

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Après le grenelle sur les violences faites aux femmes en 2019, le gouvernement s’est engagé à mettre la main pour ouvrir des places d’hébergement. Mais l’effort n’est pas à la hauteur comme l’ont documenté des associations telles que la Fondation des femmes. En 2021, près de 40 % des victimes voulant quitter le domicile conjugal ne se voient proposer aucune solution d’hébergement, évaluent-elles.

Des chiffres incarnés aujourd’hui par la situation de Samantha. « Il faut que les mères isolées sachent qu’elles sont entendues, qu’il y a des groupes féministes pour les soutenir », salue la députée LFI-Nupes de la 15ᵉ circonscription de Paris, Danielle Simonnet. Elle insiste sur le fait que le mouvement ne demande pas un passe-droit pour Samantha, mais « qu’il y a une réelle situation d’urgence qui la rend prioritaire ».

Se battre pour la création d’un statut spécifique

Julie, co-fondatrice du mouvement, est elle-même à la tête d’une famille monoparentale. « On reproche aux femmes de ne pas s’en aller. Mais pour aller où ? La plupart des mères monoparentales sont très jeunes, elles n’ont pas fait beaucoup d’études et ne sont pas propriétaires de leur logement, souligne Julie. Elles tombent alors dans l’engrenage de l’isolement qui s’ajoute à celui des dettes, des problèmes de garde, de la recherche d’emploi. »

Pour Julie, le cœur de leur lutte, réside en la création d’un statut spécifique aux mères isolées. Il permettrait d’avoir des accès prioritaires en matière de logement, d’éducation et de santé. En attendant, cela reste très difficile pour les mères isolées de trouver le temps de militer. Bien souvent, lorsqu’elles quittent leur foyer, elles font face à des urgences à la chaîne qui les éloignent du champ politique.

Mardi dernier, le mouvement des mères isolées a été reçu à l’Assemblée Nationale pour discuter d’une proposition de loi portée par la députée LFI-Nupes, Clémence Guetté. « Nous avons longuement discuté avec elle de notre situation actuelle », explique Julie. Cette proposition pourrait faire partie des huit propositions de lois déposées par les 75 députés LFI dans le cadre de leur niche parlementaire. Reste à voir si ce texte fera l’unanimité au sein de l’hémicycle.

Marthe Chalard-Malgorn

Edit : dans un premier temps, nous avions indiqué que la proposition de loi ferait partie de la niche parlementaire. Le groupe LFI-Nupes n’a pas encore décidé quelles propositions de loi seraient déposées à cette occasion.

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