À la sortie de la bouche du RER, une file se dessine et trace le chemin vers le lieu de rendez-vous. Sur place, la foule s’étend à perte de vue le long de l’avenue Pablo Picasso (Nanterre). Des familles avec enfants, des jeunes, des moins jeunes, ont fait le déplacement pour rendre hommage à Nahel, ce jeudi 29 juin.

« J’ai participé à la marche des beurs en 1983 quand j’étais petite, et depuis rien n’a changé. Ça a même empiré », déplore Habiba, 50 ans, venue d’Orly avec sa sœur. « On est là pour soutenir la maman, pour qu’il y ait une justice ».

 

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« Justice pour Nahel, justice pour tous »

À la tête du cortège, un camion blanc, sur lequel trône Mounia, la mère de Nahel, à l’initiative de la marche blanche. Derrière elle, sur le camion se tiennent des proches de la famille, mais aussi, Assa Traoré.

Plus habituée des rassemblements, elle galvanise la foule en prononçant les noms des victimes de violences policières : Nahel, Adama, mais aussi Zyed, Bouna, tués en 2005 dans un transformateur électrique alors qu’ils cherchaient à échapper à un contrôle de police. Mais aussi Sabri, mort en mai 2020 dans un accident de moto après avoir croisé un véhicule de la BAC (Brigade Anti Criminelle).

Latifa Ibn Ziaten était également invitée à défiler. Son fils Imad avait été assassiné en 2012 par Mohammed Merah à Toulouse. Chacune de ces femmes a connu le deuil, l’injustice, mais en ce jour, elles défilent sous les acclamations et les chants.

Alors que le cortège se dirige vers la préfecture de Nanterre, la foule scande des slogans : « Justice pour Nahel » cinq syllabes, très vite remplacées par cinq autres : « Police, assassins ».

Sur le visage de Mounia, des larmes, mais également des sourires. Ses réactions lui valent des critiques sur les réseaux sociaux. Elle serait une mauvaise victime, pas assez larmoyantes.

La fin du recueillement, le début des affrontements

Peu avant 16 heures, la tension monte d’un cran. On entend des cris, des bruits de moteur de mobylettes qui vrombissent. Puis les premières grenades lacrymogènes sont lâchées, la marche blanche bascule.

Il n’y aura pas de discours, pas de moment de recueillement. Très vite, les organisateurs appellent les participants à se disperser. La colère monte en même temps que les larmes causées par l’inhalation des gaz.

Des échanges de projectiles entre les forces de l’ordre et certains manifestants remontés à blocs, des vitrines cassés et beaucoup de confusion.

La grande différence se trouve dans la réponse apportée par le ministère de l’Intérieur : 40 000 policiers et gendarmes mobilisés dans le pays pour la soirée de jeudi contre 11 000 pour les mobilisations du 6 juin dernier.

Entre les manifestants et les fans de Maroon 5 

Pour repartir, il faut marcher jusqu’à la Défense, une station plus loin. À quelques mètres des affrontements, une autre foule s’est rassemblée. Beaucoup plus disciplinée. Chacun attend patiemment derrière l’autre, en file indienne. Ils ne sont pas venus pour en découdre avec la police, ni même pour la marche blanche. Ils attendent pour le concert de Maroon 5 qui se joue le soir même à l’Accor Défense Arena.

D’un côté, les CRS et les panaches de fumée, de l’autre, les tee-shirts et maquillages colorés des fans avec, au loin, les tours de la Défense. La marche blanche se termine dans un état de confusion tant le contraste est puissant. Deux mondes s’entrechoquent.

Méwaine Pétard

Crédit photo : Marie-Mène Mekaoui

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