Assis dans ce bar, ils sont quatre. Des milieux, des professions, des univers que tout oppose, mais un grand point commun : les lieux coquins en Belgique. 

S* : « Moi j’y vais parce que ma copine aime ça »

D : « Moi… Pour regarder »

E : « Je ne pense qu’à ça. J’attends le week-end avec impatience »

G : « J’ai suivi D, pour m’amuser… Et je démarre dans cet univers qui me promet de bonnes surprises »

Au gré des explications, on passe de « la soirée du samedi soir » aux complexités de la sexualité d’aujourd’hui. D’abord un verre, à Lille, puis la route. À moins de 30 kms, la frontière avec la Belgique leur procure une montée en puissance de sensations à venir. Pour l’un, « un peu peur à chaque fois, je ne sais pas pourquoi ». Pour son voisin, « les choses sérieuses commencent enfin à ce moment-là, car un verre à Lille c’est surfait. On s’ennuie ».

Le troisième, D, avoue ne pas vouloir « basculer ». Basculer dans quoi ? « Dans un univers où il est impossible de faire marche arrière ». « Quand on met les pieds là-dedans, au début on se marre pour cacher sa gêne. Ensuite on découvre, les couples qui pensent qu’il faut s’ouvrir à de nouveaux échanges pour avancer, les propositions assez crues, votre pote qui s’amuse juste devant vous… ». Est-ce une réalité que l’on se cache, ces soirées libertines ? Une façon de pouvoir faire durer un couple ? Ou le triste reflet du malaise des sociétés « sur-développées » où il est bon de consommer à outrance ?

« DSK, ce héros »

« Quand on fréquente ce genre d’endroits, on saisit les nuances que permet la sexualité » avance S. « Aimer sa partenaire, mais apprécier aussi de la partager ». Tous ne sont pas d’accord sur cette perspective. « Mais aimer de diverses façons, cela peut être une façon d’échapper au missionnaire du samedi soir », précise E. Lorsque l’on évoque l’affaire DSK, les « parties fines » décrites par la presse, ils sont dans un premier temps réservés dans leurs réponses : « il aime ça, quel est le problème ? ». La messe est dite… « Cependant, qu’il ait usé de son statut pour forcer cette femme de chambre à assouvir ses besoins a été une terrible erreur ». Peu à peu, quelques sourires en biais se dessinent. « Non les mecs arrêtez, moi je vois DSK je lui serre la main, admiratif ! » lâche D, s’esclaffant dans un premier temps puis gêné dans un second. Il a 25 ans, on pourrait mettre cela sur le dos de sa jeunesse, sauf que les trois autres explosent de rire à leur tour, validant unanimement le propos.

Valeurs morales et jugements

« Petites mœurs », « soirées débauche », « bassesses de l’homme », les qualificatifs sont souvent péjoratifs lorsqu’il s’agit de décrire cette sphère secrète. G, resté silencieux depuis le début des confessions, intervient : « comment peut-on dire que ce que nous faisons est bien ou mal ? Pourquoi émettre un quelconque jugement, quand le fond est lié au plaisir ? On ne tue personne. Pour ma part j’ai hâte de découvrir encore et encore de nouvelles sensations ». Les pratiques sexuelles ont-elle réellement changées… Ou sont-elle simplement davantage assumées ? « Sincèrement, ces lieux, nombreux en Belgique, sont très fréquentés. Vous arrivez même à y croiser des amis de vos parents. On se dit bonjour, se demandant ce que l’autre fait là, puis on réalise que l’on cherche tous la même chose » murmure E. Enfin, si en lisant ces lignes vous vous imaginez quatre interlocuteurs perdus dans le vent du Nord-Pas-de-Calais, sachez qu’un CAP décore le CV de l’un, que de « brillantes études » sont derrière ou devant les deux compères, et que dernier exerce une profession libérale…

Sexe et santé

S’il est difficile de jauger l’appétit sexuel des Français ou encore leurs rites sous la couette, les sondages ne pouvant refléter de façon exacte les tendances, normales ou « déviantes », il est à noter que la prévention face aux IST, les Infections sexuellement transmissibles, est de plus en plus oubliée par la jeunesse d’aujourd’hui. Une enquête menée en 2006 (!) indique que « l’utilisation du préservatif est plus fréquente lorsque le premier rapport sexuel a eu lieu après la fin des années 80, attestant d’un succès certain des campagnes de prévention : ainsi 82,5 % des femmes et 87,5 % des hommes ayant eu leur premier rapport après 2000 ont déclaré avoir utilisé un préservatif à ce moment-là ; un seuil semble avoir été atteint depuis lors ». Une prise de conscience qui semble s’effacer, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la date d’apparition du VIH.

Retour plateau. Le sujet de la prévention ayant refroidi la conversation, on préfère reprendre doucement un ton festif. « Appelez ça déviance si vous le souhaitez, mais qu’est-ce que c’est bon. Un monde à part et un seul thème, celui de l’amour… Avec légèreté ! » Hédonisme à différents degrés, plus ou moins assumé. « Jouis et fais jouir sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà toute morale ». Il paraît que Michel Onfray se reconnaît dans cette tournure de Chamfort. Rudy Méliczek aurait été plus mesuré. Et pour nos amis lillois, une maxime toute simple : « après tout, nous aussi on aime quand c’est la fête ».

Pegah Hosseini

*Bien évidemment, le sujet étant encore tabou, tous ont souhaité rester anonyme.

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