Murielle a les yeux rivés sur sa machine à café. Après avoir galéré à la démonter, à la détartrer puis à la remonter, c’est l’heure du verdict. Elle appuie sur le bouton « ON » pour tenter de la faire fonctionner… Miracle : l’eau coule de nouveau ! Murielle exulte de bonheur. Alors qu’elle était vouée à être jetée, sa machine à café est réparée !

Comme elle, une quinzaine de personnes ont participé au Repair Café organisé à Montreuil ce dimanche, de 14h à 18h. Le principe est simple : on ramène un objet cassé ou un appareil défaillant qu’on a chez soi pour le réparer pendant l’atelier avec l’aide de bénévoles qui ont des compétences en bricolage. On évite ainsi de jeter des objets qui sont encore fonctionnels, ce qui permet également de lutter contre la surconsommation.

Ce concept est né en 2009 à Amsterdam et s’est depuis répandu bien au-delà des frontières néerlandaises. Outre les pays d’Europe occidentale, des Repair Café sont aussi régulièrement organisés au Brésil, au Japon, en Afrique du Sud ou encore en Turquie, ce qui mobilise environ 40 000 bénévoles dans le monde.

D’Amsterdam au 9-3

C’est par hasard que Tayeb a commencé à s’investir dans les Repair Café. Âgé d’une quarantaine d’années, il se décrit comme quelqu’un qui a « toujours été attiré » par le bricolage, la réparation et tout ce qui touche à la technologie de manière générale. Un jour, son aspirateur tombe en panne : « Je n’avais pas envie d’en racheter, explique-t-il. J’ai donc essayé de le réparer seul en regardant des tutos sur YouTube et je me suis aperçu que c’est vraiment enfantin ».

Désireux d’en apprendre davantage, il découvre le concept des Repair Café et commence à en fréquenter quelques-uns à Paris. Mais les allers-retours Paris-Montreuil deviennent vite fatiguant. Alors il décide, en 2020, de fonder un Repair Café dans la ville dont il est originaire : « C’est plus pratique pour moi parce que j’habite juste à côté, avoue-t-il en riant, mais ça me tenait aussi très à cœur de faire découvrir ce concept aux habitants de la ville et des alentours ».

Maintenant, on a une bonne quinzaine de personnes qui participent à chaque atelier, sans compter les bénévoles

Première étape ? Trouver des personnes prêtes à s’investir à ses côtés pour ce projet. « J’ai tellement traîné dans les Repair Café parisiens que je connaissais beaucoup de bénévoles. Je leur ai parlé de mon envie d’en lancer un à Montreuil et ça n’a pas été très dur d’en motiver quelques-uns ». L’A.E.R.I., une association de la ville qui organise des activités en tous genres – ateliers de cuisine, cours de français pour réfugiés… – met à leur disposition ses locaux pour qu’ils puissent y organiser, chaque dernier dimanche du mois, le Repair Café.

Une fois l’équipe de bénévoles constituée et tous les détails administratifs réglés, il reste une étape clef : intéresser les Montreuillois. Pour ce faire, Tayeb distribue des flyers au marché, en parle à ses voisins, sur les réseaux sociaux… Mais il n’y a pas de secret, « ce qui aide le plus, c’est le bouche-à-oreille », admet-il. « Au début, il n’y avait pas beaucoup de monde, mais les premiers participants en ont parlé autour d’eux, et ainsi de suite. Maintenant, on a une bonne quinzaine de personnes qui participent à chaque atelier, sans compter les bénévoles ».

Au Repair Café, on apprend en faisant

Enceinte, extracteur de jus, télévision… Les objets apportés sont de toute sorte et les causes de défaillance varient de l’un à l’autre. Lou est par exemple venue avec son sèche-cheveux, dans lequel était coincé plusieurs mèches : « Il dégage une odeur insupportable, mais comme il fonctionne toujours, je me suis dit qu’il devait y avoir un moyen de régler le problème pour éviter d’en acheter un autre, donc je l’ai amené ici pour le réparer ».

On réfléchit à plusieurs, ce qui crée une réelle émulation collective 

Une fois sur place, les participants expliquent aux bénévoles la raison de leur venue puis se mettent directement au travail : au Repair Café, on apprend en faisant. Des outils sont mis à la disposition de tous, et les bénévoles circulent dans les rangs pour répondre aux différentes sollicitations. « Parfois, on n’arrive pas à réparer quelque chose donc on demande de l’aide aux collègues, explique Tanguy, l’un des bénévoles du Repair Café de Montreuil. On réfléchit à plusieurs, ce qui crée une réelle émulation collective et ça c’est quelque chose que j’adore ».

« On est juste des bricoleurs du dimanche, ce n’est pas notre métier, s’amuse Tanguy, qui travaille dans l’informatique. On est loin d’être des experts, mais on se complète et finalement, il n’y a que très peu d’objets sur lesquels on bloque vraiment ». Comme la plupart des bénévoles, il a tout appris sur le tas en fréquentant des Repair Café parisiens pour réparer certains de ses objets.

« Un moment de transmissions et d’échanges »

Ces compétences qu’ils ont emmagasinées pourraient permettre aux bénévoles de ne prendre que quelques minutes par objet afin d’enchaîner les réparations et d’aider le plus de monde possible. Mais pour Tayeb, il n’en est pas question. « On ne répare pas pour eux, mais avec eux, et c’est pour ça qu’on limite à un objet défaillant par personne et par atelier. On ne veut pas que ce soit une usine où chacun fait réparer ses objets en mauvais état et repart ni vu ni connu : le Repair Café, c’est avant tout un moment de transmissions et d’échanges ».

Les bénévoles montrent comment on peut démonter tel objet, prennent le temps d’expliquer l’origine de la panne de tel autre… Ils ne réparent pas eux-mêmes le sèche-cheveux de Lou : ils lui disent comment s’y prendre et c’est elle qui le démonte, le nettoie puis le remonte. « Je me surprends moi-même à être en train de bricoler, dit-elle en se démenant avec son engin. Mais au moins, si cela m’arrive de nouveau, je saurai ce qu’il faut faire ».

« De nos jours, on a trop tendance à jeter un objet ou un appareil au moindre petit problème, affirme Tayeb. D’un point de vue écologique, c’est un gros problème, et ça coûte aussi de l’argent de racheter à chaque fois des objets neufs. Alors qu’il n’y a rien de sorcier : en fait, presque tout est réparable ».

Ayoub Simour

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