Au Blanc-Mesnil, personne n’est particulièrement surpris du coup de menton de Thierry Meignen, sénateur LR de Seine-Saint-Denis. L’ancien maire du Blanc-Mesnil (2014-2021) a annulé la Beach Mesnil, une aire de baignade estivale fréquentée par les habitants les plus pauvres de la ville. Une décision destinée à « réparer les dégâts commis par les émeutiers », revendique l’élu.

Le sénateur communiste et élu d’opposition, Fabien Gay, dénonce une punition pour la moitié de la population qui ne part pas en vacances. « C’est injuste », lâche-t-il.

Dans une vidéo diffusée sur Facebook dimanche 9 juillet, Thierry Meignen promet également de sanctionner les familles de jeunes « émeutiers » en leur coupant les « prestations municipales ». Des jeunes qu’il qualifie « de connards ». Contactés par le Bondy blog, ni le bureau du sénateur, ni celui du maire, Jean-Philippe Ranquet, n’ont répondu à nos questions.

Je trouve ça dégueulasse de profiter de cette situation dramatique pour accabler les parents

Ce n’est pas la première fois que Thierry Meignen tient des propos outranciers. « Le soir de son élection, il avait publiquement employé le terme de racaille pour qualifier ses opposants », rappelle Rachid, un habitant du Blanc-Mesnil. Selon lui, Thierry Meignen cherche simplement à faire le buzz. « Je trouve ça dégueulasse de profiter de cette situation dramatique pour accabler encore une fois les parents », fulmine Rachid.

« Pour nous, c’est presque devenu normal, à tel point qu’on préfère en rire », confirme un autre associatif des Tilleuls, quartier pauvre du Blanc-Mesnil. Aux dernières élections municipales, Thierry Meignen a été réélu maire au premier tour avec 5 248 voix et 60 % d’abstention aux termes d’une campagne très tendue. Devenu sénateur en juillet 2021, Thierry Meignen garde prise sur sa ville. Il faisait d’ailleurs la Une du journal municipal cette semaine.

Lire aussi. Le maire et les Tilleuls : tension et répulsion

Le schéma politique du Blanc-Mesnil est commun à celui d’autres villes de l’ancienne banlieue rouge. Administrée par les communistes pendant huit décennies, la commune est passée à droite en 2014. Depuis, la fracture entre les quartiers pavillonnaires et les cités s’est renforcée. Entre Thierry Meignen et les Tilleuls, quartier populaire où l’on s’est senti visé par ses propos, le divorce est consommé.

L’ombre d’Éric Zemmour

Là-bas, les habitants ont massivement voté contre Thierry Meignen après un mandat marqué par une politique hostile. S’il affiche une proximité avec Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, ses liens avec les proches d’Éric Zemmour, ne sont pas pour rien dans le rejet qu’il suscite. Le directeur de cabinet du maire, qui est aussi le collaborateur parlementaire de Thierry Meignen, a été l’un des artisans de la campagne du polémiste d’extrême-droite.

Jean-Édouard Gueugnon, collaborateur parlementaire du sénateur, a, lui, été à l’origine d’une association consacrée au financement du parti des « Amis d’Éric Zemmour ».

Une gestion épinglée par la Chambre régionale des comptes

« Sa politique au quotidien tend à diviser les habitants, notamment entre ceux qui payent des impôts et ceux qui n’en payent pas », expose Rachid. L’abandon des quartiers se traduit en chiffre et en actes. « Depuis 2014, pas un logement social n’est sorti de terre ici », soutient Rachid. Il évoque aussi les coupes brutales qui ont fragilisé le tissu associatif de la ville.

Un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) publié en 2017, étaye la baisse des subventions versées aux associations passées de 5,1 millions d’euros en 2011 à 1,3 million d’euros en 2016. Dans le même temps, des largesses incompréhensibles ont été permises par l’exécutif local. La mairie s’est ainsi offerte une trentaine d’abonnements pour assister aux matchs de football du Paris-Saint-Germain, pour un montant de 140 000 euros.

Des dégradations minimes, mais symboliques

Malgré les sorties polémiques du sénateur, le Blanc-Mesnil a été relativement épargné durant les nuits de révoltes, comme le concède Thierry Meignen. « Ils ont essayé de mettre le feu au dojo arts martiaux », s’indigne toutefois l’élu.

« Ce dojo est symbolique », explique un associatif de la ville. Le Blanc-Mesnil compte deux clubs de judo, dont l’un bénéficierait de l’appui de la mairie aux dépens de l’autre. « Il y a le club historique de la ville [le BMSJ] et le club qui est derrière la mairie », résume l’associatif. Le club historique dénonce des baisses de subventions. En octobre 2021, il a aussi poursuivi la mairie à la suite de la diminution du nombre de créneaux horaires qui lui ont été réservés. Le tribunal administratif a donné raison au club de judo.

Malgré cette maigre victoire, au Blanc-Mesnil, la lassitude l’emporte. « Il n’y a plus aucun débat dans cette ville », « le maire ne tolère aucune contradiction », dénoncent de concert Rachid et l’associatif du coin.

Héléna Berkaoui et Céline Beaury

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