Cette année, le bac démarre les 20 et 21 mars. Depuis la réforme Blanquer promulguée en 2019, les épreuves de spécialités sont prévues plus tôt dans l’année. Au détriment des élèves et au grand dam des enseignants. Parmi ces spécialités choisies par les élèves en premières, on compte par exemple les mathématiques, les sciences économiques et sociales, les humanités ou les sciences naturelles.

Jamais encore cette nouvelle modalité n’a été appliquée, notamment en raison des restrictions sanitaires liées à la Covid-19. Elle le sera pour la première fois cette année. Le syndicat SUD Éducation a appelé à envisager la grève de surveillance, et déclare soutenir les professeurs qui se saisiraient de ce mode d’action.

« Cette nouvelle organisation du baccalauréat se traduit par une dégradation inédite de la formation des élèves (…) Elle participe encore au tri social, car elle ne laisse pas le temps aux apprentissages et renforce les inégalités », dénoncent les enseignant.e.s du lycée Maurice Utrillo de Stains. Ces derniers ont annoncé une grève des surveillances du baccalauréat avec le soutien des organisations syndicales. Par ailleurs, le rejet de la réforme des retraites s’ajoute aux revendications des enseignantes et enseignants.

« C’est encore plus compliqué pour les élèves qui ont déjà du mal »

L’un des problèmes majeurs qu’entraîne cette réforme, d’après les enseignants, est l’impréparation à laquelle les élèves sont condamnés. Un trimestre de moins pour se préparer aux premières épreuves d’examen majeures de leur scolarité, ça compte.

« C’est encore plus compliqué pour les élèves qui ont déjà du mal. Dans mes cours, il y en a peu qui peuvent se permettre de manquer ne serait-ce qu’une heure », déplore Julien*, professeur au lycée Jacques Brel de la Courneuve (93).

Ce changement a pour but de produire des notes utilisées à des fins de sélection via la plateforme ParcourSup’. Un processus d’admission déjà largement décrié, car jugé confus et générateur d’inégalités scolaires.

« On épuise les élèves, poursuit sans ambages le professeur. On n’a pas le choix, ces notes vont compter pour un tiers des notes totales du bac. » D’après lui, ce rythme et ce manque de préparation risque d’aggraver fortement les inégalités, en plus de pénaliser les élèves.

Vers une accentuation des inégalités scolaires

En effet, les difficultés scolaires des jeunes gens sont souvent corrélées à leur situation sociale. Différents rapports en attestent, comme le classement basé sur les données PISA de l’OCDE, qui met en évidence l’augmentation des inégalités scolaires en France depuis 10 ans. Ce rapport date par ailleurs d’avant la COVID.

Ces différences sont liées à la situation socio-économique de l’enfant, mais aussi aux moyens matériels et organisationnels des établissements. Ainsi, un communiqué rendu public le 10 mars 2023 met en avant la situation du lycée Mozart du Blanc-Mesnil (93). Une commune qui présente un taux de pauvreté bien supérieur à la moyenne nationale (32 % au Blanc-Mesnil contre 14,6 % de moyenne nationale, selon l’Insee en 2019).

Les enseignants de l’établissement appellent donc à faire grève. Ils dénoncent par ailleurs des situations de non remplacement de professeurs, laissant de nombreux élèves sans cours de spécialité depuis janvier.

Une réforme qui ne passe pas

Enfin, la réforme semble mal servir les objectifs qu’elle s’est fixée. Sa principale motivation est l’obtention de notes à un examen national, pour ParcourSup’ afin de permettre la sélection. Or, pour respecter le calendrier, chaque spécialité aura deux examens distincts avec deux sujets différents, afin que chaque élève puisse avoir une épreuve le lundi et une le mardi. Ainsi, les résultats sur lesquels la sélection sera basée sont des notes qui ne constituent pas un étalon de mesure unique.

Sans parler de la mission de « valider des acquis » qui est mise en péril par le rythme imposé. Selon l’APSES (Association des Professeurs de SES – l’une des options les plus choisies), dans ces délais, « les savoirs étudiés et les méthodes de raisonnement ne peuvent pas être correctement acquis par la plupart des élèves ».

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Une étude publiée en janvier par la même association révèle les difficultés d’organisation rencontrées par les professeurs et le retard accumulé par rapport au programme pour plus de 30 % d’entre eux à la mi-décembre. Un autre problème souligné par les enseignants est la difficulté de maintenir la motivation après les épreuves. « Il nous restera 3 mois de cours après les épreuves, je ne vois pas comment motiver les élèves à continuer à venir », se désespère Julien. Pour une partie des élèves, les acquis de la fin d’année ne le seront sans doute pas.

Pour parachever cette situation délétère, l’enquête met aussi en lumière l’augmentation des risques psychosociaux pour les enseignants. Déjà dans des conditions dégradées, ils s’exposent à une augmentation du stress. Ces contraintes calendaires peuvent aussi pousser certains professeurs à ne pas manquer d’heures de cours, alors même qu’ils sont malades.

Ambre Couvin

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