Difficile de ne pas se demander si des jeunes d’autres quartiers « moins sensibles » auraient subi le même traitement

La vidéo qui nous est parvenue sur les réseaux sociaux est effrayante, mais symptomatique. Elle traduit fidèlement le climat délétère dans lequel la France est plongée depuis quelques semaines. Comment est-il possible, dans le pays des Droits de l’Homme, en 2018, de traiter des jeunes de la sorte ?

Des dizaines de lycéens, agenouillés au sol, les mains sur la tête ou dans le dos, sont encerclés par des policiers. Avec cette vidéo, de nouvelles limites ont été franchies. Où sont donc passés le respect de l’autre, la décence et la liberté ? Sommes-nous en train de basculer vers un État policier ? La classe politique n’a-t-elle que faire d’une jeunesse revendicatrice, au point de laisser des représentants de l’ordre la traiter dans l’indignité et l’humiliation les plus totales ?

Difficile de ne pas se poser des dizaines de questions après un visionnage bien pénible. Difficile, également, de ne pas se demander si des jeunes d’autres quartiers « moins sensibles » auraient subi le même traitement.

Ces arrestations sont justifiées par la volonté d’éviter les débordements. « Voilà une classe qui se tient sage », peut-on entendre dans la vidéo. Réflexion sordide, situation grotesque. Il y a quelques jours encore, un lycéen était blessé au visage par un tir de flash-ball à Garges-les-Gonesse.

Comment faire confiance à des forces de l’ordre qui humilient ? Ces agents qui se doivent de protéger les citoyens, attaquent ceux qui bâtiront la France de demain : les jeunes. Aujourd’hui, dans les rues de la République, l’humiliation est maîtresse. Et, quoi que ces lycéens aient fait, rien ne justifie une telle réponse de la part des forces publiques.

Anas DAIF

Cela fait plus de 30 ans que les violences policières sont dénoncées dans des tribunes ou dans des marches. La situation a-t-elle changé ?

Ils ne sont pas deux ou dix. Agenouillés, les mains sur la tête, ils sont plusieurs dizaines à être mis en scène comme des prisonniers de guerre qui attendent leur exécution. Comme si le spectacle n’était pas assez odieux, la vidéo diffusée laisse entendre un policier les narguer par les mots suivants : « Voilà une classe qui se tient sage ». Confus, hier soir encore j’espérais encore qu’il s’agissait d’une infox avant que, quelques minutes plus tard, l’AFP authentifie cette information. Cette scène se passe bien en France en 2018.

Que dit cette exposition de ces corps vivants encerclés par des policiers ? Était-ce une volonté d’humiliation de ces jeunes adolescents ? J’essaie de me mettre à la place de ces jeunes qui, entourés, ont dû se sentir bien seuls. Mais est-il possible de compatir quand on n’a jamais vécu de situations similaires ?

Que ressentir face à cette violence inouïe ? Une énième compassion qui s’effacera quand je fermerai cette vidéo jusqu’à la prochaine ? Faut-il regarder ailleurs ou « droit devant » ? Non. J’ai regardé cette vidéo une dizaine de fois. Que dois-je faire ? Écrire ? Crier ? Mais, à quoi bon ? Cela fait plus de 30 ans que les violences policières sont dénoncées dans des tribunes lues par des centaines de milliers de personnes, dénoncées dans des marches où les cordes vocales s’usent pour pointer la gravité de ces traitements indignes. La situation a-t-elle changé ? Je suis à deux doigts de perdre tout espoir mais je n’en ai pas le droit. Je me rends sur les lieux pour utiliser ma seule arme : ma plume.

Yassine BNOU MARZOUK

Ces images sont intolérables, insoutenables et scandaleuses, elles ne devraient jamais avoir existé

On en est là !!! Dans une République démocratique où les droits de l’hommes sont remis en question, l’interpellation de ces dizaines d’élèves d’un lycée de Mantes la jolie, à genoux, mains sur la tête, fait froid dans le dos. La banlieue, encore la banlieue…Pourquoi est-ce des jeunes de banlieues que l’on met en scène de la sorte ?

L’alignement drastique et militaire de ces jeunes traduit un nouveau cap d’humiliation rarement franchi. Sans aucune possibilité de contester, s’agenouiller devant les force de l’ordre traduit l’échec dans lequel nous nous sommes installés.

Ces images sont intolérables, insoutenables et scandaleuses, elles ne devraient jamais avoir existé, sous quelque prétexte que ce soit. Si manifester implique perdre sa dignité, alors la banlieue n’est pas prête à la perdre. Visiblement, seule la force peut l’y contraindre.

Audrey PRONESTI

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