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Me voilà invité à une soirée par une amie. Quoi de plus banal ? C’est ce que je me dis chemin faisant. L’adresse exacte se trouve au centre commercial Le Galion, à Aulnay-sous-Bois. J’arrive sur place. Le centre commercial se trouve au beau milieu d’une cité, la cité des 3000, faite d’une barre glauque qui a mal vieilli et de quatre tours pas en meilleure forme. L’ambiance est peu avenante. Je ressens cette atmosphère oppressante si caractéristique de certains quartiers de banlieue, à laquelle j’ai tant de mal à m’habituer. Un choc plus fort se produit lorsque je commence à circuler de bloc en bloc: je ne croise que des Noirs et des Maghrébins. A chaque coin, j’en croise davantage.

A l’évidence, je suis en France, en région parisienne, dans un ensemble urbain de la taille d’une ville, mais la population y est entièrement d’origine africaine. De la diversité, il n’y en a point. Il y en a si peu qu’ici, l’homme blanc que je suis, affublé d’un costume et d’une cravate de circonstance, passe pour un extra-terrestre. On me dévisage comme si j’étais un animal étrange égaré dans un lieu où je n’aurais jamais dû me rendre. Ayant du mal à trouver l’emplacement de l’événement, je m’adresse aux passants que je rencontre. La réaction de mes interlocuteurs finit par m’amuser, en particulier celle de ce commerçant qui, après m’avoir inspecté du regard avec un sourire en coin, prend le temps de faire quelques pas avec moi pour m’indiquer la direction.

J’atteins enfin ma destination. La soirée se passe plutôt bien. Je plaisante avec Sylvie, une amie venue de Paris sur son vieux scooter. Le groupe de convives avec lequel je me trouve la chambre sur le fait qu’elle n’est pas prudente de laisser son antiquité accrochée à un lampadaire dans la rue. Confiante, elle pense qu’il n’y a pas de raison de se comporter ici différemment qu’ailleurs. Pourquoi obéirait-elle au stéréotype banlieues=vols ? Malheureusement, ce soir-là, des gamins avaient décidé de lui donner tort. Lorsque nous quittons la salle, Sylvie nous apprend qu’on vient de lui faucher son scooter.

Cette histoire se finira au poste de police. Tout un périple, pour se rendre au poste d’Aulnay-sous-Bois! Il nous faut quinze minutes en voiture depuis le centre commercial. Mais une fois sur place, difficile de manquer le commissariat: deux camionnettes de CRS garées dans un quartier pavillonnaire, cela ne passe pas inaperçu. Il est minuit passé et nous attendons patiemment que Sylvie termine sa déclaration de vol. Quelques jours plus tard, Sylvie recevra un coup de téléphone pour lui annoncer qu’on a retrouvé son scooter. Il porte quelques stigmates de cette triste aventure mais au moins, il fonctionne encore. C’est déjà ça.

Cédric Roussel

Cédric Roussel

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