Sous un stand, on a placé des chaises, une petite table et une cafetière. Les pancartes sont claires. « Macron, prends ta retraite, pas les nôtres ! » ou « Des paillettes dans nos retraites ! »  Il est environ 8h20 et une centaine de personnes sont réunies. Des professeurs grévistes et des parents d’élèves solidaires proposent des cafés, du jus d’orange et des gâteaux en guise de petit-déjeuner aux élèves qui entrent dans l‘établissement.

En ce début de matinée glaciale du vendredi 24 janvier, un piquet de grève est installé devant l’entrée du lycée Blaise-Cendrars à Sevran, pour manifester à la fois contre la réforme des retraites et contre celle du baccalauréat. « La grève est pas mal suivie, explique Gabriel Jeune, professeur d’histoire-géo. Depuis le 5 décembre, on avait quand même un taux de grévistes qui avoisinait les 80 % sur le lycée. »

Les professeurs et les parents d’élèves distribuent des tracts afin d’expliquer les raisons de la mobilisation et convaincre un maximum de monde du bien-fondé de l’action du jour. Malgré le froid, les sourires ornent les visages. On lit un « Grève ou crève » rageusement inscrit sur une pancarte. L’ambiance est festive, un haut- parleur scande : « On va mettre du bon son ! » Kery James et Soprano à la playlist. Succès garanti, certains élèves se mettent même à chanter et à danser.

Un bac de Sevran, ça ne vaudra plus rien

Les enseignants exigent la suppression de la première session des E3C, les épreuves de contrôle continu censées commencer ce lundi. Ils demandent qu’elles deviennent des épreuves nationales et soient reportées en fin d’année afin de permettre aux élèves de mieux se préparer et de garantir l’aspect égalitaire de l’épreuve.

Selon eux, la réforme de cet examen va être très préjudiciable pour les élèves. « Les E3C, d’une manière globale, mettent fin au principe d’un bac national et introduisent le principe d’un bac local, analyse Gabriel, le prof d’histoire-géo. A plus forte raison pour nous. Dans le 93, nos élèves sont les grands perdants de tout ça. » Son collègue Clément Bernard, prof de maths et syndiqué, précise : « C’est un bac qui devient à 40% local, avec des épreuves organisées lycée par lycée. Un bac de Sevran, ça ne vaudra absolument plus rien par rapport à un bac au lycée Henri-IV, par exemple. »

Et puis, au-delà du principe, les profs en ont après les modalités de ces épreuves. « L’organisation est précipitée, déplore celui qui est syndiqué SNES-FSU. Il faut savoir qu’on était censé avoir les sujets en octobre, on ne les a eus que le 9 décembre. Et même, la plupart des sujets, on ne les a eus que le week-end dernier. Une semaine pour préparer ça ! C’est vraiment très mal organisé. »

Une mobilisation qui s’essouffle ? Pas d’un iota, disent-ils

La suppression de la réforme des retraites par le gouvernement est la seconde revendication des enseignants. Dans le tract qu’ils distribuent aux élèves, ils s’en prennent aux conséquences de cette loi : baisse des pensions de retraites dans le privé comme dans le public, le renforcement des inégalités, notamment entre les hommes et les femmes… Eric Pihou, enseignant dans le primaire et responsable syndical à SNUDI-FO à Sevran, explique son engagement : « On est là pour affirmer notre opposition à cette réforme, parce qu’elle est complètement injuste et inégalitaire. Ça donne la part belle aux fonds de pension, ça casse la sécurité sociale et la solidarité. » 

Clément Bernard embraye : « Cette réforme est injuste au possible, particulièrement pour les profs. On estime qu’on va perdre entre 700 et 800 euros par mois de retraite. On veut donc  l’annulation de ce projet de loi. »

A l’heure où la mobilisation semble s’étoiler, les grévistes de Sevran s’insurgent contre cette idée. « Je pense qu’elle ne s’essouffle pas du tout, appuie Laurence Cantoia, une mère de famille engagée dans la lutte. Je pense que les gens continuent à être opposés à cette réforme. » Gabriel Jeune partage le même constat et ajoute : « Le mouvement prend plutôt d’autres formes avec un recentrage sur l’action locale. »

Cap sur Paris pour la manif’

Pour étendre la contestation, il veut « informer et rendre visible le mouvement. L’idée, c’est de se retrouver devant le lycée, interpeller les élèves et les parents pour qu’ils restent avec nous sur le piquet de grève. » Laurence Cantoia détaille : « On continue une autre forme de mobilisation. Le matin devant un lycée, la retraite au flambeau, le soir, des réunions avec les parents, les enseignants, des salariés, avec l’hôpital. »

Eric Pihou mise, lui, sur une progression qualitative du mouvement : « Le mouvement ne s’essouffle pas, mais il s’enracine. On le voit avec différentes professions qui se mettent en action. Les raffineries, les avocats, les infirmières, les égoutiers… » Et les mobilisés du jour de s’en prendre aux médias mainstream qui dissuadent certains de se lever : « Il ne faut pas croire que la population est sur la même ligne que les médias qui relaient le discours gouvernemental », entend-on tacler.

Vers 9h30, le piquet de grève festif bat toujours son plein. Déterminés, profs et parents d’élèves se préparent à rejoindre Paris pour la manif’ du jour. Ici, le credo est clair : « on ne lâche rien. »

Hervé HINOPAY

Crédit photo : HP / Bondy Blog

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