À la veille de la rentrée scolaire qu’Emmanuel Macron a présenté comme la plus normale possible, c’est peu de dire que l’année scolaire écoulée a laissé des traces. Chez ceux qui ont dû étudier à la maison une bonne partie du temps, des heures devant un ordinateur, quand ils ont eu la chance d’avoir le leur.

Chez ceux aussi, qui sont partis, qui n’ont pas réussi à rester devant l’écran. Selon le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, ce sont près de 500 000 élèves qui ont décroché durant l’année 2020. Et si ces chiffres ne semblent pas si alarmants pour ce dernier,  ils risquent d’être d’autant plus élevés pour l’année 2021.

Banlieues School tente de répondre aux besoins d’accompagnement des jeunes et de ceux qui les conseillent.

Devant l’usure de la fatigue, et l’urgence des départs, est né le projet de Banlieues School. Pour permettre à ces élèves de s’accrocher et de garder la motivation malgré la période difficile à laquelle ils font face. « On avait commencé à tester l’initiative pendant  la première période de confinement en février/mars et on se rendait compte que les jeunes n’avaient pas forcément d’aide à la maison, qu’il y’en avait beaucoup qui décrochaient donc on a  pensé à cette initiative de mentorat pendant le confinement, on a vu l’impact donc on s’est dit  pourquoi pas le lancer pour la rentrée de septembre justement et le proposer à plus de monde », explique Mona, professeur de Sciences Économiques et Sociales et cofondatrice de Banlieues School.

Déjà 300 élèves accompagnés par des mentors

Un projet porté aussi par Abdelaali El Badaoui, à l’origine du succès Banlieues Santé qui a permis un soutien sanitaire aux plus fragiles dans les quartiers d’Île-de-France au plus fort de l’épidémie de Covid-19. L’entrepreneur social, sensible aux inégalités scolaires a donc hérité d’une nouvelle casquette, celle de Président de Banlieues School, dont le siège se trouve à Livry-Gargan et qui s’apprête à accueillir sa première promotion dès la reprise des cours de septembre.


Maeva, lycéenne, fait partie des premières élèves accompagnées par la Banlieue School. 

« Les limites de l’école c’est que lorsqu’un élève n’arrive pas à entrer dans le cadre actuel, il est automatiquement exclu et il y’en a de plus en plus en fait. L’école ne permet plus à un maximum d’élèves  d’être inclus et ces élèves ont souvent les mêmes profils. Ce sont des élèves souvent hyperactifs », analyse la cofondatrice de Banlieues School.

Des programmes différents en fonction des publics

Pour sa première année de lancement, le projet comporte quatre programmes de mentorat et d’encadrement. Parmi eux : un programme spécifique pour les élèves en décrochage scolaire. « Ils sont identifiés par les proviseurs et par les professeurs et eux on va les faire accompagner par des professeurs qui sont parfois à la retraite ou par des personnes déjà formées au décrochage ». 

Un autre type de mentorat va s’adresser aux jeunes déscolarisés et va permettre à Banlieues School de travailler en partenariat avec des missions locales. « Ces jeunes là vont être aidés par des entrepreneurs, des salariés et même des coachs en développement personnel pour un travail sur eux afin de savoir ce qu’ils veulent vraiment faire. On va les guider ensuite vers un retour au travail ou à la formation », détaille Mona Amirouche.

Ce qu’on veut c’est développer une autonomie chez les jeunes et pas une dépendance. 

Banlieues School compte aussi s’adresser aux lycéens porteurs d’un projet professionnel mais sans réseaux pour entrevoir les enjeux de l’orientation. « Exemple : pour un élève de première qui souhaite faire Sciences Po, Banlieues School va le mettre en contact avec un étudiant de Sciences Po et cette étudiant va l’accompagner pendant 3 mois ou même 6 mois si le jeune le souhaite, mais ce qu’on veut c’est développer une autonomie chez les jeunes et pas une dépendance, c’est pour ça que notre programme ne dure pas plus de 6 mois ».

En mai dernier, l’équipe de Banlieues School annonçait un partenariat avec L’Oréal pour les « jeunes filles intéressées par les carrières scientifiques ». 

Enfin, le quatrième programme de mentorat sera spécifique aux jeunes primo-délinquants, scolarisés ou non afin de leur permettre de reprendre le chemin de l’insertion. « Ils vont suivre une première semaine  un stage de citoyenneté au cours duquel ils vont visiter des entreprises, des associations, et ensuite ils sont accompagnés pendant trois mois par un coach et un entrepreneur ou un artisan, qu’ils auront rencontré pendant cette semaine là », précise Mona Amirouche.

 Des bureaux installés au premier étage des locaux à Livry-Gargan.

Le dispositif comprend un mentor pour un élève et compte aujourd’hui 300 mentors qui accompagnent les élèves dans leurs choix. « C’est  important de parler de mentorat au delà du tutorat parce qu’un mentor c’est un état d’esprit, un  mode de vie c’est à dire que le mentor va pas venir uniquement sur l’école mais va venir sur les  questions de confiance en soi, d’organisation, de parcours », explique Sadio Konaté, intervenant psycho-social, et directeur des programmes de Banlieues School.

Proposer des solutions aux professeurs fraichement débarqués dans les quartiers populaires

Mais Banlieues School est un projet qui ne s’adresse pas seulement aux jeunes mais à toute personne impliquée dans la vie de ce dernier. C’est pourquoi, l’association propose également des formations pour les acteurs associatifs, les parents, mais aussi les professeurs fraichement débarqués en réseau d’éducation prioritaires, souvent sans ressources face à un public qu’ils n’arrivent pas à cerner.

« On sait que lorsqu’on est jeune professeur et que l’on arrive en banlieue c’est parfois compliqué et donc c’était plutôt de les aider à comprendre certains codes et à avoir des outils pour être mieux armé pour aborder cette première année voir cette deuxième année avec beaucoup plus d’aisance », avance Mona Amirouche.

Dans les locaux de Banlieues School à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), Sadio a un proverbe qu’il répète « il faut tout un village pour éduquer un enfant ». « En fait c’est vraiment la philosophie de Banlieues  School parce que finalement quand on aide les élèves on se rend compte qu’il y’a un problème avec les parents, ou avec les professeurs ou alors un souci avec les camarades donc on ne peut pas aider l’élève sans comprendre le fait qu’il y a un environnement, un contexte qu’on peut pas nier. Sinon les choses avancent pas » renchérit la cofondatrice de l’association.

Des jeunes de l’association viennent souvent aider l’équipe dans les travaux des locaux.

L’importance donnée aux compétences psycho-sociales dans une période difficile

Au-delà des diplômes, pour qu’un jeune soit entièrement accompli, il lui faut aussi développer d’autres types de compétences et c’est ce que souhaite faire comprendre Banlieues school. « Nous on est centré autour de l’élève, pas forcement sur les résultats ou les attendus en terme d’évaluation », explique Sadio. « C’est aussi beaucoup d’écoute , la bienveillance et c’est aussi  parfois des sessions sur qu’est-ce que la confiance en soi, la régulation émotionnelle. Ce sont des petits ateliers qu’on peut faire via zoom ou se greffer même a d’autres initiatives pour les aider. On avait fait un live sur comment garder le cap sur les études en période de confinement et qui a  eu énormément de succès », ajoute Mona Amirouche.

Alors que la rentrée approche, l’équipe de Banlieues School ajuste les derniers préparatifs dans leurs locaux de Livry-Gargan après une campagne d’inscription lancée à la mi-août. Les inscriptions sont ouvertes jusqu’à la mi septembre pour continuer « d’ouvrir le champ des possibles ».

Farah El Amraoui 

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