Le ministère de l’éducation nationale a dégoupillé une grenade : la réforme des programmes scolaires. Ils devraient être en place dès septembre 2008. Le ministre Darcos en est satisfait, d’autres pas du tout et le font savoir au travers d’actions comme la « nuit des écoles », qui a réuni des syndicats d’enseignants et des parents d’élèves. Mais que contiennent ces nouveaux programmes scolaires pour générer hostilité et inquiétude, même, et c’est à noter, auprès de gens qui d’ordinaire ne participent jamais à ce type de mouvements ?

L’équipe enseignante d’une école primaire parisienne, pour qui cette réforme n’est qu’un leurre, a convié les parents à une réunion d’information. Une cinquantaine de parents sont venus. On reconnaît bien la mixité sociale et ethnique du 19e.

Les réformes comprennent deux axes. Premier point : est la morale : la poésie (forme de morale) redeviendra « la récitation », l’éducation civique s’appellera « la morale ». Des maximes aussi apparaîtront, telles que « nul n’est sensé ignoré la loi ». Les élèves devront se lever au son de la Marseillaise ou lorsqu’un adulte entrera en classe. Ils devront vouvoyer le maître ou la maîtresse.

Deuxième axe : l’apprentissage des savoirs. En primaire, des matières seront en diminution, telles que l’histoire géographie, les arts plastiques et visuels, remplacées par des heures de cours de français et de mathématique supplémentaires, avec moins de résolutions de problèmes mais plus de technique. Les additions et la table de multiplication de 2/3/5 sera obligatoire au CP (au CE1 en ce moment), ainsi que la technique euclidienne des divisions dès le CE1. En conjugaison, les élèves de CM2 devront réapprendre le passé antérieur. On peut avoir des doutes quand aux méthodes d’apprentissage qui idéalisent l’école d’autrefois. Autrefois, où beaucoup d’élèves n’allaient pas plus loin que le certificat d’études.

Une enseignante s’insurge : « Nous n’avons jusqu’ici reçu aucun texte à étudier pour nous préparer à ces changements, de façon à être opérationnels dès la rentrée. On ne comprend pas pourquoi ils n’ont pas d’abord évalué le travail réalisé afin de s’en servir de base. On regrette vraiment qu’ils aient décidé de faire table rase des méthodes déjà expérimentées. Ils ont fait fi de 100 ans de travail et de pédagogie ! »

Un délégué de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE, classée à gauche) demande comment se passera la gestion des élèves en difficultés scolaires. Un enseignant répond : « Pour ce qui est des élèves en difficulté, nous devrons les faire travailler deux heures de plus par semaine, aux heures de cantine, ou une semaine pendant les vacances scolaires, même ceux dont les difficultés relèvent de l’échec scolaire. Ce n’est pas notre métier d’apporter une aide continue aux enfants en réel échec scolaire, qui ont besoin de travailler en petits groupes. Cela concerne le RASED (Réseau d’aide aux enfants en difficultés), voué à disparaître avec les suppressions de postes.

» Voilà pourquoi, nous considérons que ce projet gouvernemental est de la démagogie pure. Vous remarquerez que les écoles primaires du 16e arrondissement ne comptent pas plus de 20 à 22 élèves par classe. Ici, il y en aura parfois plus de 30, en raison de la fermeture d’une classe. Nous constatons aussi des différences de réformes entre les quartiers rive droite et, rive gauche ! »

Autre motif de mécontentement pour ces parents : « la base élève », qui sera effective dès la rentrée. Il s’agit d’un outil informatique national, accessible par toutes les administrations au moyen d’un code. Les enfants auront tous un numéro identifiant, sous lequel toutes les données acquises le long de sa scolarité seront recensées et conservées pendant 15 ans. Ce projet faisant partie de la loi sur la prévention de la délinquance, les parents ne pourront pas refuser que leur enfant soit fiché.

Les questions fusent : « Ou va-t-on avec de tels flicages, de quel droit on nous empêche de refuser !? » « Mais que peux-t-on faire d’utile pour montrer notre désaccord ou notre réprobation ? » « Moi, j’ignorais tout ça, je suis sur le c.. ! »

Un des délégués de la FCPE et un des maîtres conseillent de rester vigilant pendant les vacances scolaires et de maintenir la mobilisation. Et appellent les parents à s’associer aux actions des enseignants. Sans le soutien des parents, rien ne changera ! Tel est le message et la conviction des personnes présentes. Une maman assez réservée à l’accoutumée propose : « Boycottons la rentrée scolaire ou organisons une grève générale pour la rentrée ! » A septembre !

Nadia Méhouri

Nadia Méhouri

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