Pouvez-vous nous expliquer votre combat ?

Ma principale activité militante a été de diversifier la force enseignante. Aux États-Unis, environ 70 % des enseignants sont des femmes blanches, alors que notre démographie est beaucoup plus diversifiée que cela. Nous avons toujours voulu que le corps enseignant reflète les élèves dans les écoles.

L’un des problèmes de ce manque de diversité était les tests pour devenir professeur qui empêchaient les personnes issues des minorités de travailler au sein des écoles, ce qui était un frein pour la diversité. Ainsi, une grande partie de mon travail consistait à préparer les citoyens à réussir ces tests.

Pourquoi êtes-vous engagée dans ce combat ?

Ma mère a enseigné dans des écoles publiques à Monroe en Louisiane, j’ai grandi en sachant que cela fait une différence si votre enseignant partage votre culture ou est prêt à apprendre de votre culture pour l’utiliser comme un véhicule d’éducation. Aux USA, et probablement comme partout dans le monde, il y a différents résultats scolaires en fonction des ethnies et des langues. Plus vous êtes comme vos enseignants, meilleurs sont vos résultats scolaires parce que vous savez que vos enseignants sont engagés envers vous comme s’ils étaient de votre famille.

Aux États-Unis, y a-t-il plus d’écoles publiques ou plus d’établissements privés ?

La majorité des écoles sont publiques à Oakland et dans les régions avoisinantes, nous avons eu beaucoup d’écoles catholiques. Mais le nombre d’écoles catholiques a diminué jusqu’à leurs fermetures définitives, il n’y en a plus autant qu’avant.

De votre point de vue de professeur, comment voyez-vous la laïcité ?

Aux États-Unis, il y a une séparation entre l’Église et l’État parce que les écoles sont financées par des fonds publics, donc nous ne faisons pas de prières dans les écoles par exemple. Avant, j’enseignais une clause appelée « multiculturalisme » et nous avons formé nos enseignants à être inclusif de la culture et de la religion de tout le monde. Mon point de vue est que l’école devrait être inclusive, nous ne pouvons pas enseigner la religion de tout le monde, mais nous devons la respecter.

Chaque école devrait être un endroit sûr. Si l’enfant choisit de mettre un hijab, nous devons nous assurer qu’elle est dans un environnement sécuritaire où c’est tout simplement normal. À Oakland, nous sommes dans une partie très progressiste du pays et nous formons les professeurs sur la diversité et le multiculturalisme. Mais cela ne plaît pas aux conservateurs, et malheureusement, nous avons déjà eu une alerte à la bombe dans une de nos écoles primaires perpétrées par des parents de famille conservatrice blanche.

Constatez-vous une différence de réussite entre les populations blanches et les populations noires ?

Vous savez, dans les familles noires, si vous avez quatre enfants, deux d’entre eux pourraient avoir un diplôme, mais pas toute la famille, tandis que dans les familles blanches, il est plus probable qu’ils aient tous des diplômes. Gardez aussi à l’esprit qu’il y a beaucoup de disparités en matière de santé. À Oakland, à cause de toute la pollution, les enfants ont de l’asthme et puis de nombreuses familles noires meurent des cancers parce qu’ils n’obtiennent pas de détection précoce et cela est un frein à la réussite. Nous vivons du racisme même lorsque nous occupons des places importantes.

Une de mes amies s’appelle Tracie D Hall et elle est dans le top 100 des personnes les plus influentes de 2023 selon le New York Times. Elle était la présidente du American Library Association et elle a beaucoup travaillé sur la censure et la faible alphabétisation dans des communautés spécifiques. Elle a attiré énormément l’attention sur l’association, mais ça n’a pas plu à certaines personnes qui se plaignaient, car qu’elle en obtenait trop.

Pouvez-vous nous parler des sororités aux USA ?

I’m so glad you asked ! (rires). Je suis membre de la sororité Alpha Kappa Alpha. Comme toutes les sororités, c’est un réseau et un soutien dans la vie de tous les jours. Certaines personnes vont créer des liens professionnels et d’autres vont se créer des relations. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai rencontré Tracie. En interne, nous nous aidions beaucoup à créer nos CV par exemple et en externe, nous étions à l’initiative de distributions alimentaires notamment pour que les enfants puissent manger. Nous pensons que si vous avez un programme robuste en dehors de la salle de classe, cela vous aide à rester à l’université et à obtenir votre diplôme.

Sélim Krouchi

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