« Vous pensez qu’il y aura partiel lundi ? ». Une simple question sur la conversation Messenger de ma classe aura suffi à déclencher une vague d’inquiétude parmi nous. Nos exams étaient censés débuter mi-décembre mais en raison de la grève, ils ont dû être décalés une première fois. Un nouveau calendrier avait rapidement été mis en place, j’avais donc pu réorganiser mon planning de révision pour être prêt le jour J tout en suivant de près l’évolution du mouvement social.

Pendant les vacances, je m’étais imposé une discipline de fer : j’ai limité un maximum mes sorties, je ne sortais de ma taverne que pour manger ou faire un peu de sport histoire de me maintenir en forme. La plupart de mon temps je le passais à mon bureau à bûcher sur mes cours d’espace judiciaire européen ou de droit international privé (on ne dirait pas comme ça mais je vous assure que ces matières sont intéressantes). Pour la première fois depuis un long moment, j’étais à jour dans mon planning de révision, un véritable exploit !

Puis les jours défilaient et la date fatidique approchait, un œil sur mes cours et l’autre sur la grève je constatais que le mouvement ne désemplissait pas bien au contraire. Sur mon groupe Messenger, certains priaient pour un report vu qu’ils avaient visiblement un peu trop profité des vacances.

D’autres comme moi étaient persuadés que les examens allaient être décalés au vu du mouvement social qui perdurait. C’est donc avec plein d’enthousiasme que j’ai parié avec mes camarades sur le report des partiels.

Vendredi dernier, tout s’est accéléré lorsque sur Twitter « La Sorbonne » est apparu en trending topic. Curieux, je suis donc allé lire les tweets et apprendre que leurs exams allaient être décalés. Tout de suite, je me suis empressé d’alerter mes amis : « Mais pour Créteil on a des nouvelles ? », « Toujours rien mais des élèves ont envoyé un mail au doyen ». Joindre l’administration de notre fac est impossible puisque l’établissement n’ouvrait pas avant la rentrée, certains élèves décidèrent de bombarder la boîte mail du doyen mais sa réponse se faisait attendre.

Des étudiants à fleur de peau

Les messages s’enchaînent jusque tard dans la soirée, on échange les différentes infos qu’on a pu avoir à droite à gauche. On se partage les tweets, les memes et autres gifs qui décrivent à merveille notre « désespoir ». Sur le groupe Facebook de la promo, c’est la folie : les notifications pleuvent, chaque post est accompagné d’une cinquantaine de commentaires dans lesquelles les étudiants s’invectivent, on essaie de rester courtois mais la tension est palpable et l’insulte n’est jamais très loin : « Ouais mais d’où tu tiens l’info ? » « On me l’a dit… » ; « Apparemment… » ; « D’après untel… » ; « Je pense que… ». Chacun s’interroge sur les sources, chaque info demande à être fact-checkée. Les autres étudiants lisent les commentaires avec joie en likant les punchlines et en répondant lorsqu’il faut défendre un(e) ami(e) injustement pris à partie.  Vous l’aurez compris, rien n’est sûr à moins de 72 heures du début des examens.

Le lendemain, nous sommes toujours dans l’incertitude, nous ne savons pas s’il faut toujours réviser ou si on peut se permettre de lâcher du lest. Pour ma part j’avais décidé de réviser un minimum – on ne sait jamais, je m’étais installé au même bureau relire mes fiches et rien n’aurait pu perturber mes révisions : personne à la maison, aucun match à la télé si ce n’est quelques affiches de Coupe de France pas très alléchantes. Tout était réuni pour que je révise dans de bonnes conditions. Et pourtant en plein milieu de matinée, les notifications repartent de plus bel, que ce soit sur notre conversation ou sur le groupe Facebook de notre promo : « Vous avez des infos ? » « Le doyen doit nous envoyer un mail en début d’après-midi ». En attendant le fameux mail, je scrute Twitter et apprend qu’à Descartes les exams sont maintenus et que suite à cela les étudiants ont lancé le hashtag #EtudiantsParisVengrève en signe de protestation.

J’actualise Twitter sans m’arrêter

Suite à cette nouvelle, l’angoisse se fait de plus en plus grande car un bon nombre d’entre nous sommes incapables de rejoindre Créteil. L’inquiétude se propage : « Mais imaginez qu’ils maintiennent pour nous aussi ? » ; « C’est chaud ça veut dire que je ne pourrai même pas venir », peut-on lire sur le groupe Facebook. Début d’après-midi, je ne quitte pas mon téléphone des yeux. Nous retenons tous notre souffle dans l’attente du mail du doyen – mes révisions passent à la trappe, vous l’aurez compris. Inlassablement je tape « UPEC » sur la barre de recherche Twitter et actualise sans arrêt pour avoir des infos, mais rien. Alors j’essaie de demander à des amis d’autres facs ce qu’il en est, à la fac de médecine de Paris 13 j’apprends par une amie que les exams sont décalés, une autre amie étudiante à Nanterre m’informe qu’ils n’ont toujours pas d’info et qu’ils sont dans le flou, de même pour la faculté de droit à Paris 8. On apprendra plus tard qu’à Nanterre le doyen a décidé de mettre à disposition le gymnase de la fac pour que des étudiants puissent y dormir pendant les examens, ce qui nous a fait exploser de rire !

Les nerfs sont clairement tendus et le fameux mail n’arrive toujours pas, la situation est critique d’autant plus que certains étudiants sont censés partir pile à la fin des partiels prévus initialement la semaine du 20 janvier, tandis que d’autres ont déjà planifié des voyages pour fêter la fin des exams. Mais pour le moment tous les plans sont en suspens. On apprend en milieu d’après-midi qu’à l’UFR de sciences de Créteil les partiels sont reportés, mais toujours rien pour l’UFR de droit.

Puis on apprend ensuite le report pour les étudiants en licence de droit mais toujours rien pour nous. C’est en début de soirée que la sentence tombe suite à un communiqué du doyen relayé sur les réseaux sociaux. La tension redescend. Les examens sont reportés à une date ultérieure sans plus de précisions.

A ce jour certains étudiants ont reçu un calendrier partiel des épreuves, toutes les matières ne sont toujours pas affichées alors que nous sommes à 5 jours du début : « Vous aurez un calendrier définitif d’ici vendredi au plus tard » nous informe notre gestionnaire, soit 72 heures avant la semaine d’examens ce qui suscite la colère de certains dans ma promo.

Des dispositions ont été prises par la faculté pour que les étudiants puissent venir composer dès lundi : les épreuves commenceront plus tard (9h30 au lieu de 9h), les retards seront tolérés jusqu’à 11h et seront pris en compte par le jury dans sa notation. Néanmoins l’inquiétude reste la même, la problématique d’arriver à temps aussi. En plus de gérer le stress engendré par les examens, il faut désormais faire avec la pression de pouvoir atteindre la fac. Bien que certaines associations étudiantes aient préconisé de remplacer les devoirs sur table par des devoirs maisons, leur revendication n’a pas été entendue par l’administration qui s’est empressée de mettre à jour un planning afin de respecter le calendrier universitaire. Pour certains qui comme moi n’ont pas pu se rendre à la fac depuis décembre, c’est une nouvelle semaine de galère qui s’annonce.

Félix MUBENGA

 

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