Le gouvernement a annoncé ce lundi son « Plan Étudiants », qui réforme l’accès à l’enseignement supérieur. Trois changements à retenir : la disparition du système APB, le paiement des bourses sur critères sociaux fixé le 5 de chaque mois dès octobre 2018 et la fin du régime spécial de la sécurité sociale étudiante. Qu’en pensent les premiers concernés ? Témoignages.

Tandis que certains étudiants et lycéens franciliens profitent encore de leurs vacances de la Toussaint, le Premier ministre, Édouard Philippe accompagné du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer et de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, ont dévoilé le tant attendu « Plan Étudiants ». Le gouvernement s’est engagé, lundi, à investir près d’un milliard d’euros pendant le quinquennat pour modifier l’accès à l’université, les conditions de vie des étudiants et l’orientation des lycéens. Au total 20 mesures dont certaines qui vont avoir un impact direct sur le quotidien des premiers concernés.

Au revoir APB

Ils ont en parlé tout l’été, ils l’ont enfin fait ! Avec ce « Plan Étudiants », le gouvernement enterre définitivement le système APB (Admission Post-Bac) mis en place en 2009 et tant décrié. En septembre dernier, l’algorithme avait laissé 4 000 bacheliers sans affectation pour l’année universitaire 2017-2018. À la place, Frédérique Vidal annonce le lancement d’une plateforme « plus simple et plus transparente » prévu pour le 15 janvier 2018. Les lycéens pourront formuler 10 vœux maximum (contre 24 actuellement), sans les classer. Fini le système de tirage au sort pour les filières les plus demandées. Les facs classeront les candidatures. Les réponses pourront être « oui », « oui si » ou « en attente » en cas de libération de places. Pour les filières très demandées, la ministre assure que priorité sera donnée aux profils les plus en adéquation avec la formation demandée. Si les bacheliers pourront toujours choisir librement leur filière, l’accès pourra être conditionné au suivi d’enseignements de rattrapage. La réforme de l’entrée à l’université prévoit de permettre aux universités d’accéder aux dossiers scolaires et bulletins de notes des bacheliers.

Alice Yadel étudie actuellement en terminale S au lycée Charlemagne dans le IVe arrondissement de Paris. La Bondynoise de 17 ans, qui souhaite intégrer une licence d’économie, ne voit pas d’un très bon œil l’instauration d’une commission au sein du lycée qui donnerait un avis sur les choix des lycéens. Et encore moins le fait que les professeurs se prononcent sur le choix des futurs étudiants lors du conseil de classe du deuxième trimestre. Un avis pris en compte par les universités. « C’est clair que ça nous désavantage. En fait on est censé prendre des décisions pour notre avenir, pour commencer un nouveau parcours et on se rend compte qu’on nous fait croire qu’on a le choix, mais finalement on n’a pas trop notre mot à dire. À la fin entre l’avis des profs et des facs, on va se contenter de ce qu’on nous donne. Ils choisissent pour nous, poursuit Alice. C’est toujours la même chose, on va se retrouver avec des gens qui vont prendre ce qu’on leur donne, par dépit, qui vont arriver à la fac en étant frustrés, après ils vont décrocher et après tout le monde va se plaindre que le taux de décrochage scolaire est très élevé ».

Le seul aspect positif pour Alice, c’est le passage de 24 à 10 vœux : « Au moins, ça va pousser les lycéens à vraiment réfléchir à ce qu’ils veulent faire ». Seul hic : dans son établissement, qui n’est pas le plus à plaindre de la région parisienne, la question de l’orientation des élèves n’est pas assez abordée. « La conseillère d’orientation est venue une seule fois depuis le début de l’année pour nous parler des possibilités après le bac. On peut toujours prendre rendez-vous mais c’est pas vraiment le premier réflexes de certains, surtout avec la pression du bac ». Pour améliorer l’orientation des futurs bacheliers, le gouvernement promet un accompagnement individuel des élèves par deux professeurs principaux en classe de terminale. Deux semaines dédiées à l’orientation seront intégrées durant l’année du bac pour tous les élèves. Enfin, 3 000 « étudiants ambassadeurs » en service civique iront à la rencontre des lycéens pour les conseiller dans leur projet à venir.

Bourses sur critères sociaux : la promesse d’un paiement à date fixe

Autre volet abordé par le gouvernement, et pas des moindres, c’est celui de la bourse. Alors que le début de l’année a été fortement mouvementé par le retard de versement pour de nombreux étudiants, comme l’a démontrée l’enquête du Bondy Blog, le « Plan Étudiants » promet que les bourses sur critères sociaux seront versées le 5 de chaque mois dès octobre 2018. Autre engagement : les dossiers complets avec inscription administrative finalisée avant le 25 août déboucheront sur un versement anticipé le 30 août. Toutefois, ni les modalités ni les moyens pour la mise en place de ce versement n’ont été précisés. Cela laisse Grégoire Soria sceptique. « Je me méfie quand on propose des trucs sans préciser, ça fait effet d’annonce. Parfois, derrière une déclaration comme ça, ils te proposent un truc au rabais« , s’inquiète l’étudiant en Master 1 Études latino-américaines et boursier échelon 3. Originaire d’Issy-les-Moulineaux, Grégoire habite durant l’année scolaire dans une chambre étudiante parisienne. « Je n’aime pas quand ça n’est pas clair surtout que pour nous, la bourse c’est super important. C’est un sujet à prendre au sérieux ».

Les galères de bourses, Hazrat Illiassa en a connu en début d’année. L’étudiante en M1 Meef (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) à la Sorbonne est boursière échelon 1. « J’ai reçu mon versement du mois de septembre fin octobre. Résultat : j’étais à découvert, on a même coupé ma ligne de téléphone parce que le prélèvement a été refusé plusieurs fois ». À l’annonce de la mesure, la jeune femme, qui se destine au métier de professeur, ne préfère pas s’emballer. « Le versement à une date fixe, évidemment, ce serait une bonne chose, mais est-ce que cet engagement va réellement être respecté ? se demande Hazrat. Je n’y crois pas trop, ils ont balancé ça comme si c’était facile mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait depuis longtemps ? On est tellement habitué aux retards de versement. Combien de fois nous-a-t-on promis de régler cette question ? Ça n’a jamais été le cas ».

Des étudiants sans mutuelle

Autre mesure phare de la réforme : la suppression du régime de sécurité sociale spécifique des étudiants. Après des années de polémique, le gouvernement a tranché. Les étudiants seront rattachés au régime général à compter dès 2018 pour les nouveaux entrants dans l’enseignement supérieur, en 2019 pour l’ensemble des étudiants. Pas de changement pour Grégoire. « Je ne me sens pas concerné. Je ne me sers pas de la mutuelle étudiante parce que je suis sur celle de mes parents », assure-t-il. Tout en apportant des nuances : « C’est important quand même d’en avoir une, pour ceux qui n’ont pas beaucoup de moyens. Je ne dirai pas non plus qu’elle est indispensable, même si pour les remboursements, la SMEREP est assez efficace ».

Hazrat, quant à elle, « ne voit pas l’utilité » de la mutuelle. « Tu payes et au final tu n’es pas bien remboursé. Par exemple, quand je vais chez le médecin, on me rembourse 2 ou 3 euros la consultation, pour le prix qu’elle coûte, ça n’est pas assez rentable », rapporte-t-elle. « Aucun avantage« , tranche-t-elle. « Je me suis renseignée pour acheter des lunettes. Ma mutuelle étudiante, la LMDE m’a répondu qu’il ne remboursait que 10 euros de l’achat, j’ai donc abandonné l’idée ».

Fatma TORKHANI

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