« Je propose que dès jeudi, ce soit les élus qui bloquent le dépôt. On verra s’ils osent nous déloger comme ça ! » Philippe Bouyssou, le maire (PCF) d’Ivry, est déchaîné. Son appel à un grand rassemblement a l’air d’avoir été entendu, au vu de la petite foule réunie devant le dépôt RATP de la ville voisine de Vitry.

Malgré l’heure bien matinale, dès 4h30, les bannières bleu-blanc-rouge fleurissent. La banlieue rouge val-de-marnaise est bien représentée : des élus de Vitry, de Choisy, d’Arcueil, de Gentilly ou encore de Villejuif sont là. Des parlementaires ont également répondu présent, comme la députée (LFI) Mathilde Panot, le sénateur Pascal Savoldelli (PCF) ou les sénatrices Laurence Cohen (PCF) et Sophie Taillé-Polian (Génération.s).

Tous sont là pour soutenir les grévistes du dépôt de bus, victimes d’une répression ferme de leur direction. Quatre d’entre eux font ainsi l’objet de procédures disciplinaires en lien avec le mouvement de grève. Lundi, l’un d’entre eux, François, a tenté de se suicider sur le site, suscitant un grand émoi parmi ses collègues.

Vers 5 heures, les grévistes entreposent les palettes et enflamment la barricade. L’ambiance est bon enfant, on boit le café, on lance un feu d’artifice, on chante, on se réchauffe au coin du feu… La foule est nombreuse et on échange de façon informelle sur la situation entre élus, syndicalistes ou simples citoyens venus en soutien. Interrogé sur l’objet de sa présence, Didier Guillaume, le maire (PCF) de Choisy-le-Roi, explique que « le rôle des élus, c’est également d’être aux côtés des salariés qui luttent pour leurs acquis sociaux. C’est aussi ça, protéger nos populations ».

Le maire de Vitry appelle à la démission du directeur du site

Habitué à soutenir le dépôt Belliard, dans le nord de Paris, Olivier Besancenot a pour l’occasion fait le déplacement dans la banlieue sud. L’ancien candidat NPA à la présidentielle n’exerce plus de mandat mais il continue à militer. Concernant la tentative de suicide de François, il pointe du doigt la responsabilité de la direction locale et fait un parallèle avec La Poste. « Quand un agent intente à sa vie, on essaie souvent de faire croire que c’est lié à des problèmes personnels, rappelle-t-il au BB. A la Poste, on connait bien le sujet, cette stratégie de communication est bien rodée. Or ce sont les conditions de travail et la pression subie par les salariés qui sont en cause. On ne peut pas s’habituer à ça ! »

Au mégaphone, les interventions s’enchaînent. Philippe Bouyssou dénonce l’accusation d’homophobie que la direction a officiellement formulée à certains de ses salariés. « C’est un argument pour porter atteinte à l’honneur des salariés qui se battent ! », clame l’édile. Son homologue vitriot, Jean-Claude Kennedy, rappelle que le « dépôt de Vitry est devenu un symbole de lutte. » Il appelle haut et fort à la démission du directeur du site, Pierre Harislur-Arthapignet, dont il dénonce « l’inhumanité » et qu’il qualifie de « patron voyou, indigne de diriger cette entreprise », rappelant au passage le comportement de ce dernier, lundi lors de l’invasion de son bureau par les agents venus lui demander des comptes.

C’est au tour de Mathilde Panot, habituée du piquet de grève depuis le 5 décembre. La députée insoumise remet la lutte dans le contexte de grève nationale. « Lorsqu’on a plus que la force, le mépris et la violence, c’est qu’on a perdu face au peuple », lâche-t-elle.

Après ces interventions largement applaudies, la foule se disperse calmement aux alentours de 7h30. Le maire d’Ivry avait vu juste. Il n’y aura ce matin-là pas d’intervention des forces de l’ordre. Seuls deux véhicules de police au loin s’assurent du bon déroulement de la situation. Les premiers bus quittent finalement le dépôt sans heurts vers 8h30.

Céline BEAURY

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