-« Salut Blaise, c’est la relève! »

Attablé au zinc du bar de la gare, mon collègue m’attend le nez plongé dans le journal. Après plus de six heures de TGV, la foule horrible de la gare de Lyon et le RER bondé, cela fait du bien de voir une tête connue. J’arrive de Zurich et j’ai eu largement le temps de lire les quelques 50 pages qui constituent jusqu’à aujourd’hui ce blog. Fichtre, c’est long et c’est bon. Les collègues ont bien travaillé, il faudra continuer sur la même lancée… Blaise tombe à pic. Je n’aurais vraiment pas aimé devoir partir à la recherche du studio du Racing club dans la nuit qui s’est abattue sur la ville. Mais je dois avouer que je suis « déçu en bien » comme on dit chez nous. Je m’attendais à une banlieue d’une laideur plus agressive. En fait, Bondy Sud n’est pas mal du tout, avec une foule de petits pavillons, presque pas de tags, des rues très tranquilles, et des tabacs tous les quelques centaines de mètres. Les barres de béton viendront plus tard.

L’avantage c’est que L’Hebdo dispose désormais beaucoup de connaissances à Bondy. Je mange avec notre ami Mohammed Djeroudi, Jamal le libraire diplômé en droit, dont Roland a fait le portrait cette semaine et Blaise. Deux jeunes noirs entrent et nous saluent, « bonjour », « bonjour » on se serre les mains. « Il ont l’air sympa », je dis à Mohammed. « Euh, ouais, mais ils ont fait des braquages ces deux là ». Glups! ne pas se fier aux apparences.

J’évoque ma première impression positive sur Bondy. « Attention, la France c’est quand même une des nations les plus riches du monde, c’est pas le Bangladesh », me répond Jamal, sans pouvoir cacher la fierté qu’il a dans la voix. C’est rigolo, on a passé une bonne partie de la conversation à parler des mille défauts de la France, de la corruption des élites, de la discrimination des minorités, mais malgré tout, on sent chez lui un grand attachement à sa région, à son pays. Je me demande si les jeunes qui ont brûlé des voitures le long du périphérique auraient la même réaction.

On m’avait dit « sois attentif au langage des cités, il faudrait y consacrer un papier ». Mais pour l’instant c’est plutôt moi qui donne des leçons d’helvétisme à mes hôtes: Je lance plein de candeur un « Est-ce que je peux payer? » (« J’aimerais payer l’adition » en Suisse) qui provoque l’hilarité du patron: « Bien sûr vous pouvez, c’est même recommandé… » En attendant, c’est Blaise qui me fait un cours accéléré des expressions locales: chelou, ouf, taf, femeu, rebeu, renoi… Blaise s’est adapté rapidement. Il commence même à parler des « Gaulois » pour parler des Français de souche!

Par Pierre Nebel

Pierre Nebel

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