Vous les avez peut-être croisés, vous êtes peut-être concernés : 75% des Français·e·s continuent à porter le masque dans les magasins (83% des plus de 55 ans sont dans ce cas de figure, contre 69% des 18-34 ans), selon les chiffres de nos confrères du Huffingtonpost. Pourtant, il n’est plus obligatoire dans les lieux clos, que ce soit au supermarché, sur son lieu de travail ou dans les salles de classe. Seuls les transports (bus, train ou avion) et les établissements de santé font encore exception.

Si le geste barrière n’est pas encore complètement banni, c’est que l’épidémie est toujours d’actualité : d’après les derniers chiffres de Santé Publique France, le nombre de cas positifs est en augmentation dans toutes les classes d’âge et toutes les régions, et ce, depuis le 17 mars. Pour autant, le nombre de décès et de nouvelles admissions en soins critiques sont toujours en baisse.

La peur du virus toujours présente

Catherine* a 58 ans et fait partie de celles et ceux qui ont décidé de garder leur masque : « Avant, le masque, je ne l’utilisais pas du tout. Je n’avais pas cette crainte de la maladie, mais dans les médias, il y a eu une diffusion de la peur, un côté anxiogène. Moi qui n’avais pas peur des virus, j’ai eu une prise de conscience d’un virus qui tue. À chaque fois que quelqu’un de mon entourage était malade, c’était dix jours d’angoisse », confie cette quinquagénaire qui n’a encore jamais été contaminée en deux ans d’épidémie.

Je ne veux pas attraper le covid, mais je ne veux pas attraper d’autres maladies non plus.

L’obligation du port du masque dans les lieux clos en vigueur depuis le 20 juillet 2020 a radicalement changé la vision des français·e·s face aux maladies et aux contaminations. Noémie, 25 ans, s’est exprimée sous un post sur les réseaux sociaux à ce sujet : « Moi je le garde pour l’instant, je ne me sens pas prête à le retirer (émoji masque) ».

Elle qui n’avait jamais porté de masque auparavant, compte bien conserver cette nouvelle habitude  : « Maintenant, je ne trouve plus cela aberrant de le porter quand on est malade, au-delà du Covid. Je ne veux pas attraper le virus, mais je ne veux pas attraper d’autres maladies non plus, et ça protège les autres », développe-t-elle.

Un bouclier contre les « démasqués »

Pour les personnes interrogées, le fait de travailler en contact direct avec du public est l’une des premières raisons de porter le masque : « J’ai une profession libérale. Donc si je ne vais pas travailler, je ne gagne pas d’argent. Je ne peux pas tomber malade », souligne Catherine*, psychologue à son compte. Un témoignage confirmé par cette même étude : « Plus de deux personnes sur trois (68%) continuent de le porter sur leur lieu de travail, dont 36% tout le temps et 17% uniquement en réunion ou en groupe. »

L’épidémie a laissé beaucoup de séquelles sur les gens : l’absence de projection, des gens qui s’isolent, des familles divisées à cause des questions de vaccinations.

Dans son cabinet à Besançon, Catherine* accueille toujours ses patient·e·s masqué·e·s, et leur demande aussi de le porter. Une initiative bien accueillie selon elle : « En tant que psychologue, je devais faire attention à ne pas balancer mon angoisse sur les patients. Le masque ce n’est pas encore quelque chose qu’on évoque dans nos échanges. Mais l’épidémie a laissé beaucoup de séquelles sur les gens : l’absence de projection, des gens qui s’isolent, des familles divisées à cause des questions de vaccination. »

Cadre dans une médiathèque de Seine-Saint-Denis, Lily, 26 ans, fait partie des deux dernières à garder son masque sur une équipe d’une vingtaine de personnes : « Pour moi ce n’est pas une question. J’avais déjà annoncé que je garderais mon masque. » Avec la réouverture de tous les commerces, elle ne comprend pas bien l’abandon du geste barrière :  « Tout était fermé, tu ne pouvais plus sortir, et là tout rouvre d’un coup sans masque. C’est comme un enfant puni pendant x temps, à qui tu laisserais tout faire d’un coup. On a besoin d’un temps d’adaptation. »

Quant à Noémie, qui vit chez ses parents en Nouvelle-Aquitaine, c’est la peur de les contaminer qu’elle garde en tête : « Si je travaillais dans un open space peut-être que je le retirerais, mais je suis libraire, je travaille au contact des gens. Mes clients ne sont plus obligés de porter le masque, et certains ne sont pas vaccinés. Je côtoie mes parents qui sont à risque, je ne veux pas leur ramener le virus ».

Qui croire encore ?

Le masque, mais aussi le travail à distance, le repli chez soi, ont beaucoup modifié notre rapport aux autres. C’est en tout cas ce que ressent Lily : « Avec le confinement, on s’est retrouvé avec soi-même. Je me suis rendue compte de mon anxiété sociale.» Pour elle, le petit rectangle de tissu bleu a presque été un bouclier : « En tant que femme dans l’espace public, on est beaucoup sollicitées et le masque ça permet de mettre une barrière. Le non-accès au visage des gens, c’est chouette. Par contre, le côté vicieux, c’est qu’on a du mal à aller vers les autres. », confie-t-elle.

En tant que femme dans l’espace public, on est beaucoup sollicitées et le masque, ça permet de mettre une barrière.

La gestion du coronavirus au niveau national influe forcément sur les trajectoires familiales et personnelles. Ce sont des aléas permanents au sein de la famille de Catherine*, mère de deux enfants. « Mon fils est en Terminale, et à chaque prise de position gouvernementale, c’est un débat. Il a sauté de joie quand il a pu enlever le masque. Et je ne peux pas lui imposer de le garder alors que les autres ne le font pas, déplore-t-elle. Pour moi, c’est une bombe à retardement, avant que le Covid n’arrive dans notre famille ».

Face au rebond épidémique de ces derniers jours, Lily, la jeune cadre en médiathèque de Seine-Saint-Denis, ne se fie plus forcément aux recommandations gouvernementales en matière de gestes barrières : « Je me suis beaucoup documentée. Je fais confiance à l’OMS, au Conseil des médecins, qui ont une expertise scientifique. Mais je ne fais pas confiance à des gens qui sont en campagne électorale, qui prennent des décisions pour être réélus et faire plaisir aux gens » conclue-t-elle.

Il faut dire qu’à 15 jours du premier tour de l’élection présidentielle, la question se pose : l’abandon du masque est-elle vraiment une décision de santé publique ou une opportunité électoraliste ?

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