À peine arrivée devant l’immeuble de la cité Jarry à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), qu’une puissante odeur d’humidité prend à la gorge. Michelle montre avec dépit l’état des immeubles. « Regardez, des morceaux de pierre des balcons sont tombés il y a deux ans et ça rouille. Ils ont enlevé les morceaux et ont laissé comme ça », détaille Michelle. Dans son appartement, l’humidité et la moisissure se répandent dans sa salle de bain, ses toilettes et dans l’une des chambres qu’elle ne peut plus utiliser.

Cette situation est encore plus dangereuse pour elle, car elle souffre de problèmes respiratoires. « Je dois avoir une hygiène de vie parfaite et ces conditions ne le permettent pas. J’ai des courriers de mon médecin traitant dans lesquels il explique que je dois déménager », raconte cette Albertivillarienne de naissance. Les sous-sols des immeubles sont inondés ce qui peut expliquer l’odeur d’humidité.

Désormais, je suis à 700 euros par mois, ce n’est pas possible pour moi de payer encore plus en 2024 !

Entre les parkings sauvages, le non-respect et le peu d’entretien des surfaces communes, des espaces verts, la prolifération des rats. On ne compte plus les problématiques que subissent les locataires. Et la future hausse des loyers de 3,5 % prévue en 2024 par l’OPH d’Aubervilliers (Office public de l’Habitat, le principal bailleur social de la ville constitué de plus de 8000 logements) est très mal accueillie. « Je payais un loyer de 525 euros il y a un an, désormais, je suis à 700 euros par mois, ce n’est pas possible pour moi de payer encore plus en 2024 ! », lance Michelle.

« Il y a des rats dans les étages, une véritable colonie ! »

Quelques rues plus loin, Clara partage un appartement insalubre avec sa fille, son compagnon et son petit-fils en bas âge. Elle se démène depuis une dizaine d’années pour contraindre l’OPH à entreprendre des travaux ou lui trouver un nouveau logement. Une situation difficilement vivable, qui semble insoluble. Dans son appartement, la moisissure s’est répandue partout, les installations électriques dangereuses sont entourées de scotch pour éviter les coups de jus. L’air est presque irrespirable. Elle explique en être à son troisième avocat et s’être rendue déjà deux fois au tribunal, sans succès.

Dans sa salle de bain, elle montre l’état déplorable des murs. « Il y a quelques années, le lavabo s’est décroché soudainement, car le mur est complètement pourri », relate-t-elle. Malgré les nombreuses lettres et demandes, rien ne bouge. « La plupart du temps, l’OPH ne répond pas, quand ils fixent un rendez-vous, ils ne se présentent pas », explique Clara. Une fois, un jeune homme de l’OPH est venue à son domicile. « Il me riait au nez, déplore-t-elle. Il n’en avait rien à faire de mes problèmes. » Désespérée par la position de l’OPH qui estime que c’est à elle de prendre en charge les travaux, elle espère obtenir un nouveau logement grâce à la procédure DALO. Mais là encore, les mois passent et malgré son statut prioritaire, la situation s’enkyste.

Ça fait presque trois ans qu’on attend des travaux pour l’humidité dans notre salle de bain et ça n’avance pas

Les récits similaires à Michelle et Clara se multiplient dans la cité. Dans le même immeuble que Michelle, Sarah* vit avec ses parents, elle montre l’humidité et la moisissure qui ronge certaines pièces de l’appartement familial. « Ça fait presque trois ans qu’on attend des travaux pour l’humidité dans notre salle de bain et ça n’avance pas. Aujourd’hui, on veut se mobiliser au niveau communal parce que c’est tout Aubervilliers qui est touché par ces problématiques », affirme la jeune femme.

À quelques mètres de là, cité Cochennec, Julien* déplore l’absence d’entretien des parties communes et la prolifération des rats.  « C’est vétuste, j’ai alerté la mairie il y a cinq mois concernant les rats, car il y en a dans les étages, au niveau des parties communes il y a une véritable colonie ! Il y a eu une campagne de dératisation cet été du 23 mai au 23 juin, mais sans succès. Le bailleur doit prendre ses responsabilités », explique le trentenaire. Difficile de ne pas apercevoir les rats qui se baladent dans toute la cité en pleine journée et à proximité des aires de jeux pour les enfants. Ils sont devenus le quotidien des Albertivillariens.

Pannes d’ascenseurs, problèmes de déchets et de chauffage

Les pannes d’ascenseurs sont récurrentes dans certains immeubles. La qualité du matériel est remise en question par les locataires. L’OPH affirme être victime de cette situation comme les habitants. « L’OPH a dû faire face à des actes de vandalisme. Des personnes urinent dans les ascenseurs ce qui peut les mettre en panne. On subit aussi des vols de cartes sims qui permettent de signaler quand un ascenseur est bloqué et lorsqu’il n’y a pas de carte sim, on met les ascenseurs en arrêt pour assurer la sécurité », répond un responsable de la communication du cabinet de la maire, Karine Franclet. L’édile est par ailleurs la directrice de l’OPH d’Aubervilliers. Le bailleur social travaille avec la mairie sur une campagne de sensibilisation au niveau des ascenseurs.

On se réunit régulièrement avec les locataires depuis le mois de mai pour évoquer nos problématiques

Alice*, locataire rue Alfred Jarry évoque surtout des problèmes au niveau des déchets, de l’insécurité et d’une absence de chauffage. Cette mère de famille habite depuis 23 ans à Aubervilliers. « Le quartier se dégrade vraiment depuis cinq ans, des déchets sont balancés par la fenêtre et nous n’avons toujours pas de chauffage. On se réunit régulièrement avec les locataires depuis le mois de mai pour évoquer nos problématiques et essayer de mettre en place des actions », indique cette dernière.

Preuve de la mobilisation de ces derniers, ils se sont donnés rendez-vous 31 octobre devant le siège de l’OPH d’Aubervilliers avec l’association alliance citoyenne. Une date symbolique puisque le conseil d’administration a voté dans la foulée en faveur d’une hausse des loyers de 3,5 % à compter du 1ᵉʳ janvier 2024.

Ils étaient une centaine à dénoncer ce vote devant le siège de l’instance. L’objectif est également de montrer leurs conditions de vie de plus en plus précaires à travers une exposition photo renommée « les horreurs de l’OPH en ce jour d’Halloween ». Les locataires envisagent désormais une grève des loyers qui consisterait à transmettre les loyers à la caisse des dépôts et de consignation et non plus à l’OPH. La lutte ne fait que commencer.

Aïssata Soumaré 

Articles liés