Quand j’avais 13 ans j’ai découvert la seule chose qui m’a plus marqué que la Super Nintendo et les dessins animés japonais sur la 5 : le Coran. A cet âge là, autant vous dire que certains passages me semblaient obscurs, surtout que la traduction française rend le tout un peu indigeste, mais j’avais retenu l’essentiel. Charité et prière, tels étaient pour moi les grand principes à retenir de ma religion.

Je ne vous cacherais pas que j’étais un petit exalté. Mon feu sacré s’exprimait par une manie de parler aussi souvent que faire se peut de ma foi. Mes parents ont un peu paniqué. Faut dire que mon éveil spirituel jouait de malchance puisqu’il s’est fait dans l’une des périodes les plus noires qu’a connues l’Algérie : les tueries des années 1990, imputées au terrorisme islamiste. Je dus donc prouver à mes géniteurs que l’Islam n’était pour moi que cette petite flamme au cœur qui tient chaud avant de dormir quand les questions métaphysiques se bousculent dans votre tête. Évolution classique par la suite : prière à 17 ans, consommation de viande halal et mosquée tout les vendredis. Enfin, mosquée, c’est un bien grand mot : le hall d’une cité de Bondy Nord, la belle mosquée de la ville n’ayant que deux ans. La religion m’avait bien rendu service à ce moment-là, elle fournissait à mon entourage une explication recevable à ma propension au célibat; bien que la raison fût en réalité toute autre : j’étais juste très laid.

Ma pratique religieuse s’est peu à peu émoussée par la suite. Pour commencer j’ai arrêté d’aller à la mosquée. Le 11 septembre, le tapage médiatique sur le voile, je voyais bien que je faisais peur à mes compatriotes n’appartenant pas à la Umma. L’islam à la maison me semblait être une bonne stratégie pour couper l’herbe sous le pied à toutes ces suspicions contre « ma communauté ». Et puis il faut bien le dire, ce qui a participé à ma baisse de foi c’est que j’ai toujours eu envie de m’envoyer un petit demi. Ma première cuite se fit dans des conditions assez cocasses : quatre musulmans pratiquants dans une maison de campagne devant le bar des parents d’un pote converti. La moitié d’entre-nous n’avait jamais consommé d’alcool (dont moi) ,deux heures plus tard on avait tout bu, du Schnaps au mon chéri ; une vraie torchée. Ce week-end inaugura une période noire pour ma spiritualité. J’enchainais les Mc do, les cuites, les conquêtes féminines (surtout qu’entre-temps je suis devenu très beau), quelques rares petits joints aussi. Bref une pratique de l’islam proche du néant si on excepte le Ramadan. Résultat 10 kilos de pris en 6 mois, dus à une passion pour les big-macs, une instabilité sentimentale chronique et une légère envie de redevenir pratiquant tant j’ai toujours l’impression que de l’autre coté de la barrière, c’est mieux.

A Bondy, Il y a ceux qui pratiquent l’islam comme on l’a toujours pratiqué au bled dans le respect du coran et d’autrui. D’autres sont un peu excessifs, refermé dans leur spiritualité : c’est ceux qui font un peu peur quand on n’est pas habitué. Certains dérivent, la plupart s’adoucissent avec le temps. Et puis il y a les gens comme moi qui font n’importe quoi ; un peu honteux de véhiculer ce terrible cliché : « En religion avec un kabyle, c’est tout ou rien. »

Idir Hocini

Idir Hocini

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