LA MARCHE. Selon un récent sondage OpinionWay, 81% des Français ne connaissent pas la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. À l’occasion de la célébration des 30 ans de cette marche, la « Caravane de la Mémoire » sillonnera plusieurs villes de France du 12 octobre au 20 décembre 2013 afin de commémorer et réinterroger l’héritage de cette lutte.

Vendredi 11 octobre 2013. 10h30. À l’angle de la rue de Belleville et de la rue de Romainville (Paris 19e), l’Abbé Pierre, les mains jointes et le sourire pensif, jette un regard vers les passants. Nous voici au siège de la Fondation Abbé Pierre, cette structure qui lutte pour le logement des défavorisés et contre les phénomènes d’exclusion depuis 1988. « Nous faisons le pari de la mobilisation citoyenne et des plus jeunes, explique le Délégué Général de la Fondation, Christophe Robert, lors de la conférence de presse organisée par l’association ACLEFEU dans ses locaux. Nous faisons le pari de la mémoire qui est fondamentale pour offrir des perspectives : qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Qu’est-ce qui reste à faire ? Il y a encore des gens qui vivent comme en 1954 dans des bidonvilles à Marseille, Lille ou Paris ».

Dans la salle de réunion de la Fondation, plusieurs médias de proximité sont présents. Les médias d’ampleur nationale – à l’exception de l’AFP, France Bleu et l’Humanité – font figure d’absents. « Nous n’avons pas eu de retours hormis des médias avec qui nous avons des affinités, confirme le chargé de communication d’ACLEFEU, Mehdi Bigaderne. Je pense que notre événement arrive trop tôt dans le calendrier mais qu’ils en parleront. Ce qui est dommage, c’est que lorsqu’il y a des opérations coup de poing il y a toute suite une ferveur mais lorsqu’il s’agit d’initiatives citoyennes, on ne nous démontre pas un grand intérêt ».

2013-10-11 10.37.012013-10-11 10.37.01La Caravane de la Mémoire, qui sillonnera la France de Vénissieux (69) à Strasbourg (67) du 12 octobre au 20 décembre 2013 permettra, à travers une exposition photo itinérante, un espace librairie, un espace d’échanges avec les habitants et la projection de films comme le documentaire Douce France de Mogniss H. Abdallah et la fiction La Marche de Nabil Ben Yadir d’aller à la rencontre des citoyens. « Nous avons répondu aux sollicitations de certaines villes où ne s’était pas arrêtée la Marche, souligne Fatima Hani, porte-parole d’ACLEFEU. Des villes plus rurales qui ont pris les devants pour que la Caravane fasse étape chez eux. En fonction de nos capacités et de nos disponibilités, nous irons partout où l’on nous le demandera ».

Mohamed Mechmache, fondateur et président d’ACLEFEU, raccroche la Marche de 1983 à la situation politique française contemporaine : « Je suis inquiet de la montée du racisme actuelle. Il est nécessaire que, 30 ans plus tard, nous puissions évoquer cette marche et les luttes qu’il y a eu après en espérant que ça ne sera pas un deuxième rendez-vous manqué : en 1983, nous espérions beaucoup, nous ne l’avons pas eu ».

Parmi les invités, l’écrivain et réalisateur Mogniss Abdallah, fondateur de l’agence IM’Media créée au printemps 1983 regrette que « les phénomènes de récupération aient dilué dans tous les sens le message et le sens de la marche ». Tout comme le  photographe et comédien Amadou Gaye qui a couvert la Marche de Strasbourg de 1983 pour le Journal sans Frontières et l’agence de presse VIVA. Il déplore le traitement médiatique réservée aux personnes « issues de l’immigration » : « Je me suis dit, laisse la presse photographier les cafards et toi, photographie cette beauté-là, leur dignité ».

L’écrivain audonien Rachid Santaki, également présent, a fait par deux fois le tour de France pour présenter ses romans (Les Anges s’habillent en caillera, Des Chiffres et Des Litres, Flic ou Caillera…) et aller à la rencontre des lecteurs. De cette riche expérience, il retire le fait que les deux axes prioritaires de notre société sont la jeunesse et l’emploi et encourage la Caravane : « j’espère que les jeunes parleront ».

Nabil Koskossi de l’association sarcelloise Droit-de-Cité souligne lui aussi l’importance d’une pareille mobilisation qui touchera aussi bien les collèges, lycées, universités et lieux associatifs : « Nous n’organiserons pas de colloque à La Sorbonne mais nous mettrons la même force et les mêmes intervenants dans les grandes ou les petites salles de rencontre ».

La mise en lumière d’un pan oublié de l’Histoire de France touche particulièrement l’acteur Tewfik Jellab qui interprète le rôle de Toumi Djaïdja, initiateur de la Marche de 1983, dans le film La Marche de Nabil Ben Yadir :  « Ce qui m’a choqué, c’est que les jeunes ne connaissent pas la Marche. Par contre Malcolm X, Gandhi ou Martin Luther King ça oui. J’espère que les décideurs de l’Education nationale prendront cette main qui leur est tendue et leurs responsabilités».

Démarrant demain sa première étape à Vénissieux (69), la Caravane de la Mémoire vise à fédérer nationalement toutes les initiatives en faveur de la lutte contre le racisme et  servir de rempart à la montée du Front national que les Marcheurs contestaient déjà, pacifiquement, il y a trente ans de cela.

Claire Diao

La Caravane de la Mémoire passera : à Vénissieux (12 octobre), Marseille (17-18 octobre), Toulouse (25 octobre, Angers (9-10 novembre), Clichy-sous-bois (12 novembre), Nîmes (15-16 novembre), Roubaix (21 novembre), Montpellier (23 novembre), Cergy (24 novembre), Nanterre (25-27 novembre), Nantes (30 novembre), Nanterre (2-5 décembre), Paris (6-7 décembre), Bègles (12 décembre) et Strasbourg (20 décembre).

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