Les livres d’histoire sont amnésiques. Comme les pouvoirs publics et la population. Il y a tout juste 30 ans, une poignée de jeunes réalise un acte fondateur pour les immigrés et leurs enfants. Victimes de violences policières et lassés d’être méprisés par une société dans laquelle ils ont le sentiment de ne pas exister, ils décident de marcher à travers la France pour réclamer l’égalité. « La marche pour l’égalité et contre le racisme », passée à la postérité sous le nom de « marche des Beurs », est lancée .

Après avoir sillonné le pays, réussi à attirer l’attention médiatique, les marcheurs sont accueillis le 3 décembre 1983 par 100 000 personnes à Paris. Le président Mitterrand reçoit la délégation dans l’euphorie du moment. Une seule revendication est exaucée, la création d’une carte de séjour de 10 ans pour les étrangers. L’autre, le droit de vote des étrangers aux élections locales, pourtant une promesse de campagne du candidat socialiste en 1981, passe à la trappe. Puis plus rien. Aujourd’hui un sondage Opinionway souligne que 81% des Français interrogés ne savent pas ce qu’est la marche.

Mémoire oubliée ? Pis, la mémoire de la marche est dévoyée. Jusque dans son appellation. Elle est devenue par construction médiatique « La marche des Beurs« , la renvoyant à une revendication identitaire et communautariste, là où elle porte un message à vocation universaliste et républicain.

A qui la faute ? Aux pouvoirs politiques qui n’ont pas tenu leurs promesses ? Aux habitants qui n’ont pas su faire vivre cette histoire et transmettre cet héritage ? Surtout, que reste-t-il de la marche dans une France où les habitants des quartiers populaires subissent le mal-logement, le chômage et la crise ?

Des associations travaillent sans relâche pour raconter cette histoire, pour faire que les habitants se réapproprient cette mémoire et pour porter les revendications des quartiers populaires.

Le Bondy Blog a choisi de prendre sa part à ce travail de transmission en consacrant pendant trois mois, du 15 octobre au 3 décembre une série d’articles à la marche. Nous donnerons la parole à des historiens, des écrivains, des documentaristes, des témoins, des organisateurs et à des acteurs de la marche. Un focus particulier sera consacré au film La Marche de Nabil Ben Yadir. Nous nous efforcerons ainsi de retracer et de faire revivre cette histoire polymorphe. Avec en toile de fond, cette interrogation, qu’est-ce qui a changé dans nos quartiers ?

Depuis 8 ans, le Bondy Blog donne la parole aux jeunes et aux moins jeunes qui vivent dans les cités. Nous tentons aussi, modestement, de connecter les habitants de banlieue aux hommes et femmes politiques qui viennent nous rendre visite au Bondy Blog Café. Après tout, nous aussi nous sommes nés d’une colère et du sentiment de ne pas être écoutés. Nous sommes des enfants de la marche, assumons-le.

Faïza Zerouala

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