Depuis quelques mois, le Mariage pour tous fait grand bruit. Personne ne reste insensible à ce sujet. Tout le monde a un avis sur la question. Qu’ils soient pour ou contre, les français ont participé à de nombreuses manifestations sur Paris pour défendre leurs opinions. Et, la dernière en date est celle du dimanche 13 janvier 2013 à Paris, qui aurait rassemblé environ 350 000 personnes selon la préfecture et environ 1 000 000 selon les organisateurs, contre ce projet de loi.

Aulnay-sous-Bois avait décidé d’organiser un débat citoyen, le 17 janvier. Une soixantaine d’habitants, majoritairement des plus de 40 ans, sont venus y assister. Cette discussion a été organisée à la demande d’André Cuzon (Pré­sident de l’association Aul­nay Envi­ron­ne ment et militant) et de Daniel Goldberg (député de la 10ème circonscription de Seine-Saint- Denis), en présence d’intervenants comme Anne Soupa,  écrivaine, bibliste et fondatrice du Comité de la Jupe et Vincent Loiseau, délégué de la coordination à l’association « Homosexualité et Socialisme ».

« Je refuse catégoriquement que ce sujet soit, pour le monde catholique, un débat religieux » déclare Anne Soupa. Au moment de sa présentation, André Cuzon a rappelé son surnom « la catholique rebelle ». Anne Soupa n’y va pas par quatre chemins, en expliquant la manière dont l’église s’est emparée de cette question alors que c’est un sujet de société. «On peut être catholique et avoir une position pour ou contre », selon elle. Pour sa part, ce sujet est un thème qui touche l’ensemble des concitoyens qu’ils soient homosexuels ou non.  Mais, en tant que catholique elle-même, elle s’oppose au projet de loi et ajoute « qu’il est important de rentrer en nous-mêmes et nous demander profondément comment nous nous situons, si cela nous chahute ou pas et comment nous évoluons sur cette question

Au tour de Vincent Loiseau de donner son avis. Il est favorable au projet de loi. Si ce projet de loi existe aujourd’hui, c’est qu’a eu lieu toute une réflexion et c’est aussi grâce à des avancées précédentes comme le Pacs. Au niveau Européen, il rappelle qu’en Espagne, plus d’un million d’espagnols avaient manifesté à l’époque dans les rues de Madrid pour dire non au mariage. Mais la loi est passée : « et depuis 2005, la société espagnole ne s’est pas écroulée, fort heureusement et elle a montré la voie du progrès. Un an après que la loi ait été votée par le gouvernement de Zapatero, il y a eu l’ouverture à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes. »

En ce qui le concerne, Edouard (militant socialiste) a un avis bien tranché sur la question : « le mariage reste quelque chose de fondamental pour une famille. Quand en 1999, il y a eu le Pacs, il a permis d’aller vers une reconnaissance des couples homosexuels. Mais, s’ils veulent les mêmes droits qu’apporte le mariage, il faut qu’on élargisse le Pacs en allant plus loin. »

Sur le sujet de la Pma, il ajoute: « il serait dangereux pour les enfants de ne pas connaître leur filiation. Les homos ont fait un choix de vie, ils peuvent faire des enfants. Ils savent très bien que pour faire un enfant, il faut aller avec une femme. Mais, ils veulent que la société les accompagne dans ce choix de vie. Je dis non ! Ils prennent la Pma et le droit au mariage comme une évolution alors que je considère cela comme une dégénérescence car le socle de la famille s’effondre», dit-il encore.

Dans le débat, Vincent Loiseau met l’accent sur les valeurs que porte ce projet de loi : « égalité de liberté et émancipation de l’individu ». Et fait un retour de quelques années pour rappeler les débuts de la reconnaissance de l’homosexualité dans la société française. « C’est seulement en 1982 que l’homosexualité a été dépénalisée. Puis le Pacs, en 1999 aura permis de faire un pas vers la reconnaissance des couples homosexuels. »

Aujourd’hui, ce projet de loi, d’après lui, permettra d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels afin qu’ils puissent adopter des enfants en créant leur famille. Grâce à ce projet «  c’est la famille qui est reconnue par la société civile de notre pays. » Cette loi consistera à protéger les familles d’homosexuels et de rejeter toutes formes de discrimination à leur encontre. En ce qui concerne les craintes qu’ont les gens sur cette loi, Vincent Loiseau souligne que « les gays, les lesbiennes assument d’avoir des désirs parentaux. »

Pour un couple hétérosexuel, il est normal de souhaiter fonder leur famille et c’est donc la même chose pour les couples homosexuels. « Je ne fais par partie des gens qui disent que ‘Maman et Papa’, c’est le modèle, poursuit Vincent Loiseau. Je crois que notre société est assez ouverte depuis 1980 : des femmes seules élèvent des enfants, des hommes seuls adoptent des enfants. Il y a des familles décomposées. Il y a aussi des gens qui estiment que leur père géniteur n’est pas leur vrai père mais celui qui l’a élevé et éduqué, c’est lui qui prend la place du père. » 

Vincent Loiseau indique au sujet de la filiation qu’il n’est pas question de nier les origines de l’enfant et de sa conception. Il explique : « les lesbiennes qui envisagent la Pma aujourd’hui en France, vont en Espagne ou en Belgique. Elles n’envisagent pas dans le projet de parentalité, la place d’un homme, d’un père et elles ne mentiront pas à leur enfant. Je n’ai jamais entendu aujourd’hui des couples de femmes dire à un enfant qu’elles sont les deux mères. Il n’y a jamais de mensonge là-dessus ».

Jacques, retraité et habitant d’Aulnay-sous-Bois n’est pas convaincu et même extrêmement déçu. « Je trouve que les quatre débateurs de ce soir avaient trois points de vues similaires, le débat n’était pas équilibré. On dit qu‘il y a eu plus d’un million de personnes à la manifestation de dimanche dernier, j’y étais. Et là, nous avons un débat avec 3 personnes y compris une catholique pensant la même chose. Il y a eu aucune différence. » Il ajoute qu’« un enfant a besoin d’un père et d’une mère, même si il y a des exceptions dans des familles homosexuelles. Ces enfants auront quand même besoin, d’un point de vue de  filiation, d’avoir des repères. »

Il ajoute avec conviction « les enfants  sont nés d’un papa et d’une maman obligatoirement.  Je pense qu’ils vivront très mal, s’ils n’arrivent pas à connaître leur filiation. » Au sujet du mariage, il aurait préféré, lui aussi, qu’un autre terme soit choisi au lieu du mot du mariage. Il estime que le gouvernement aurait plutôt dû améliorer le Pacs.

Une autre Aulnaysienne donne son opinion. Dans le cadre professionnel, elle a rencontré une femme qui vivait avec une autre femme. Elles ont eu une fille. Cette habitante a côtoyé cette femme lesbienne durant 10 ans dans le groupe scolaire où elle travaillait en tant qu’enseignante. L’enfant de ce couple homosexuel a aujourd’hui une vingtaine d’années et suit des études supérieures.

« Elle a toujours vécu avec bonheur la relation que pouvaient entretenir ses deux parents » dit-elle. Cette habitante ajoute que « son ancienne collègue, qui était la vraie mère de l’enfant, se demandait ce qu’allait devenir sa fille, mineure à cette époque, si elle mourait.» Et ce soir, cette habitante témoigne pour son ancienne collègue devant l’assemblée. Elle estime qu’il faut protéger les enfants de parents homosexuels, en cas de décès de l’un des parents, en donnant des droits aux couples homosexuels. C’est pourquoi, elle dit oui au projet de loi du mariage pour tous.

Ce débat s’inscrivait dans les termes d’un débat citoyen en vu du projet de loi sur le Mariage pour tous qui sera discuté du 29 janvier 2012 au 12 février 2013 à l’Assemblée nationale. Et mars, ce sera au tour de la PMA, pour les couples de femmes homosexuelles, mariées ou non d’être présentée au conseil des ministres.

Hana Feroudj

Crédit Photo : Christophe Piercy

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