Bernard, reste, mec. Tes comptes sont aussi pleins que les nôtres sont secs. Il y a de l’aridité sur nos livrets A. Bernard, on a entendu dire que tu voulais fuir. Comme un taulard voudrait s’évader. Reste, Bernard. Tes zéros à perdre la boule servent la France, tu devrais être fier. Tes zéros aident les vieux grabataires, les sans emplois à la gorge sèche, les pauvres familles, du nord au sud, qui perçoivent chaque mois quelques centaines d’euros, à peine quelques centimes pour toi. Attendre la fin du mois, qu’enfin arrive la paye minable.

Bernard, déjà t’es parti la dernière fois, jusqu’au grand continent. On te comprend, c’est pas la question. Là-bas, les filles sont belles, et les burgers sont géants. Tu voulais flâner dans la belle Amérique. Tu voulais flinguer tes dollars, c’était en 1981, il n’était même pas question qu’on arrive sur Terre un jour. Ce n’est pas sérieux, Bernard. Toi, grand riche au grand sourire, grand saint à qui les banques doivent lécher les pompes, grand businessman. Toi Bernard, ô Bernard, qui fait rêver. Entends les enfants qui, à la rentrée, écrivent sur une feuille à carreaux : Plus tard, je veux être Bernard Arnault. Pour les plus vieux, tes euros et ton luxe font l’effet du viagra.

Bernard, reste, mec. Ton argent a fait des bébés en France. Jusqu’à en avoir tellement que tes poches débordent. Ca se compte en milliards, même nos mères ont du mal à imaginer. Elles qui triment, qui dès l’aube trainent dans le métro. Elles qui font briller tes vitrines à l’heure où Paris ronfle encore. Elles qui gagnent à peine mille euros. Bernard, on a du mal à s’imaginer des milliards, tu as du mal à t’imaginer nos centimes.

Bernard, nous, notre rêve, c’est d’être taxé à 75%. Tu devrais être content de payer des impôts. Tu devrais être content qu’on veuille te sucer ta thune. Payer des impôts, nous ont appris nos mamans, c’est gagner de l’argent. Fais pas le radin, Bernard. Reste. Pense à tous ses sigles qui, pour toi, ne veulent rien dire : CMU, APL, RSA, PPE. Tout ça, c’est pas du chinois. Regarde les clochards sur les pavés. Regarde les ouvriers virés. Regarde Aulnay, regarde la France, Bernard.

Toi, dans ton luxe qui claque, réfléchis. Et parle à tous tes amis blindés. Réfléchissez. Toi qui avait fuit la France pour l’Amérique. Tu as entendu que là-bas, les milliardaires ont demandé à Obama d’être taxé davantage? Il faut avoir du cœur, ou juste un semblant de raison, pour demander ça. Et toi, tu veux partir, juste te barrer, comme si de rien n’était. Bernard, reste, mec. En plus, la Belgique, ce n’est pas si bien…

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah.

Articles liés

  • Jeux Olympiques, Grand Paris : sur les chantiers, « les profits avant les vies »

    Précarité du travail, négligence de la formation, recours massif à une main d’œuvre sous-traitante ou intérimaire… Sur les chantiers du Grand Paris et des Jeux Olympiques, l’organisation du travail met en danger les ouvriers. À l’approche des JO, les cadences s’accélèrent et avec elles les risques encourus par les travailleurs. Matthieu Lépine, auteur de L’hécatombe invisible, revient pour le Bondy Blog sur les conditions de travail sur ces chantiers.

    Par Névil Gagnepain
    Le 25/05/2023
  • Langue(s) et origine(s) : « Le Lingala et moi »

    Pourquoi en France un certain nombre de parents n'ont pas ou peu transmis leur langue maternelle à leurs enfants ? Pour tenter de répondre à cette question, nos blogueuses et nos blogueurs explorent leur histoire familiale. Hadrien nous parle, ici, de son rapport au Lingala.

    Par Hadrien Akanati-Urbanet
    Le 24/05/2023
  • À Saint-Denis, le lycée Paul Éluard prend l’eau

    Fuites d’eau, plafond qui s’écroule… Au lycée Paul Éluard à Saint-Denis, les enseignants se mobilisent pour alerter sur le délabrement de leur établissement. Lundi 22 mai, une réunion s’est tenue entre la direction de l’établissement et des membres du conseil régional. Reportage.

    Par Aissata Soumare
    Le 23/05/2023