LE CAP DU CAPA. Premier épisode. Leur cerveau est en ébullition. Comme Latifa, ils vont manger du commentaire d’arrêt et du cas pratique et boire de la jurisprudence jusqu’à plus soif. En vue : le concours d’avocat.

Nous sommes en juillet, assise à mon bureau en face de mes livres de droit, je lance officiellement le début de mes révisions pour mon concours d’avocat. La vérité, c’est que je les ai commencé bien avant, mais bon, au moins si je rate, je pourrais me dire : « nan mais je m’y suis mise assez tard ». Déjà quand les compromis avec la conscience commencent, c’est mauvais signe.

Mais la vérité, au lieu d’être assise là, la seule chose que j’ai envie de faire, c’est de me poster au dessus de l’autoroute du soleil et de balancer des parpaings sur les voitures de ceux qui sont en route pour leurs vacances. Ou de sévir sur tous les tarmacs de Paris en crevant les pneus de tous les avions qui emmènent les gens en vacances. Ou de kidnapper des petits enfants dans les toilettes des aires de repos. Comme ça si je me fais gauler, hop un casier judiciaire et adieu le concours. Parce qu’on ne peut pas être délinquant ET avocat. Si, si, je vous assure.

Si vous pensez que mes réactions sont excessives, laissez-moi juste vous donner une idée de ce que réviser pour passer le barreau représente. Comme un bac puissance mille en fait. Après vous comparerez avec vos mots fléchés ou vos sudoku et vous comprendrez.

Déjà, pour les matières pour l’admission, il y a quatre écrits. Une note de synthèse, pour ça c’est facile, plus t’en fais moins tu risques de morfler. Après les trois autres, bah t’avales, des pages et des pages et des pages, de cours, de manuels, de jurisprudence avec de temps en temps, des mots qui dans la vraie vie, ne veulent rien dire. Du « nonobstant », de « l’imprévision », du « porte-fort ». Et dans ces moments-là, la mémoire c’est comme un disque dur qui semble pouvoir s’étendre à l’infini. Sauf que t’as intérêt à ce que ta mémoire, ce soit le disque dur d’une bonne dizaine d’ordinateurs. Et mieux vaut être Mac plutôt que PC. Mais là, si avec ton verre à la main et ton magazine Public sur les genoux tu oses me dire « ouais c’est bien ce qu’on m’avait dit, le droit, c’est du par cœur en fait », je te jure que c’est toi qui va te manger le parpaing et pas ta caisse.

Apprendre ce n’est que le début, après faut maîtriser, faut appliquer, et fixer le montant des honoraires aussi, mais bon ça, on en parlera pus tard. Parce que ce n’est pas tout ça mais quand on te dit que M. FUTURAVOCAT ou Mme. STRESSEE (oui les professeurs de droit ont souvent beaucoup d’humour quand ils rédigent les énoncés) est rentré dans une voiture de flics mal garée avec le scooter qu’il vient de voler à un mec qui l’avait lui-même emprunté à un autre et que le scooter n’était même pas assuré, d’abord, tu dis que ça n’arrivera jamais dans la vraie vie et donc tu t’en fous. Et ensuite tu réalises que tu connais ton cours mais que tu te demandes comment t’en servir. Quand tu te sens en détresse t’essaies même de te demander si ça n’est pas arrivé à la belle-sœur du cousin d’un pote et comment elle s’en est sortie. Puis tu te rends compte que t’es seule, seule devant ton destin avec sur le dos (et surtout dans la tête) cinq années de droit et que durant un court instant, t’as l’impression que tout fout le camp, y a que les images de soirées qui te reviennent, jamais celles de tes pages de cours.

Après tout ça, vous vous dites mais pourquoi elle veut devenir avocate ? Moi je connais la réponse et je me la répète sans cesse quand je me demande : «  Mais bordel, pourquoi je ne suis pas sur une plage ? »

Puis je me ressaisis et je panique : merde, J-65.

Latifa Oulkhouir

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