Après avoir rencontré au mois de juillet, Farah Pandith, envoyée spéciale du Département d’Etat américain chargée des minorités en Europe, nous sommes ravis de poursuivre nos causeries diplomatiques, avec des représentants des Nations Unis cette fois. Le rendez-vous a eu lieu boulevard St Michel à Paris. Nous avions choisi cet endroit pour faire faire des économies de parcours à la délégation. Mauvaise inspiration, celle-ci est arrivée en provenance de Bobigny, à quelques encablures de Bondy ! Gay McDougall est américaine. Elle a beaucoup travaillé avec des ONG, et a pratiqué aux Etats-Unis la méthode du testing.

Après son séjour en France, elle publiera un rapport contenant les recommandations qui pourraient être faites au gouvernement pour une amélioration de la situation : « je remets chaque année un rapport de mes activités au Conseil des droits de l’homme, incluant les visites officielles et faisant des recommandations pour l’intégration des diversités ».  Nous lui avons exposé quelques unes de nos réflexions sur ce sujet basées sur les différents articles que nous publions et les débats que cela engendre sur le blog. Voici un petit résumé :

En France, dès que vous levez le doigt pour parler des discriminations, du racisme ou des banlieues, c’est le feu d’artifice. Vous êtes sommés de prendre position : pour ou contre ! Cette injonction à répondre d’une manière binaire à une question complexe pollue les esprits et nourrie les extrémismes. Les gouvernements successifs ont consciemment pratiqué la politique de l’autruche sur ces questions considérées comme périphériques et qui leur explose en pleine figure à intervalles réguliers. On continue de penser que le triptyque républicain « liberté, égalité, fraternité » sur les frontons de nos mairies suffit largement à souder les termes du contrat social. On oublie que toute une partie de la population ne croit plus à ce rêve car il y a un gouffre entre les promesses républicaines et la réalité quotidienne.

On ne veut pas reconnaître une réalité qui est une entorse à la devise républicaine : le système discrimine à grande échelle. Ce n’est ni les signatures des chartes de la diversité, ni les initiatives des grandes écoles qui mettront fin à l’hémorragie. Quelques centaines de personnes issues des minorités visibles bousculent l’ordre des choses, participent tant bien que mal au renouvellement des élites, sont présentes dans toutes les sphères de la société malgré les résistances et les blocages de toutes sortes. Elles sont présentées comme des succès story, des icônes qui cachent ceux qui restent au bord du chemin. On se rassure avec ces hussards des temps modernes. Sans doute, pour passer sous silence l’idée que les discriminations prennent leur source dans le refus de reconnaître aux enfants des différentes migrations la légitimité de la citoyenneté française.

Les entreprises du CAC 40 communiquent à tout va sur ces questions, des colloques sont organisés dans des lieux préstigieux, des chargés de mission « diversité » sont nommés dans les grandes entreprises publiques et privés, des cabinets de conseil et des agences spécialisées se battent pour répondre aux appels d’offre. Cette question génère une économie, un buizness à part entière, avec des retombées positives en terme d’images et d’éthique. Et les populations concernées, que pensent-elles de toutes ces initiatives ? Elles ne supportent plus ces discours qui promettent des lendemains qui chantent. 0’53 demain_1.mp3

L’identité française a changé. Elle est multiculturelle et multiconfessionnelle. C’est d’abord cela qu’il faut admettre, ensuite le travail de cohésion sociale pourra commencer. On s’est quitté en la remerciant de porter ces paroles à ceux qui ont la main sur les leviers du changement.

Nordine Nabili, Mohamed Hamidi

Lire le communiqué de Gay McDougall : Communique_de_presse.doc

Nordine Nabili

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