Il est 13 heures, à la gare d’Argenteuil (Val d’Oise) et l’organisation de la marche prend forme pour un départ imminent. La famille, des proches, des sympathisants anonymes, des militants et quelques élus sont au rendez-vous.Des centaines de personnes se sont déplacées pour l’occasion.

Cela fait deux ans que le jeune Sabri Choubi est décédé, dans des conditions qui semblent toujours floues pour la famille. Dans la nuit du 16 au 17 mai 2020, pendant le ramadan et au sortir du premier confinement, le jeune homme de 18 ans, au guidon de sa moto-cross, aurait percuté un poteau électrique de la rue du Trouillet. Mais avant le choc l’adolescent a croisé un véhicule de la BAC (Brigade Anti Criminelle) d’Ermont.

Un combat judiciaire pour la famille

Le rapport d’enquête préliminaire confirme de son côté que le jeune motard a percuté un poteau sur un trottoir alors qu’il ne portait pas de casque. Mais le procureur de Pontoise précise que les agents de la BAC n’ont pas poursuivi le conducteur qui n’aurait pas  eu l’intention de le contrôler. Une version contestée par la famille depuis le début de l’affaire.

Un an après les faits, le parquet de Pontoise a annoncé un classement sans suite de l’enquête qui aurait « confirmé l’absence d’intervention d’un tiers dans l’accident ». « L’expertise en accidentologie concluait également à une perte de contrôle de la moto alors qu’elle roulait sur le trottoir et percutait le rétroviseur d’une camionnette ».

Seulement la famille n’est pas convaincue de cette version et demande une réouverture de l’instruction le 29 Novembre dernier. Des zones d’ombres subsistent notamment face à l’absence de pièces à convictions disparues, de reconstitution, des témoignages qui se contredisent et l’impossibilité d’avoir accès aux conversations radios des voitures présentes ce soir-là.

La famille Choubi veut des réponses. Afin de comprendre depuis ces deux dernières années, elle a enquêté de son côté et a essayé d’effectuer une reconstitution sauvage du trajet de Sabri. Seulement voilà, un an après le drame, la configuration de la rue a été modifiée.

Des centaines de personnes mobilisées à Argenteuil pour soutenir le combat judiciaire de la famille de Sabri Choubi.

Cette marche est un hommage à Sabri mais aussi un moyen de montrer la  détermination familiale face à la justice. Le père de Sabri, Khalid Choubi exprime sa patience: « après deux ans je garde espoir dans cet appel. J’ai confiance en la justice et dans la procédure qui est en cours. Je reste en contact avec mes avocats et les autres comités victimes de violences policières. J’attends toujours la vérité ». De son coté, la maman Sabrina, exprime son ressenti : « On attend que le travail soit fait car il n’y a rien qui va. Aujourd’hui, si mon fils n’avait pas croisé cette voiture de la BAC ,on ne serait pas là. » 

Elle poursuit et raconte les circonstances du drame ce soir là : « au début on m’a dit qu’il avait fait un accident avec un ami à lui, après j’apprends dans la presse que c’est le choc avec le poteau… Ce ne sont que des petits détails mais il y a tellement de choses… Il ne buvait pas, il ne fumait pas donc voilà. Si mon fils avait eu un accident tout seul on aurait accepté, c’est comme ça c’est la vie. Mais pour moi c’est pas le cas. » 

Déjà, pour moi la phrase : ‘Nous n’avions pas l’intention de le contrôler’, ça ne passe pas !

Toujours dans l’incompréhension la plus totale, la mère de Sabri exprime sa colère par ces mots : «  Déjà, pour moi la phrase : ‘Nous n’avions pas l’intention de le contrôler’… Ça ne passe pas ! Quand on voit ce qu’ils font en pleine journée à des petits et que le mien était sur une moto-cross à deux heures du matin, je ne pense pas qu’ils n’avaient pas l’intention de le contrôler. L’enquête est rouverte depuis le 29 Novembre 2021. Depuis deux ans, on a aucun rapport direct avec la justice ».

A ses cotés, la tante de Sabri par alliance, Carole, raconte les incohérences que la famille a relevé dans le dossier : «  Faut savoir que ce soir là, Sabri allait ranger sa moto dans un pavillon, chez un ami à lui. Il devait même la vendre. Il a eu cette skoda, de la police d’Ermont. Même s’ils disent qu’ils étaient en patrouille, on sait qu’ils sont arrivés avec des gyrophares, on a des photos qui le prouvent donc ils ont forcément été appelés. Déjà de base, elle n’a rien à faire sur ce secteur. On le sait par rapport au dossier. 680 pages pour un non-lieu ». Elle ajoute : « Sabri n’était même pas décédé qu’ils avait déjà sorti son casier judiciaire ».

On a besoin que ça ne se reproduise plus surtout. 

S’est associé au cortège de cette marche blanche entre autres, le conseiller régional d’Ile de France ,Paul vannier (France Insoumise et candidat aux élections législatives dans la cinquième circonscription du Val d’Oise). « J’étais déjà là l’année dernière. Je suis à nouveau aux côtés d’une famille frappée par le deuil. Il reste des interrogations, des doutes. Il y a des demandes de la part de la famille, d’avoir une série d’informations pour comprendre ce qu’il s’est passé ce soir-là et elles manquent toujours aujourd’hui. » 

Le cortège de la marche prend un chemin calculé et précis afin que les discours et les attentes soient entendus, notamment à proximité de la sous-préfecture d’Argenteuil. Emilie Da Silva, membre active du collectif « Lumière pour Sabri » lance au micro : «  Nous avons des choses à leur dire et nous finirons à la dalle d’Argenteuil car c’est chez Sabri et nous avons des choses à se dire ».

Sur la dalle du Val d’Argenteuil, la militante reprend le parole et critique la tenue de l’enquête. « Tout est incohérent du début à la fin. On a demandé une réouverture. On a fait nous même notre propre enquête, nous même notre reconstitution et après ça le tribunal a accepté une nouvelle instruction. On arrêtera pas ce combat parce que la maman de Sabri, son papa et sa sœur, ils ont besoin de savoir ce qui s’est passé. Et puis on a besoin que ça ne se reproduise plus surtout. »

Audrey Pronesti

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