Nous sommes le mardi 22 juin, le premier vrai jour d’été 2010. La France vient d’être éliminée de la coupe du monde de football et la déception qui s’est emparée du pays se traduit par le silence assourdissant qui anime nos rues. Ce calme contraste avec le bruit des klaxons de la veille qui venaient accompagner le score fleuve du Portugal contre la Corée du Nord (7 buts à 0), nous rappelant le vacarme d’un orchestre de vuvuzelas. Le temps, lui, ne laisse transparaître aucune tristesse et le soleil brille comme rarement. Je décide de sortir, je m’en vais promener le loup. Je claque mon portail à la hâte, la laisse se tend, et mon chien de commencer à me tirer dans les rues du quartier.

Dans ma rue, une maison s’était parée de ses plus beaux drapeaux tricolores, mais les évènements d’Afrique du Sud ont dû décider la dame qui y vit à les retirer. Prince, mon chien, prend le boulevard Charles-Vaillant et on passe devant la boulangerie. Il a beau tenter son regard le plus attendrissant, la boulangère lui refuse l’éclair au chocolat qu’il convoite. On continue notre petit bonhomme de chemin, dans la rue du Languedoc un résidant nettoie sa voiture. Le chien s’éloigne de l’homme qui tient un jet d’eau dans les mains, il n’aime pas ça, l’eau, Prince.

A la recherche de nouvelles odeurs son museau balaye le trottoir. On arrive à la place Pierre Curie, un rond-point très fleuri, les anciens jouent à la pétanque. Dans une rue proche, des enfants se dandinent sur une planche à roulettes étrange, j’apprends que « c’est un waveboard », que « c’est pas comme un skateboard mais presque ». Prince ne s’en préoccupe que très peu et décide de repartir pour de nouvelles aventures. Il s’élance en direction du canal de l’Ourcq, où la végétation luxuriante propose de multiples odeurs.

Là-bas on croise des joggeurs, des cyclistes, des promeneurs et des pêcheurs aussi. Prince commence à s’agiter et je comprends qu’il a remarqué le labrador d’en face. Les deux jouent un peu et j’en profite pour tailler une bavette avec le maître de Laïka. Si on continue tout droit on arrive à la gare RER, et c’est ce que l’on fait. Elle est en travaux, la gare, elle sera plus moderne, avec des ascenseurs. A côté de la gare, le parc constitue la prochaine étape de notre balade.

Le parc c’est un peu sa maison, à Prince. Il sait que je vais lui enlever sa laisse et qu’il pourra courir dans tous les sens sans se soucier des voitures. Oui mais voilà, à force de courir dans la même direction, le Prince, il quitte le parc. Je lui remets sa laisse, et je décide qu’il est temps de rentrer à la maison. Sur le chemin du retour, non loin du cinéma Jacques Tati, une voiture s’arrête à ma hauteur. Le conducteur baisse sa vitre et me questionne : « Excusez-moi, pouvez-vous m’indiquer où se trouve la clinique de Tremblay-en-France s’il vous plait ? » Et moi de lui répondre qu’on est juste à côté qu’il n’a qu’à prendre la prochaine à droite puis encore la deuxième à droite.

C’était le mardi 22 juin dans une zone pavillonnaire d’une ville qui a fait beaucoup parler d’elle.

Killian Barthélémy

Killian Barthélémy

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