Fred NAUCZYCIEL/Opale

Pourquoi avoir créé cet événement du Pari(s) du Vivre ensemble 2012 ?

L’association Pari(s) du Vivre ensemble fait tous les ans une grande action consacrée aux banlieues, aux discriminations ou à l’esclavage. Cette année, nous avons pensé qu’il était presque obligatoire, puisque la gauche est au pouvoir, de rappeler que les banlieues existent et qu’on y attend l’égalité. Et que faire remplir des questionnaires, comme le fait aujourd’hui le ministre de la Ville François Lamy, ne suffit pas. Avec Jean-Christophe Attias (co-fondateur de l’association), nous avons donc créé cet événement où les acteurs qui s’occupent de la banlieue, mais aussi les représentants des pouvoirs publics, viendront parler brièvement de leurs projets. Sans lui, cet événement n’aurait pas pu avoir lieu. Il est sa cheville ouvrière.

Qui sont ces acteurs ?

Des jeunes entrepreneurs issus des quartiers, des artistes, et bien d’autres. Nous avons essayé de diversifier au maximum les invités. Nous avons aussi fait venir des jeunes issus des banlieues afin qu’ils se sentent à l’aise pour parler et poser des questions. Ce seront «  les assises des quartiers pour que l’égalité soit également maintenant ».

A qui s’adresse cet événement ?

Nous l’avons ouvert de manière spontanée à plein de jeunes qui viendront de partout pour présenter leurs doléances. Ils prendront la parole pour parler de leurs problèmes, de ce qui les inquiète, de leurs projets…Il y a déjà des centaines de personnes inscrites, qui seront là pour poser des questions sur leur présent et leur avenir. Elles tenteront d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur situation puisque le Ministère de la Ville a lancé deux questionnaires qui ne correspondent pas tout à fait  pas à l’état d’esprit des personnes concernées : il y a cinq ou six pages à remplir et les habitants devraient passer plusieurs jours à le faire. Je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de réponses !

Quels seront les principaux thèmes abordés ?

D’abord l’éducation, la formation et l’emploi, mais aussi la sécurité, le logement, l’art et la culture. Autant de sujets qui concernent de près les personnes habitant ces quartiers, où chômage et pauvreté ne font qu’augmenter. Quatre tables rondes seront dédiées à ces questions. Et la ministre du Logement, Cécile Duflot, ouvrira ces journées en parlant de l’habitat.

Y a t-il de votre point de vue une actualité particulière pour traiter de ces questions ?

Je crois qu’il y a une vraie urgence. Le gouvernement n’a pas tenu ses promesses sur le droit de vote des étrangers, ni sur le délit de faciès. Il faut lui rappeler qu’il est temps qu’il commence à regarder de ce côté, puisque nombre d’habitants des quartiers ont voté pour lui.

Quelles seront les suites après ces deux jours ?

L’événement n’a pas encore eu lieu, et il faut d’abord voir ce qui va se passer. Nous allons tenter de rédiger un Livre blanc, qui sera distribué un peu partout. Nous essaierons ensuite de résumer en dix ou quinze points les doléances en vue de les publier et de les remettre au Président de la République, au gouvernement, et notamment à François Lamy. Les technocrates des ministères pensent que, dès qu’on remplit un questionnaire, la question est réglée. Je crois qu’ils n’ont aucune idée de ce qui se passe dans ces banlieues : il est donc utile de prendre la température de près.

Quels liens avez-vous avec les banlieues ? Pourquoi vous y intéressez-vous ?

Je travaille sur les banlieues depuis des années. Je suis moi-même une immigrée, puisque je suis venue en France en 1973 pour y faire mes études. Pour moi, c’est une sorte de devoir de travailler en ce sens pour aider ces gens, c’est un peu ma contribution personnelle. Aujourd’hui, je suis professeur d’université et sénatrice, mais j’en ai bavé et cela n’a pas été facile de réussir avec à la fois mon accent, mon origine immigrée et le fait d’être femme. C’est aussi une question d’affinité : je me sens proche de ces personnes, de leurs souffrances. Et comme je suis une voix qui peut être entendue, alors parfois, je crie, je m’énerve, j’interpelle… Toutes les semaines, dans ma chronique sur le Huffington Post, j’attire l’attention car à chaque fois, l’AFP reprend ces articles en dépêches, et donc, cela parvient dans les rédactions. Il me semble que c’est comme la pédagogie : il faut souvent répéter, car les pauvres, les démunis, on ne s’en occupe pas beaucoup. On y pense seulement lorsqu’il y a des émeutes, ou des élections.

Vous considérez-vous comme porte-parole sur la question des banlieues ?

Je ne suis pas une porte-parole, je suis une femme de gauche avec des convictions. Je n’avais pas besoin d’être élue sénatrice, car je gagne ma vie en tant que professeur à l’École Pratique des Hautes études (Sorbonne). C’est donc pour porter mes convictions que je suis allée au Sénat en 2011. J’étais le rapporteur de la loi sur le droit de vote des étrangers. C’est moi qui ai déposé la loi contre le contrôle en faciès afin qu’il soit accompagné d’un récépissé. C’est aussi moi qui ai déposé une loi pour qu’on supprime le carnet de circulation des gens du voyage. Et une autre sur l’abrogation du délit de racolage passif de la part des prostituées, que le gouvernement m’a fait retirer. Je suis une femme de convictions qui se bat. Peut-être que je ne réussis pas toujours, mais je ne baisse pas les bras.

Propos recueillis par Hana Ferroudj

Entrée gratuite sur inscription obligatoire : http://www.parisduvivreensemble.org

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